Translate

samedi 28 août 2021

Patmos : le monastère de Saint Jean


 Le célèbre monastère de Saint Jean le Théologien cache derrière ses hautes murailles des courettes, des couloirs étroits et une église richement décorée de fresques médiévales.

 

Ce qu'on découvre en premier, dans la rude pente qu'il faut gravir pour accéder au monastère, ce sont les impressionnantes murailles.

La première impression est qu'on se trouve au pied d'une citadelle et non d'un monastère !


Le monastère d'un moine et d'un empereur

Hosios Christodoulos devint moine au monastère du Mont Olympe avant de gagner Jérusalem, d'où il s'enfuit lorsque les Sarrasins s'emparèrent de la cité. Il se réfugia en Carie, la région de l'actuelle Bodrum en Turquie, d'où il dut, à nouveau, s'enfuir pour Kos.

Alexis I Comnène, grand empereur byzantin, affronta les Normands et les Seldjoukides d'Asie Mineure avant de réorganiser tout l'empire. Il chercha à s'appuyer sur le réseau d'églises et de monastères, sans doute parce qu'il s'agissait d'un élément de stabilité politique, mais aussi car il était sincèrement croyant et on rapporte ses longues discussions avec les membres d'autres religions.

Sa politique religieuse fut très ferme ; en 1082 il présida le procès de Jean Italos, qui voulait intégrer la philosophie antique à la religion chrétienne et fut exilé sur ordre impérial. Il combattit ardemment les nouvelles sectes (le paulicianisme et le bogomilisme), s'impliqua dans les réformes monastiques.

Bref, il chercha à montrer l'image d'un empereur défenseur de la foi et de l'orthodoxie.

C'est dans ce contexte qu'il promulgua la fondation de monastères, parmi lesquels celui du Christ Pantépoptès où est enterrée sa mère, En 1088 il accorda à Christodoulos la fondation d'un monastère sur l'île de Patmos, afin qu'il devînt un "laboratoire de vertu" selon les termes de la bulle.

Christodoulos choisit le sommet de l'île, où s'élevait jadis un temple d'Artémis qui fournit sans doute des matériaux de construction.

La prospérité du monastère ne cessa de croître et il compta jusqu'à mille sept cents moines !

Le labeur continu de cette communauté monastique amena renommée, prestige intellectuel, réussite économique, ce qui entraîna plusieurs bouleversements.

Tout d'abord, il fallait protéger cet ensemble contre les invasions qu'Ottomans et Vénitiens menaient pour contrôler la Méditerranée, voire les pirates passés maîtres dans les enlèvements et pillages. Je pense toujours aux oeuvres qui relatent une Méditerranée dangereuse, pièces de Molière, L'Enlèvement au Sérail ou L'Italienne à Alger.

Conséquence immédiate : le monastère se dote de puissantes murailles, à la manière de nombreuses forteresses méditerranéennes, comme Larissa ou Mystra.

Deuxième effet : l'arrivée de ces nombreux moines demande sans cesse des agrandissements, et le monastère devient un labyrinthe où on découvre, au détour d'un couloir, un escalier, une cour... On n'en visite pourtant qu'une partie infime et je n'ai pas vu les dix chapelles qu'il renferme !

Cours et couloirs


Toutes proportions gardées, cela me rappelle la maison de la veuve Winchester à San José, en Californie, qui ne cessa d'être agrandie de manière anarchique.


Mais le charme opère ici, entre les murs blanchis à la chaux et la patine des murs marqués par l'histoire.

Les petites touches de végétation proviennent essentiellement de plantes en pot.

Souvent, c'est le climat qui a favorisé cette culture mais on perçoit aisément que, dans les îles grecques, c'est l'eau qui est un problème majeur. Je suppose que le monastère avait prévu des citernes ; en tout cas, le puits demeure bien visible (trois photos plus bas, protégé par une dalle).


Cette cour offre le curieux aspect d'une salle capitulaire privée de sa voûte. Il se peut que ce soit le cas mais j'en doute. Je me demande si ce n'est pas l'équivalent d'un cloître avec ses galeries d'arcades, ou si ce dispositif soigneusement conçu ne sert pas d'étayage entre les hauts murs.




Le Catholicon


Dans les monastères orthodoxes, on appelle catholicon l'église principale, où se déroulent les offices des moines. Ici, c'est à trois heures du matin !

Si le catholicon date de l'époque de Christodoulos, il n'en a pas moins une architecture particulière. Celle-ci s'inspire de l'art développé à Rhodes par les chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, qui amalgame éléments gothiques comme les arcs brisés et turcs tels que les niches, les stalactites (muqarnas).


L'église se décompose en plusieurs parties ; l'exonarthex, galerie ouverte sur la cour, et l'intérieur avec deux salles contiguës et une à l'arrière, où se dresse l'iconostase.


L'ensemble des fresques fut réalisé dès le douzième siècle et mêle, à nouveau, des influences multiples.

Le programme du narthex est ambitieux et complexe. Comme à Mystra, il alterne portraits de saints et scènes narratives.

On retrouve d'ailleurs la même récurrence de paires, avec des personnages toujours difficilement identifiables. En faisant des recherches, j'ai trouvé la mention de saints tels que Xénophon, Ioannikos ou Théodoulos. Je ne sais rien d'eux, je ne connais rien de leur iconographie. Je suis face à la béance de mon ignorance et je le regrette !


Heureusement certains éléments sont partagés avec notre iconographie catholique qui m'est bien plus familière. Le Jugement Dernier est saisissant avec cette masse d'hommes à demi-nus.

Autre valeur sûre : Constantin et sa maman, Hélène, qui, selon la tradition, aurait découvert la "Vraie Croix".


On passe la porte, dont l'encadrement ne remonte certainement pas au XIIe siècle, et au passage on salue le personnage qui nous surmonte. On pénètre dans l'église intérieure qui conserve la dépouille de Christodoulos.


Le changement de style est évident. L'espace est plus resserré et les murs se découpent en plus petites sections. A moins que la lumière du jour soit responsable de la décoloration dans l'exonarthex, ici le fond est plus sombre mais les fresques demeurent très lumineuses.

J'ai fait de mon mieux dans cet intérieur très sombre, et je le regrette car les fresques sont absolument magnifiques et remarquablement conservées.

Il est interdit de photographier dans l'église qui contient l'iconostase. J'ai cherché rapidement sur la toile sans en trouver, hélas. 

Ce qui me sidère vraiment, c'est que le motif de Saint Jean à Patmos n'apparaît nulle part ici. 

Si le musée du monastère de Saint Jean n'expose pas les treize mille manuscrits que protège la bibliothèque, il en présente quelques-uns au sein d'une remarquable collection d'icônes et d'objets religieux.

La terrasse

Je passe par ces courettes pleines de mystère pour grimper sur la terrasse.

Le sommet du monastère offre une vue réjouissante de Patmos. On repère bien le mince bras de Skala qui amincit l'île, et on constate aussi la désertification avancée d'une partie.

Le clocher ne s'est pas privé de réemployer le matériau antique ; le chapiteau ionique, au centre, proviendrait-il de l'ancien temple d'Artémis ?

La cloche allie un portrait de saint à une couronne d'olivier et à une frise, d'origine antique l'un et l'autre.


Surprise, une église supplémentaire sur la terrasse, une petite chapelle byzantine toute simple et charmante.

1 commentaire:

Un grand merci de prendre le temps de laisser un commentaire. Je promets de le lire aussi vite que possible.
N'hésitez pas à signer votre message, ce sera encore mieux : je n'ai AUCUN moyen de connaître votre nom, votre e-mail, ou votre blog.
Si vous préférez que vos coordonnées n'apparaissent pas, mais que je vous réponde en privé, utilisez le formulaire de contact, accessible sur la version web du blog.