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mardi 31 août 2021

Santorin : Akrotiri, la Pompéi grecque (1)

 


Visite de l'extraordinaire site d'Akrotiri, une ville ensevelie sous les cendres de l'éruption du XVIIe siècle avant notre ère.

Une ville de l'Âge du Bronze

 

 

La civilisation minoenne, venue de Crète, s'établit sur l'île volcanique de Santorin aux environs de - 2000, en plein Âge du Bronze. Membres d'une civilisation brillante et raffinée, les Minoens construisirent une ville assez semblable aux nôtres, avec rues, places, carrefours, bâtisses à plusieurs étages, commerces, lieux de production, demeures qui marquaient la position sociale et pouvait atteindre une prodigieuse sophistication artistique. Ils la nommaient Strongili, l'île ronde.

Vers 1610, le volcan se réveilla dans une éruption fulgurante, d'une extrême violence. On l'estime à 7 sur l'échelle VEI qui mesure l'intensité de l'explosivité volcanique et compte huit niveaux. Elle provoqua un gigantesque tsunami avec des vagues de 20 m de haut pénétrant en Crète et occasionna des dégâts dans toute la Méditerranée ; on a proposé même qu'elle est à l'origine du mythe de l'Atlantide mais apparemment cette hypothèse est battue en brèche par des arguments solides.

Comme Pompéi, Akrotiri se retrouva ensevelie sous la couche volcanique. Cependant ses habitants avaient eu le temps de s'enfuir et on n'a retrouvé ici aucune dépouille humaine.

Histoire d'une découverte


L'histoire de la découverte est assez originale. Le diplomate français Ferdinand de Lesseps avait entrepris, en 1859, la construction du canal de Suez, une voie maritime qui reliait trois lacs et permettait la communication entre la Méditerranée et la Mer Rouge. Sa construction demandait quantité de matériaux qu'on recherchait activement.

 Le géologue Ferdinand André Fouqué ratissait donc les îles grecques et la pouzzolane de Santorin convenait parfaitement. Lors de ses prospections, il découvrit des parties de mur et des tessons de poterie. Les archéologues Dumont et Gorceix vinrent approfondir les fouilles mais la découverte des palais minoens de Crète relégua leurs découvertes aux oubliettes.

En 1939, Spyridon Marinatos explorait une villa à Cnossos, en Crète, et pensait que la couche de pierres ponces qui l'avaient ensevelie pouvaient provenir de l'éruption de Santorin. Il pensait que sur Santorin même une ville avait été construite sur la côte : les auteurs antiques (Strabon et Pindare) la mentionnaient et la couche de pierre volcanique correspondant. Il était prêt à se lancer dans le projet de fouilles quand la seconde guerre mondiale et la guerre civile grecque qui s'ensuivit l'anéantirent pour de longues années.

Il fallut attendre 1967 pour que Marinatos pût enfin entamer les fouilles à Akrotiri, ce qui permit rapidement de constater la présence d'une ville entière ensevelie. Il se tua sur son site quand le mur qu'il dégageait s'effondra sur lui. Son assistant, Christos Doumas, reprit sa place et demeure le directeur des fouilles, menées sans discontinuité depuis 1967 donc.

La première structure pour protéger le site s'effondra juste avant l'inauguration, tragique accident qui coûta la vie à une dizaine de personnes. En 2009, on construisit l'actuel, qui permit d'ouvrir en 2012 le site au public.

On a accès à environ deux hectares de la ville, et on suppose qu'il ne s'agit que d'une infime partie. Mais c'est déjà impressionnant. Cette visite sous le toit me fait immédiatement penser, toutes proportions gardées, à celle de l'armée des soldats de terre cuite de l'empereur Qin Shi Huang, près de Xian.

La ville était bien protégée dans sa gangue de pierre ponce et sa mise à jour la fragilise obligatoirement. Et la nécessaire sécurité des visiteurs modernes impose ces colonnes qui ne doivent rien à l'Antiquité.

 Grilles, étais, tout est mis en œuvre pour tenter de préserver la ville dégagée dans le meilleur état possible.

Une ville en trois dimensions

Un imposant immeuble de trois étages dominait l'entrée de la cité depuis le port septentrional. On y a découvert un "bassin lustral" qui servait à la purification. L'absence d'objets du quotidien permet d'interpréter le bâtiment comme un immeuble public, destiné aux rituels.

Les murs intérieurs étaient recouverts de fresques colorées et raffinées, maintenant exposées au musée de Fira.

La ville disposait d'un réseau perfectionné de canalisations ; les habitations privées disposaient d'installations sanitaires, drainées par des tuyaux de terre cuite dissimulées dans les murs qui débouchaient sur le réseau public, enterré sous les rues.

C'est toujours une surprise de découvrir la haute technicité de civilisations lointaines, d'autant plus qu'on a rarement l'occasion de visiter une ville de presque quatre mille ans. Vraiment, quelle visite captivante !

La zone était occupée depuis le cinquième millénaire ; port abrité, en contact visuel avec la Crète, il est logique que les Minoens aient retenu cette zone pour la coloniser.

Au milieu du XVIIe siècle, un séisme détruisit la ville. Grâce à sa prospérité, elle fut promptement reconstruite. Lorsque l'éruption se produisit, elle ensevelit donc une ville quasiment neuve. Cela explique sans doute l'excellent état des blocs et des fresques.


On constate un réseau urbain très dense. Les axes principaux donnaient accès à de multiples ruelles, dans un plan proche de ce que nous connaissons des cités romaines. Des voies sans issues étaient ménagées pour la ventilation et la luminosité des habitations.

Les quantités d'eau nécessaires au fonctionnement de la ville étaient considérables. Apparemment on ne récupérait pas l'eau de descente provenant des toits. 

Pour les sanitaires, on se contentait d'eau saumâtre, Elle était transportée dans des outres sur le dos d'animaux et était ensuite conservée dans de larges jarres, les pithoi, que l'on décorait de plantes aquatiques.

Pour la consommation on utilisait de l'eau douce ; sa source semble avoir disparu dans l'éruption (gros problème pour la Santorin actuelle, d'ailleurs). Elle parvenait à la ville grâce à un aqueduc ; on pense que la fontaine décrite dans une des fresques correspondrait à celle qui desservait l'agglomération.



Les restes effondrés ont permis de déduire un immeuble de trois étages, desservis par un large escalier. Il était décoré d'une frise gigantesque, représentant des personnages à taille réelle en train de le descendre. Il s'agissait vraisemblablement d'un bâtiment public, peut-être le siège de la municipalité ou les bureaux techniques. J'admire le savoir des archéologues !

Les habitations individuelles disposaient d'un grand nombre d'ouvertures qui assuraient une ventilation efficace ; utile en cas de forte chaleur comme de trop grande humidité.


Je suis saisi par la façade de cette maison qui a conservé presque intact son système d'étages. Dans les merveilleuses visites de Pompéi et d'Herculanum, les demeures ont presque toujours perdu leur niveau supérieur et lorsqu'on en voit, c'est généralement un seul étage. Ici, pour une fois, on est plongé dans une ville antique construite également en hauteur.

Baptisé Complexe Delta, un ensemble d'habitations était paré de cornes doubles, les cornes de consécration, travaillées dans du tuf blanchâtre. Après l'éruption, la boue pénétra par les ouvertures et inonda les pièces, préservant aussi bien le mobilier que les fresques murales.




De part et d'autres, on découvre des morceaux de mobilier saisis dans la gangue de boue.

La première construction dégagée fut le "magasin des pithoi", baptisé ainsi par Marinatos lorsqu'en 1967 il découvrit ici une grande série de jarres laissées intactes.

J'imagine volontiers l'enthousiasme et l'émotion de l'inventeur du site !

La structure était divisée en plusieurs parties, dont un bassin creusé dans le sol.

Le sol était jonché de coquilles de murex écrasées et les jarres contenaient des restes de nourriture solidifiés.

Par ailleurs, les poids retrouvés à l'étage proviennent sans hésitation de métiers à tisser. La bâtisse avait donc une fonction double.

Même une porte et une fenêtre toutes simples m'émerveillent. La proximité avec nos habitations est fascinante.


Les rues étaient pavées de larges dalles et les seuils étaient rehaussés par rapport au niveau de la chaussée.


La Maison des Dames fut baptisée d'après les fresques qu'on y découvrit. Le rez-de-chaussée servait à entreposer ustensiles et nourriture, alors que l'étage comprenait plusieurs pièces donnant sur un couloir étroit. Deux escaliers donnaient accès à l'étage.

C'est dans la Maison des Dames qu'on découvrit l'élégante fresque avec plusieurs personnages féminins mais aussi celle des fleurs de papyrus.





L'ancien cimetière du IIIe millénaire avait été abandonné et on dressa un petit tumulus de terre, de pierres et de galets surmonté d'un édicule pour honorer les défunts. Comme un cénotaphe rappelant la mémoire des ancêtres, c'était le lieu de culte.

On repère bien l'escalier qui permettait d'accéder à l'étage.

La suite de la visite est dans cet article.

Et je conseille la visite du musée qui présente les extraordinaires objets du quotidien découverts à Akrotiri...

Les poteries qui révèlent l'inventivité des artistes...


Et les fabuleuses fresques qui ornaient les murs des maisons de la cité.

2 commentaires:

  1. Un grand merci pour toutes ces informations sur un site que je ne connaissais pas et qui devrait finalement faire partie des visites à Santorin

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    Réponses
    1. Un grand merci à vous pour ce chaleureux message. Je suis entièrement d'accord avec vous, je pense même que c'est le site majeur de Santorin, à doubler avec le musée pour voir les merveilles découvertes ici.

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