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dimanche 4 août 2019

Tottori : Le musée des sculptures de sable (Sand Museum)


Voilà un désir de longue date, depuis que j'avais vu un documentaire sur ce musée des sculptures de sable, plus connu sous son nom anglais Sand Museum. A Tottori, le sable est la spécialité locale, c'est même unique au Japon.

A la fin de chaque hiver, on invite des sculpteurs sur sable (si, si, ça existe) du monde entier pour réaliser des "tableaux" en relief. L'exposition dure jusqu'au début du mois de janvier, on détruit tout et on recommence ! Les sculptures sont donc vouées à l'éphémère.

Certains de ces artistes sont des habitués ; Thomas Koet, par exemple, vient chaque année depuis 2012. J'imagine que les sculpteurs sur sable, ça ne court pas les rues, du moins pas à ce niveau.



J'achète mon billet à 600 yens et c'est parti !


A l'extérieur de la grande halle qui abrite l'exposition temporaire, on peut voir tout de même deux œuvres qui semblent bien résister malgré le vent marin. Un apéritif avant ce qui va suivre. Mère Teresa est facilement identifiable.



En descendant vers la hale, un coup d’œil vers les dunes. Effectivement, pas besoin d'importer le matériau de base.



Un visiteur imprévu.


La murène est très réussie !


Une évocation des fonds marins donc, mais je pense qu'il faudrait la voir à un autre moment de la journée.

2019 : L'Asie du Sud

Chaque année, le thème change donc. Un sculpteur japonais supervise l’ensemble des travaux de ses collègues, mais je ne sais pas comment se répartissent les choix artistiques. Est-ce lui qui distribue les sujets ? Est-ce lui qui exécute les dessins préparatoires ?

 Je pense que c'est lui, en revanche, qui décide du plan général de l'ensemble. Cette année, c'est Katsuhiro Chaen, paraît-il une star qui collabore à des films (La Momie) ou des séries (The Walking Dead).

Le Mahatma Gandhi (Pavel Mylnikov, Russie)



On voit tout de suite que les travaux présentés font appel à plusieurs techniques de base de la sculpture, l'intaille (la gravure dans le support), le bas-relief (relief sur un fond de moins de la moitié du volume du sujet), le haut-relief (pareil, de plus de la moitié, mais on ne peut pas en faire le tour) et la ronde-bosse (les statues telles qu'on se les imagine, où on peut tourner autour).


La sculpture sur sable rejoint un peu celle sur argile, dans les effets de structure qu'on peut donner, avec d'ailleurs des outils voisins. J'imagine que les artistes ont étudié cela durant leur formation !


La magie de la représentation réaliste, c'est de parvenir à tromper notre cerveau au point de croire au sujet et non à un tas de sable. Mission accomplie avec ce portrait très réussi dans la vision générale comme dans le détail. L'acuité du regard est restituée de manière saisissante.

Ablutions et prières à Bénarès (Michela Ciappini, Italie)



Les scènes placées dans un décor rappellent davantage les techniques du bas-relief, avec les astuces permettant de créer une perspective forte sur un volume mince. C'est bluffant de maîtrise.


L'artiste italienne démontre vraiment des moyens superbes dans une composition complexe, avec des portraits intenses.


Et il ne faut pas négliger la fragilité du sable, encore plus fragile que l'argile. Réussir à simuler la légèreté d'un pan de voile est prodigieux.


Quel travail sur les textures pour recréer l'eau, les cheveux, l'architecture !


Toute la partie en haut-relief est impressionnante de technique.


Et, malgré les prouesses réalisées, c'est encore l'expressivité qui domine. Ce genre de production fait toujours hésiter entre artisanat de bon technicien, et je pense que certaines pièces ici seraient à classer dans cette catégorie, et véritable oeuvre d'art qui exige une dimension supérieure. Mais je place celle-ci dans la seconde !






Je ne sais pas qui est l'auteur de ce côté-là. D'un côté, Gandhi, de l'autre, Patan. Auquel des deux faut-il attribuer ces bergers ?

La Mosquée de l'Etoile et l'agitation de la ville, Dhaka (Melineige Beauregard, Québec)



Grande réussite aussi pour ce travail avec une forte perspective.




Mohenjo-Daro et la civilisation de la vallée de l'Indus (Oscar Rodriguez, Espagne)



Curieuse composition, très virtuose dans l'effet de feuille de papier et la perspective du plan.


Beau modelé également.


Et des expressions rendues avec beaucoup de soin !

 Durbar Square à Patan, Népal (Andrius Petkus, Lituanie)



J'ai visité Patan et je l'ai reconnu tout de suite ! Avec un faible relief, la mise en profondeur m'a sidéré.


Vraiment un fabuleux travail pour créer un espace. Tout fonctionne !

Andrius Petkus a utilisé une très forte perspective et la réduction des volumes successifs, et choisi de contraster au maximum les tailles entre l'énorme bâtiment de gauche et les personnages minuscules. Même à un mètre, on est bluffé.


Les effets d'ombre, comme dans une peinture, sont également exploités pour augmenter la perception tri-dimensionnelle. C'est un artiste qui maîtrise vraiment le vocabulaire des effets !


Et je me régale des petits détails : la femme avec la chèvre, par exemple. Sans négliger les extraordinaires effets de texture : le pavement, les briques.

Remarquable.


La Mosquée Bleue en Afghanistan (Guy-Olivier Devreau, Québec)



Un autre très beau travail de perspective et de texture. Je devrais m'en contenter, il est peu probable que je puisse la visiter un jour !



Le temple de Vishvanatha à Kharujaho (Dan Belcher, USA)



Une réalisation différente avec le temple lui-même encadré par une porte.




Encore une fois, je trouve les textures admirables.



Et la forêt est remarquable !

Vishnu et Lakshmi (Dmitrii Klimenko, Russie)



Plusieurs scènes illustrent des scènes célèbres plutôt que des lieux, comme ce couple de la mythologie hindoue.




Les Roues de pierre de Konark (Sudarsan Pattnaik, Inde)




Un énorme travail de détail ici.




Le Taj Mahal (Leonardo Ugolini, Italie) / Shah Jahan et Mumtaz (Ilya Filimontsev, Russie) / La parade de l'empire moghol (David Ducharme, Québec à gauche et Susanne Ruseler, Pays-bas, à droite)





La paroi du fond présente chaque fois la grande réalisation qui figurera sur les affiches, et la plus importante par la taille.

Comme les années précédentes, on a retenu une scupture à deux niveaux, avec l'histoire d'amour entre Shah Jahan et Mumtaz, et le célébrissime mausolée qu'il a fait construire pour sa belle. Je me rappelle bien les fontaines qui rythment l'allée vers le Taj Mahal, évoquées ici par une cascade.


Le ciel nuageux pourrait faire croire à une paroi montagneuse, comme à Petra, mais hormis cela, c'est une réalisation impeccable. Le détail des tympans (de magnifiques incrustations de pierre dure dans "le vrai") est remarquable.




Sur les côtés, personnages de l'empire moghol défilent. Les têtes d'affiche sont Shah Jahan, portraituré au centre donc, et Akbar, le troisième empereur. Les chevaux sont aussi impressionnants que le chameau !



A l'étage inférieur, un travail tout aussi soigné pour des portraits expressifs. Je regrette un peu la pose convenue, mais elle obtient un grand succès auprès des visiteurs !


On voit bien un traître, un vrai ! Et, à nouveau, d'excellentes textures, par exemple pour suggérer les matières du bouclier.




Suite de la procession moghole, toujours de la virtuosité en haut et bas relief.


L'origine et l'illumination de Bouddha (Thomas Koet, USA)



Petit groupe rappelant l'histoire de Bouddha sous son banian, avec de superbes visages.




La mort de Bouddha (Marielle Heessels, Pays-Bas)



Une oeuvre splendide sur l'expression de la douleur. Le Bouddha couché est magnifique !







Les Bouddhas de Bamiyan, Afghanistan (Yang Lidong, Chine)



Ca, c'est certain qu'on ne le verra plus. Une sculpture soignée à la place des vrais, hélas détruits par les Talibans.




Je pense que le détail des parties érodées a été créé avec beaucoup d'exactitude.

Paro Taktsang et le fondateur du bouddhisme tibétain (Sue McGrew, USA)



Double évocation avec Paro Taktsang, ce site du Bhoutan, et Guru Padmasandhava, le fondateur légendaire. L'épisode avec le tigre a donné le nom au monastère.




Impressionnante représentation du monastère dans les montagnes.

Le Rocher de Sirigiya et ses peintures (Jill Harris, USA)



Jill Harris a représenté ce site du Sri Lanka en mêlant la montagne et ses interminables escaliers accrochés à la paroi (et vertigineux, j'en ai un très net souvenir), et les peintures des déesses qui sont représentées sur les côtés. Les grottes sont situées sur la falaise de droite, invisible sur cette sculpture.





Le Livre de la Jungle de Kipling (Charlotte Koster, Pays-Bas)



Un joli travail plein de charme et d'humour. Il me semble qu'il doit beaucoup au dessin animé, même si Baloo est très différent de son homologue chez Walt Disney !




Ganesh (Enguerrand David, Belgique)



La plus petite sculpture de l'exposition, très soigneusement modelée.


Vue d'en haut

L'étage permet d'apprécier différemment et de mesurer la maîtrise des perspectives. Je trouve que le Mohenjo-Daro est bien  plus impressionnant avec de la hauteur, par exemple.















Expositions précédentes



Quelques panneaux gardent la trace des œuvres détruites. En 2018, le thème était les régions nordiques.


En 2017, les USA. J'ai vu d'autres photos de ce Mont Rushmore, version sable, c'est peut-être une des raisons de ma visite ici !


En 2016, l’Amérique du Sud.


L'Allemagne, en 2015, avait été l'occasion d'une scène réjouissante avec les grands compositeurs germaniques.



La Russie en 2014, avec une Cathédrale Saint Basile convaincante.


L'Asie du Sud-Est en 2013. Je reconnais un Angkor Vat gigantesque, Borobudur.


En 2012, pour la Grande-Bretagne, la grande scène ne comprenait qu'un seul niveau.


L'Afrique, l'Autriche (pays adoré des Japonais !), l'Asie déjà, l'Italie de la Renaissance... On peut revenir chaque année !

La réalisation des sculptures



Les making of, ça m'intéresse toujours.


Voilà quelques productions de Katsuhiko Chaen, le coordonnateur de cette année.


Les parties en bois ne sont pas des structures pour renforcer les sculptures, puisque tout est en sable, mais des échafaudages pour le travail des artistes. Chaque œuvre est réalisée de haut en bas pour ne rien abîmer. Je présume qu'ils exécutent d'abord un modèle réduit.


On utilise du sable, de l'eau, et rien de plus. Pas de résine, pas de durcisseur. C'est un peu magique !


Un aperçu  des différentes techniques.


J'ai pris ces quelques photos durant la projection, qui permet de voir les outils employés.



Portrait de famille...







Outre des instruments spécialisés, on utilise vraiment tout pour créer des formes !



J'attendais beaucoup de cette visite et je ne suis vraiment pas déçu ! Je vivrais au Japon, je reviendrais chaque année...


6 commentaires:

  1. Le musée des sculptures de sable, est-ce possible ? J’ai hâte de voir le résultat.
    Je suis baba devant la première sculpture, comment cela peut-il tenir ? C’est vraiment une prouesse. Dès la première sculpture on a de la peine à croire qu’il s’agit de sable et non de grès. C’est parfait, les artistes font preuve d’un talent exceptionnel. Gandhi est extraordinaire de vérité, les palais sont représentés jusqu’au moindre détail.
    Un grand merci de nous avoir fait découvrir cette facette du seau et de la pelle de notre enfance. Bisous. Mam.

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    1. Moi aussi j'ai pensé au seau et à la pelle ! Quand je pense aux châteaux avec les tours d'angle dont j'étais si fier.
      Je vais me répéter, mais j'ai vraiment adoré ce musée !

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  2. Unbelievable ! Outstanding !
    I have no words to tell you my feelings.
    Incredible works. Fantastic article.
    Annie

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    1. Yes, it was one of my top spots in my travel.
      And, you're right, absolutely outstanding.
      Thanks, Annie !

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  3. Très riche article. Merci pour ce beau travail ! Alba

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