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mercredi 1 septembre 2021

Santorin: Musée de la Thera Préhistorique (3, la splendeur des fresques)

 

Après les objets du quotidien si semblables aux nôtres, les inventives poteries, voici les fresques absolument superbes qui ornaient les maisons d'Akrotiri, il y a presque quatre mille ans..

Ca, c'est absolument extraordinaire. C'est une fresque du dix-septième siècle avant notre ère, mais si je la voyais sans indication, je penserais à une entrée de Barcelone. Les halls sont parfois peints de rouge et le motif stuqué du médaillon a été souvent repris à la période moderniste (Gaudi et consorts, pour faire simple). Et quelle élégance !

La maison des Dames

Sur le site d'Akrotiri, les structures des habitations sont bien visibles mais il nous manque les indices pour voir le raffinement des intérieurs. Voilà de somptueuses fresques, d'un goût exquis.

Sur les murs, les tables et parfois même les sols, les fresques traitent de sujets variés, souvent à grande échelle.

De nombreux éléments proviennent de Crète, tels que la division de la zone peinte en trois parties, le genre exprimé par le teint (blanc pour les femmes, brun-rouge pour les hommes) et la représentation en deux dimensions.

Cependant les peintres retiennent ici le fond clair qui met en valeur les couleurs.

La répétition des motifs obéit à des notions de rythme qui structurent l’œuvre. Il s'agit d'un art d'avant-garde qui mobilise la tradition au service d'une expression nouvelle.


La fresque des singes bleus

Cette imaginative création parait les murs d'une maison nommée Beta 6. Les singes (animaux inconnus à Akrotiri) s'ébattent dans un décor rocheux. Liberté de la composition, variété des positions, vivacité du mouvement, c'est un chef-d’œuvre incroyable dont je ne vois aucun équivalent dans l'Antiquité.


Du même peintre et dans la même demeure, une composition de crocus où il faut voir aussi des parties d'un quadrupède. Sans doute en bas à gauche, mais l'ensemble a malheureusement beaucoup souffert.

Les fresques de Xeste 3

La vaste maison nommée Xeste 3 était décorée d'un riche ensemble de fresques. 

 

Des jeunes filles aux tenues élaborées offrent du safran, les stigmates des crocus, à la déesse de la nature, opération à laquelle participe un singe bleu, au centre. Le précieux safran était très prisé pour ses facultés colorantes.

Ici, des jeunes filles cueillent le safran.

La mode était incroyablement sophistiquée : bijoux de perles et d'or, coiffe d'où s'échappent des boucles artistiquement mises en valeur, vêtements bordés de frises et ornés de pampilles.

Je suis fasciné par la liberté de la peinture et par la richesse des vêtements, colorés et aux multiples motifs. Ces tuniques avec des manches, cette multiplicité de motifs sont tellement plus proches de nous que les toges romaines.


De leur côté, les hommes participent également au rituel. Il pourrait s'agir d'une cérémonie de passage comprenant un bain.


A gauche, un enfant apporte un plat à un adulte pendant que sur le mur opposé, un autre personnage est chargé d'une large coupe.

L'homme incline le vase pour verser de l'eau. Le cartel précise que c'est sur l'enfant, mais je ne le repère pas du tout.


Toujours dans la même maison, un mur était agrémenté du thème vu précédemment, avec les fleurs sur fond rouge.

Un motif tout simple qui rappelle aussi bien des vagues stylisées que les spirales des poteries, parfaitement exécuté, dans de magnifiques couleurs.

La maison à l'ouest



La fenêtre de la maison à l'ouest est un modèle de décoration sophistiquée : la fresque sur le rebord imite le marbre veiné et celle sur le côté décrit un vase de lys rouges.

Dans cette pièce, les murs sont couverts de fausses draperies et de guirlandes, comme un trompe-l’œil.


En fait, ce décor reconstitue la cabine d'un navire, isolée par des tentures. On peut en voir un exemple dans la fresque de la flottille.

Le motif sur les mâts reprend, dans une version très stylisée, la forme de l'hyménocalle ou jonquille de mer.

Une jeune fille apporte un brûle-parfum (je croyais, avant d'avoir lu le panonceau, à des fruits dans une coupe !). Vêtue à la dernière mode avec son chemisier à carreaux et sa robe bordée de la même couleur, ostensiblement maquillée. Un vrai top model !  

Il s'agirait en fait d'une scène religieuse où la jeune fille accomplirait une cérémonie...

La longue frise de la flottille raconte un voyage maritime en mer Egée et vers des destinations plus exotiques. Malheureusement, une partie de ses seize mètres est perdue, mais ce qui reste demeure très vivant et impressionnant. On considère qu'elle constitue la plus ancienne carte maritime, ce qui n'était peut-être pas l'intention de l'artiste ou du propriétaire de la demeure.

Les navires quittent Akrotiri, sous le regard des habitants massés sur le port.

L'embarcation est parée de guirlandes et on retrouve la cabine suggérée dans la pièce précédente.

Le voyage est plein de péripéties et une bataille navale manque de causer la perte du vaisseau.

Après bien des dangers, on atteint les côtes africaines. Décidément, au sud de la Méditerranée, on ne porte pas les mêmes vêtements qu'à Akrotiri !

Des palmiers poussent dans cette contrée étrange.

Et on risque d'y rencontrer de drôles de bestiaux. Mêmes des autruches !

Ou d'autres gigantesques volatiles au bec acéré.

Je trouve ici un sens narratif et descriptif qui m'enchante. Le mélange de vision de haut et de face est plein de liberté et n'a pas gêné la mise en espace, et l'artiste montre un style personnel autant qu'un solide sens décoratif.

C'est toujours dans la même somptueuse demeure que se trouvaient deux célèbres fresques d'adolescents nus chargés de poissons.

Le thème marin paraît revenir, mais la peinture représente en fait un rite de passage, une épreuve qui marque l'entrée dans l'âge adulte.

 

Pour compléter cet tour d'horizon, ne manquez pas les deux fresques d'Akrotiri exposées au Musée National d'Athènes, dans cet article-ci.

J'espère être parvenu à communiquer mon enthousiasme. Je trouve cet ensemble absolument exceptionnel, qui livre, avec les autres richesses du musée, l'image d'un haut niveau artistique et de la distinction d'une société, d'il y a pourtant presque quatre mille ans, je le répète encore une fois.

C'est pour moi une visite absolument indispensable si on se rend à Santorin !

8 commentaires:

  1. Je viens de lire votre nouvel article !
    Merci de m'avoir fait découvrir ces fresques absolument extraordinaires. Je ne connaissais pas du tout et je partage votre enthousiasme. Il y a 4000 ans, c'est fou !
    Merci, merci.
    Phlip

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    1. C'est extrêmement aimable de votre part, Philip, d'avoir pris la peine de laisser ces commentaires et je vous en suis très reconnaissant.
      Donc merci à vous !

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  2. Incroyables merveilles !
    Je ne connaissais pas et je découvre avec bonheur.
    Merci pour ce formidable article et votre merveilleux blog qui nous fait profiter de votre érudition. Je voyage dans les musées du monde grâce à vous.
    Randy

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  3. Extraordinaires merveilles ! Merci pour ce bel article judicieusement commenté. Votre blog est une vraie pépite.
    Julia

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    1. Un grand merci, Julia, pour cet enthousiaste et chaleureux message !

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  4. Quel merveilleux musée !
    Ton choix est excellent, tu aimes partager, c’est ainsi que tu fais découvrir toutes sortes d’ustensiles destinés à faciliter la vie des habitants. Je vivrais volontiers dans ces maisons dont les murs sont ornés de magnifiques fresques réalisées il y a plus de 4000 ans, et qui ne se répètent pas.
    Nous n’avons rien à leur apprendre ils savaient déjà tout.
    Une véritable réussite que j’apprécie, tant les photos que leurs commentaires.
    Merci mille fois pour cet article si passionnant. Bisous. Mam.

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    1. Grand merci pour cet affectueux commentaire, gros bisous !

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