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lundi 19 août 2019

Kyoto : Daikaku-ji


Le Daikaku-ji, c'est un temple assez peu visité par les Occidentaux (j'en croise quand même plusieurs durant ma visite), bien davantage par les touristes japonais. Il a la réputation d'être un des plus beaux de Kyoto et il figure sur ma liste depuis mon premier voyage !



Le problème, c'est qu'il y a à Kyoto tant de temples magnifiques, et tellement éparpillés qu'après ce quatrième voyage, il me restera encore des "prioritaires" à voir.

Pour le moment, j'y suis. On me propose un billet combiné à 600 yens pour deux temples, avec le Gyo-ji, réputé pour son cadre enchanteur dans la forêt :  je profite de cette aubaine.


La partie à l'avant aligne des tombes de dignitaires. Tout est écrit en kanji, je n'en saurai pas davantage.



Une fois  la première porte passée, une série de végétaux taillés sur fond de gravier me rappelle le Ninna-ji, mon temple favori. Et plusieurs similitudes vont m'apparaître encore durant ma visite.



Pavillons et peintures



Effectivement, tout comme le Ninna-ji, il s'agit d'une ancienne résidence impériale, en l'occurrence celle de l'empereur Saga au VIIIe siècle qui en fit d'abord une villa d'agrément puis sa résidence principale lorsqu'il se retira du pouvoir.


D'autres empereurs s'y installèrent ultérieurement et des réunions officielles s'y tinrent, plusieurs traités y furent signés. La villa apparaît d'ailleurs dans le Dit de Ganji, qui serait le premier vrai roman de l'histoire.


Les différents pavillons sont reliés par des couloirs sur pilotis, ce qui permet de merveilleuses vues de jardin au passage.



Car on est bien ici dans le concept maître à Tokyo, ou nature et méditation religieuse sont étroitement entrelacés.


La villa fut donc transformée en temple bouddhique, et elle conserve d'ailleurs une célèbre relique, le sutra du coeur rédigé par l'empereur Saga sur l'injonction du moine Kobo Daishi. Ce manuscrit n'est présenté qu'une fois tous les soixante ans, et la dernière était en 2018. Je n'ai aucune chance de le voir un jour !


L'empereur Saga est également connu pour avoir inventé ici l'ikebana, l'art de l'arrangement floral, et la renommée de cet art très prisé ici retombe évidemment sur le temple.



Comme dans toutes ces résidences impériales, l'intérieur des pavillons est remarquable : les panneaux coulissants, les fusuma, sont abondamment décorés de peintures, dans plusieurs styles.


Dans les premières salles, fleurs et arbres poussent sur un fond à la feuille d'or. On retrouve ici les éléments favoris du répertoire, chrysanthèmes, bambous et pins, réalisés avec délicatesse.


Avec ses décors sur le thème de la nature, le pavillon peut être en harmonie avec l'extérieur.





Au passage, des échassiers viennent animer les végétaux. Fleurs et oiseaux sont une association classique du répertoire japonais, le kacho-ga.




Tous les sols du temple sont en plancher "rossignol", un dispositif qui fait retentir un piaillement aigu quand on marche. Système d'alarme qui fit ses preuves !


Variante du kacho-ga, des grues à l'encre, magnifiques d'épure et d'utilisation du fond blanc.

Remarquable travail.







Les canards étaient un motif traditionnel de la peinture chinoise, échangé comme beaucoup d'autres entre les deux pays ennemis.



A titre personnel, j'aime moins cette palette acide.





La série de peintures la plus célèbre est vraiment très originale à plus d'un titre ; le format, la position, le choix d'un animal assez rarement représenté.


L'artiste a montré un sens de l'observation, du mouvement pour caractériser de vrais personnages. Effectivement je ne connais pas d'équivalent dans la peinture japonaise de cette époque.



Le graphisme est tout aussi étonnant ; avec cette ligne qui dessine les contours, c'est un ancêtre de la bande dessinée !






La dernière série de panneaux est à l'encre et montre une exceptionnelle maîtrise du pinceau et des dégradés. Les nuances de gris s'obtiennent par la dilution de l'encre avec l'eau, et une fois le pinceau posé sur le support, aucune retouche n'est possible.


Admirable travail, vraiment.




Quelques personnages qui semblent croqués sur le vif, sans doute du même artiste ; sa façon de traiter le flou du feuillage est la même d'une série à l'autre.



Vraiment, quel chef-d'oeuvre. Quelle économie de lignes. Comment dire beaucoup avec peu. L'équivalent du haiku en peinture.









Les lieux de culte


Plusieurs pavillons, qu'on peut voir sur la photo précédente, sont organisés pour les cérémonies religieuses. L'un d'eux fut détruit pendant l'ère Edo, mais plutôt que d'en reconstruire un neuf, on a transporté ici un autre pavillon ancien (ère Momoyama, autour du XVIe siècle) provenant du palais impérial.








Le second de ces pavillons m'a fasciné par la richesse de sa décoration, un peu profuse, mais très riche de détails.



Les décorations des poutres ressemblent à celles de l'Eikan-do, le temple aux érables, et, à nouveau, elles me rappellent les monastères tibétains.


Le plafond est un damier, construit un peu comme un tapis : une bordure extérieure de chrysanthèmes stylisés, puis un motif différent dans chaque case.






La présence d'un dragon sur le plafond du fond ne devrait pas étonner ; c'est un protecteur du Bouddhisme, divinité de l'eau et non du feu comme on le croit souvent.



Impossible de le faire entrer tout entier sur ma photo !





La dernière salle permet de se livrer à de la calligraphie ; on vous vend une feuille de papier, on vous prête de quoi écrire et une copie du fameux sutra et c'est parti. 1000 ou 2000 yens suivant le papier. Ce n'est pas donné et, de toute façon, mon écriture de cochon ne me laisse aucun espoir sur la calligraphie. Sans compter que dessiner un kanji, ce n'est pas n'importe quoi, on doit suivre un ordre précis pour les traits.

Je suis hors course mais plusieurs dames y sont, dans la course.


Peut-être pour enrichir l'inspiration, cette salle présente une petite série de statues d'excellente facture.




Lacs et pavillon de laque



L'étang appelé lac d'Osaka fut créé avant le temple et dessiné par l'empereur Saga, destiné à observer le lever de la lune depuis des bateaux. Cela porte un nom précis, chisen-shuyu, le jardin vu du bateau. C'est un modèle chinois qui fut très en vogue ici.




Un passage couvert traverse le ravissant jardin vert, arbres,  mousse et petit lac.





Le pavillon de laque, de style chinois, multiplie les nuances de rouge ; celui, très intense, du plancher doux comme de la soie est magnifique.




Le vert est assez rare dans les temples japonais et je présume que ces petites touches de couleur complémentaire servent surtout à vivifier le rouge.


A nouveau, un plafond en damier trace un pont entre les deux pavillons.




Avant de quitter ce splendide temple, je fais un bout de chemin autour de ce "jardin d'eau".


Pas tout à fait le même que celui de la peinture, mais une belle bête tout de même !



C'est toujours un plaisir de photographier des lotus. Il faut vraiment se forcer pour que la photo soit mauvaise !



Je suis vraiment ravi de ma visite ; un temple très complet, vraiment intéressant, avec de beaux jardins et des peintures de qualité. Je le place volontiers dans ma liste de tête !

4 commentaires:

  1. C'est effectivement magnifique !
    Mjo

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    1. Oh que oui !
      J'ai vraiment adoré ce temple !
      Merci beaucoup.
      Gros bisous.

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  2. I've forgotten this magnificent temple! A lovely tour, with the best guide, on the best blog!
    Annie

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    1. Wow! It is a great honor to receive such a review! Thanks Annie.

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