Le temple le mieux conservé de Grèce, où fut inventé le chapiteau corinthien !
J'ai dû emprunter une longue route de montagne en lacets pour voir le temple d'Apollon Epikourios à Bassae, mais cela en vaut la peine. Un des mieux conservés de Grèce, le premier à avoir présenté le chapiteau corinthien...
C'est sur les hauteurs du Mont Kotilio, à 1130 m d'altitude, que se dresse le temple d'Apollon Epikourios.
Les habitants d'une ville voisine, Phigaleia, profitèrent de ce site majestueux pour y ériger un sanctuaire en l'honneur d'Apollon, au VIIe siècle avant notre ère. Le dieu y fut vénéré avec l'épithète Epikourios, le guérisseur (merci à ma collègue Christelle pour sa contribution étymologique😊).
Le temple actuel fut construit de - 420 à - 400 pour remplacer le sanctuaire archaïque.
On a utilisé le calcaire local pour la majorité de la structure, complété par du marbre pour les finitions : les chapiteaux de la cella, certaines parties du sol et du toit, et toute la décoration sculptée.
Je trouve assez révélateur qu'on ait utilisé ce matériau le plus coûteux pour la cella, la partie invisible de l'extérieur (et pour la majorité du public de l'époque). On l'avait bien choisi là pour honorer le sacré et non pour épater la galerie.
On peut toujours compter sur Pausanias, un des premiers écrivains voyageurs (le premier à ma connaissance, mais je ne suis pas expert), pour nous livrer des informations utiles. Selon lui, l'architecte du temple fut Iktinos.
Iktinos, c'est un des grands noms du Ve siècle. Il faisait partie du trio, avec Callicratès et Phidias, qui conçut le Parthénon, mais son nom est surtout lié au temple d'Héphaïstos à Athènes. Curieux, tout de même, son nom est lié à deux des temples les mieux conservés du pays.
Quel qu'ait été ce concepteur, il proposa une solution originale pour combiner de larges innovations personnelles et les éléments locaux exigés par les traditions locales.
Le temple est beaucoup plus allongé qu'à l'accoutumée : 14 m de large pour 38 de long. Cela provient du nombre de colonnes : pour six de large, il devrait normalement y en avoir treize de long, mais celui-ci en comporte treize. Ne cherchez pas à les compter sur ma photo, prise depuis le milieu !
Comme vous n'aurez pas manqué de le remarquer, le temple est en restauration et protégé du vent (très violent sur ce sommet) par une tente. On ne saurait s'en plaindre, et j'espère que cette réalisation lui permettra une bonne conservation. Mais cela complique les photos et je trouve plus difficile de constater cet allongement inhabituel.
La disposition des colonnes, plus espacées à l'extrémité, renvoie à un modèle bien connu, le temple d'Apollon à Delphes. Un modèle archaïsant, me dit-on. Elles me frappent tout de suite par leur état de conservation. Si impeccables qu'on croirait qu'on vient de les monter !Parmi les innovations, on repère le large espace du prodomos (l'entrée du temple) et l'opisthodomos (l'espace de liaison avec la cella, la partie intérieure la plus sacrée).
L'autre originalité consiste dans la cella, exceptionnellement conservée. Comme au Parthénon, elle s'orne d'une colonnade, mais ici on a eu l'idée de créer des colonnes engagées, comme implantées dans le mur. Impossible d'y pénétrer, je ne les ai donc pas vues.
Alors que les colonnes extérieures sont doriques, celles au fond de la cella sont ioniques.
La toute dernière supportait le premier chapiteau corinthien de l'histoire. Je le cherche sans le voir. Un bon moment. Je finis par demander l'aide d'un archéologue qui me répond dans un excellent français. Il m'explique qu'une partie de la décoration du temple a été vendue aux Anglais au début du XIXe siècle, et que le chapiteau est parti avec. Malheureusement, il n'a peut-être pas été perçu comme une œuvre exceptionnelle ou n'a pas été correctement classifié. En tout cas, on en a perdu la trace.
Ne perdons pas espoir. Les réserves des musées sont des cavernes d'Ali Baba où les conservateurs eux-mêmes font régulièrement des découvertes. Peut-être ce jalon de l'histoire de l'art réapparaîtra-t-il un jour...
Je profite de la rencontre pour poser une question simpliste : si c'est à Bassae que fut inauguré ce chapiteau, pourquoi le nommer corinthien ? Eh bien, selon l'archéologue, on n'en sait pas grand chose. On suppose que le sculpteur qui travailla le chapiteau provenait de Corinthe. Eh bien voilà...
Une frise faisait entièrement le tour du temple, avec les représentations obligées de centauromachie (bataille de Centaures) et d'amazonomachie (combat d'Amazones). Aucune originalité de ce côté, puisque c'est un thème toujours présenté dans la totalité des temples.
On ne peut la voir puisque, comme je l'écrivais au-dessus, elle est partie au Royaume-Uni. Depuis 1814 elle est exposée au British Museum.
Je pensais bien l'avoir dans mes archives... Voilà le combat d'Héraklès-Hercule avec les amazones, présenté avec beaucoup de détails et de mouvement.
J'avais en tête le cheval qui se cabre...
Mais j'avais oublié celui qui plie les genoux, entraînant la chute de sa cavalière. Très réaliste !
Expressive scène des combattants mourants. Je trouve que l'artiste a très bien rendu l'abandon du corps mort, à droite, dans une pose qu'on retrouvera maintes fois dans les descentes de croix. Excellent travail aussi sur les drapés, qui parfois collent au corps.
La violence de la frise se retrouve dans cette sauvage centauromachie, qui décrit un centaure âgé (et je ne pense pas que ce soit si fréquent dans les représentations de cette scène). La vigueur du Grec au bouclier est admirablement sculptée, on sent bien la tension des muscles et l'élan, en même temps que l'effroi devant le monstre. Remarquable.
Vous pouvez compléter ces quelques photos avec un site très complet, entièrement consacré à cette frise : http://www.bassaefrieze.co.uk/.
Retour au site, tout à fait charmant, mais dont les alignements de pierraille sont difficiles à déchiffrer.
Je profiterai bien de ce paysage magnifique, mais il est temps de rentrer à Olympie (avec un arrêt éventuel aux cascades, cela reste à voir).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un grand merci de prendre le temps de laisser un commentaire. Je promets de le lire aussi vite que possible.
N'hésitez pas à signer votre message, ce sera encore mieux : je n'ai AUCUN moyen de connaître votre nom, votre e-mail, ou votre blog.
Si vous préférez que vos coordonnées n'apparaissent pas, mais que je vous réponde en privé, utilisez le formulaire de contact, accessible sur la version web du blog.