Translate

mardi 31 août 2021

Santorin : Akrotiri, la Pompéi grecque (2)

 

Après la première partie sur Akrotiri, ville du second millénaire avant notre ère enfouie sous l'éruption volcanique de Santorin, voici la seconde.

Les fouilles ont dégagé des façades de trois bâtiments, assez bien conservées pour des murs datant de -1613. Elles découpent une place triangulaire dans une zone résidentielle.

A l'est, s'élevait une petite maison avec sa volée d'escaliers qui conduisait aux deux étages supérieurs. L'aile ouest était la plus importante. C'est là qu'on a découvert la fresque des pêcheurs.

On nous offre une petite vidéo avec une reconstitution de la maison ; j'en ai volé quelques images qui permettent de s'imaginer la distinction de l'intérieur.







Cette dernière image montre le système d'écoulement vers la canalisation commune. Ce qu'on appellerait plus tard le tout-à-l'égout.

Les demeures disposaient d'installation sanitaire. Le panonceau m'assure que les latrines se déversaient dans le réseau d'évacuation.

Je ne mets pas en doute ces explications mais c'est pour moi une vraie surprise. J'étais persuadé que pendant de longs siècles, urine et matières fécales n'avaient pas été jetées, mais étaient conservées, l'une comme nettoyant, l'autre comme engrais.

Je connais bien les fullonica de Pompéi où on nettoyait et teignait le linge à l'aide d'urine, système retrouvé dans les villes antiques d'Ostie et de Barcelone. Le grand Tofuku-ji de Kyoto tirait  une partie de ses revenus de l'urine récupérée dans ses toilettes publiques. Le produit fut, pendant longtemps un des ingrédients essentiels du tannage du cuir.

Au Tibet, on fait fermenter l'urine et si je me rappelle bien les souvenirs de Paul-Emile Victor, il explique que dans le Grand Nord, il dort chez une famille au-dessus de la fosse où on stocke l'urine.

Donc, c'est un pur mystère que cette évacuation. Est-ce que les pouvoirs de l'urine étaient inconnus, ou utilisait-on un autre produit de nettoyage ?

On a laissé en place quelques jarres, bien utiles supports de l'imagination. Les objets sont retrouvés, innombrables, vont des balances à la poêle, passant par toute sorte d'outils, scie, hache... La poterie s'illustre dans toutes les tailles et une quantité incroyable de formats. Beaucoup de ces objets sont identiques aux nôtres.

Plusieurs moulins ont été retrouvés, sans que j'en sache davantage. Le peu qui est visible ne permet pas de savoir s'il s'agit de meules actionnées par des animaux, comme dans les boulangeries romaines. De mémoire, il me semble que les premiers moulins à vent sont apparus en Perse à peu près à l'époque byzantine.

Au pied du mur, on repère aisément le trou d'évacuation vers les égouts.

Selon les estimations, on pense aujourd'hui que la zone dégagée correspond à environ un dixième de la ville. Mais, même à l'intérieur du périmètre mis à jour, tout n'a pas été fouillé et la couche de boue reste à explorer.



La quantité de poteries retrouvées est vraiment importante pour que ce soit un lieu de conservation de denrées. Un lieu de stockage de vaisselle ou un atelier de potier paraît une hypothèse valable.



Les archéologues ont volontairement laissé la couche éruptive pour que les visiteurs puissent en constater la stratigraphie. On distingue très nettement les phases différentes de l'éruption. On a pu déterminer qu'elle s'était produite au milieu de l'été grâce aux traces de nourriture dans les jarres et au cycle de vie des insectes.

Les cadres de lit sont bien rarement retrouvés. Le bois, matière putrescible, est très sensible aux insectes xylophages et à l'humidité. Il faut la sécheresse en milieu fermé des tombeaux égyptiens pour avoir la chance de voir ces ancêtres de nos couchages modernes. Ici nous pouvons les voir grâce au moulage coulé dans leur empreinte, comme à Pompéi.

Le lit était utilisé pour les repas, rappelons-le. Il était tendu de cordes, procédé utilisé jusqu'à un passé récent, et on plaçait dessus une pièce de peau, cuir ou fourrure.

Il est frappant de voir la rareté de traces de feu dans les habitations individuelles, problème qui a suscité de nombreuses propositions. On a suggéré l'existence de grands foyers communaux  qui auraient été mis à disposition de la population. Je ne sais qu'en penser.

La netteté des murs montre qu'ils étaient enduits. L'argile et la chaux étaient utilisés couramment.

On a pu établir sans hésitation que la ville possédait un port et que son activité principale était le commerce ; on a d'ailleurs retrouvé des objets provenant de Grèce continentale, d'Asie Mineure, et surtout de la Crète proche.

Il semble que les habitants pratiquaient plusieurs activités. Les métiers à tisser signalés par les poids se retrouvent à peu près partout, et on peut trouver indifféremment pressoir à vin, atelier de métallerie ou de poterie. Le murex, coquillage qui donnait la pourpre et le safran étaient l'un et l'autre utilisés pour la teinture.

Nous disposons aussi de nombreux renseignements sur l'alimentation. On consommait des légumineuses (haricots, lentilles et pois chiches), des oignons, des fruits tels que figues ou raisins, et on a également retrouvé des pistaches. Bien sûr, on utilisait de l'huile, pressée à partir d'olives ou de sésame. Et on buvait du vin local !

Les pêcheurs se servaient de hameçons identiques aux nôtres pour ramener du poisson, et la gamme de produits de la mer comprenait aussi des coquillages. La boucherie n'était pas en reste : chèvre, mouton, porc et bœuf. Quelques douceurs avec le miel provenant des ruches voisines.

Comme je l'ai écrit précédemment, on n'a retrouvé aucun cadavre. Les habitants ont été prévenus par un nuée ardente encore faible. Ils ont eu le temps de rassembler leurs bijoux (on n'en a retrouvé aucun) et de s'échapper par bateau.

Malheureusement leur histoire a connu une fin tragique : aucune des îles voisines ne montre de traces d'habitat, et il est très vraisemblable que ceux qui tentaient de fuir ont fait naufrage lors du tsunami provoqué par l'éruption.

Je suis venu à Santorin pour Akrotiri et je ne le regrette pas ! C'est vraiment un site fantastique, à compléter impérativement par les extraordinaires collections du musée de Fira.


J'ai divisé le musée en trois parties : les extraordinaires objets du quotidien découverts à Akrotiri...

Les poteries qui révèlent l'inventivité des artistes...


Et les fabuleuses fresques qui ornaient les murs des maisons de la cité.

 

A mon humble avis, ce site et le musée sont les deux visites indispensables de Santorin.

2 commentaires:

  1. Deux articles passionnants !
    Merci pour cette remarquable visite, détaillée et commentée. C'est un plaisir.
    Magnifique blog, très riche.
    Agnès

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup Agnès, c'est un très aimable compliment !

      Supprimer

Un grand merci de prendre le temps de laisser un commentaire. Je promets de le lire aussi vite que possible.
N'hésitez pas à signer votre message, ce sera encore mieux : je n'ai AUCUN moyen de connaître votre nom, votre e-mail, ou votre blog.
Si vous préférez que vos coordonnées n'apparaissent pas, mais que je vous réponde en privé, utilisez le formulaire de contact, accessible sur la version web du blog.