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mercredi 26 août 2020

Rome : Saint Louis des Français (San Luigi dei Francesi)


L'église des Français à Rome et ses multiples trésors...




Jules de Médicis, qui n'était pas encore le pape Clément VII, posa la première pierre de cette église dessinée par Giacomo della Porta, et elle fut achevée avec des subsides de Henri II, Henri III et Catherine de Médicis pour être l'église des Français de Rome. Ce qu'elle est toujours, avec des prêtres francophones et une foule d'inscriptions en français à l'intérieur. Une excellente librairie française est sise juste à côté, d'ailleurs.


L'élégante façade de travertin fut terminée en 1584 ; outre une série de saints français (Charlemagne, Sainte Clotilde, Sainte Jeanne et évidemment  Saint Louis), elle porte la salamandre de François Ier.


Le Lyonnais Antoine Derizet fut le tout premier à recevoir le Prix de Rome, qui offrait une bourse pour s'installer à Rome un moment. Il en profita pour décorer, en 1736, l'intérieur de l'église.


 Il ne ménagea pas ses efforts pour donner une impression de luxe, mais sa bonne idée fut de concentrer l'or sur les hauteurs en laissant les piliers nus, et en l'associant au blanc. Ca brille, ce n'est guère épuré (version baroque tardif), mais on peut voir plus chargé à Rome.




C'est également Derizet qui peignit, dans la grande tradition des plafonds romains, cette Apothéose de Saint Louis. On voit sur les côtés les fenêtres dotées de ferronneries ciselées (je ne peux faire mieux pour la photo), alternative originale au vitrail.


Nous sommes bien dans une église française, où le lys royal pousse comme du chiendent.


Une mitre, la croix papale à trois branches parallèles, c'est un pape, et ici, je suppose, un pape français. Mais lequel ? Benoît XII ? Grégoire IX ? Je crois qu'ils sont une quinzaine.


 La chaire, sobre dans sa forme, compense par un décor peint avec une série de saints.


De chaque côté de la nef centrale, une latérale est percée de plusieurs chapelles.


Ce qui surprend toujours à la première visite, c'est le nombre d'inscriptions françaises. On ne parle guère de cette communauté des Français de Rome, qui comprenait des diplomates, des religieux, des artistes venus travailler, puis des titulaires du Prix de Rome. Elle est toujours assez importante.


On y voit même des monuments aux morts, comme dans toute ville française.


Les notabilités ont droit à des monuments ; Didier Boguet a fait ériger celui-ci à son père Nicolas-Didier (quelle originalité dans le choix des prénoms !), un "peintre de paysages" mort en 1839. Pas vraiment une célébrité aujourd'hui.


La chapelle de Sainte-Cécile


La découverte de la dépouille de Sainte-Cécile, rapidement suivie de l'édification de la Basilique de Sainte Cécile dans le Trastevere, suscita un regain d'intérêt et de ferveur envers la martyre. C'est le moment où on commence à la représenter sur des tableaux. Pierre Polet, prêtre de Noyon, laissa dans son testament les fonds pour l'aménagement de cette chapelle, terminée en 1614.


Le Dominiquin l'a décorée avec de superbes fresques sur la vie de la sainte. Aérées, lumineuses, je suis toujours conquis par elles (mais j'aime toujours beaucoup Le Dominiquin !). Sur celle-ci, la malheureuse est martyrisée en suffoquant dans le caldarium de sa maison. Son entourage réagit avec l'émoi prévisible.




Au sommet de la voûte, Cécile est conduite au martyre. A gauche, un personnage en rouge la condamne d'un bras impérieux parce qu'elle refuse la religion païenne ; à droite, son époux Valérien et elle-même sont couronnés par un ange.


Sainte Cécile, sur son balcon, distribue du pain aux pauvres. La scène est racontée avec beaucoup de naturel : la foule qui se presse, un enfant qui pleure, la petite fille qui traîne son frère...


La chapelle Saint-Rémi


La tradition assure que Saint Rémi baptisa Clovis, en faisant de lui le premier roi de France catholique. Il a droit à une superbe basilique à Reims, où il fut évêque pendant trois quarts de siècle.


La scène du Baptême de Clovis ne manque pas à l'appel, une fresque de Girolamo Siciolante. La voûte rappelle des épisodes fameux de l'histoire : on voit La Prise de Soissons au-dessus du Baptême.



La chapelle de la Vierge


Un historique plein de rebondissements : on commanda la décoration à Giovanni Baglione, mais il n'eut que le temps de réaliser L'Adoration des Mages. La fresque dut déplaire et on chercha un prétexte pour rompre le contrat. Finalement il en fut dessaisi sous prétexte de vue trop basse ! Baglione écrivit la première biographie du Caravage, un texte à charge avec beaucoup de fiel.

Lanfranco fut ensuite pressenti, puis Poussin. Finalement ce fut Charles Mellin, un peintre lorrain, qui récupéra la commande. Ce Nancéien vécut plus de trente ans à Rome où il finit ses jours, se liant avec le cercle des artistes français de Rome : Vouet, Le Lorrain (l'autre, Claude Gelée, mais tous deux portaient à Rome le même pseudonyme), Jacques Stella... Il fut également proche du Cavalier d'Arpino et du Dominiquin qui travaillèrent donc tous deux dans cette même église.


A la voûte,  La Présentation au Temple et Le Couronnement de la Vierge. Il s'agissait d'une Assomption mais Manno, un restaurateur du XIXe siècle, le métamorphosa pour un motif inconnu.


A la voûte, une Visitation tout à fait canonique. La fresque du bas est bien plus étrange. L'Ange à gauche paraît celui de l'Annonciation mais la Vierge tient déjà l'Enfant dans ses bras, et une foule est massée autour. Je présume donc qu'il s'agirait d'un Ange adorant l'Enfant, thème pour le moins rare.


L'Adoration des Mages à gauche est donc la seule fresque que Baglione eut le droit de produire. La Nativité à l'autel n'a pas été attribuée.


La chapelle de Saint Louis



Saint Louis, le roi de France mort en Tunisie, fut un grand réformateur à qui on doit la présomption d'innocence, l'interdiction de la vengeance privée et de l'ordalie, le jugement par le feu. Il tenta aussi d'interdire la torture mais ne put que la limiter.

Il fit construire églises et chapelles, aida  les pauvres, et dépensa la moitié du budget du royaume pour acheter la couronne d'épines, dont il fit conserver des fragments dans une série de saintes chapelles. Tout cela valait bien une sanctification, et la dédicace de cette église.


Pour une fois, c'est à une femme qu'on confia la chapelle, Plautilla Bricci, une artiste peintre-sculpteur-architecte comme c'était le cas à cette époque où on assurait une formation complète. C'est donc elle qui réalisa aussi le Saint Louis du retable et qui conçut la coupole garnie de stucs.


La Chapelle Saint Nicolas



Avant de leur donner leur propre église, les Lorrains se réunissaient ici et on leur octroya cette chapelle, dédiée au saint patron de la Lorraine, Saint Nicolas. On retrouve l'iconographie coutumière du saint.


Au centre, la scène des Trois Enfants au saloir, massés dans un angle de la toile de Girolamo Muziano. Saint Nicolas empêche les trois bambins d'être transformés en saucisson.


Baldassare della Croce fut très actif à Rome où sa peinture, d'un maniérisme caractéristique (la palette et les volumes en grands aplats ne trompent pas), remporta un franc succès, et c'est lui qui peignit toutes les fresques de la chapelle, y compris donc La Naissance de Saint Nicolas, en bas...



...et Le Miracle des trois vierges en haut ; dans ce dernier épisode, un père pauvre ne peut offrir à ses filles la dot pour se marier et prévoit de les prostituer. Le jeune Nicolas arrive pour apporter l'argent.


Le maître-autel est consacré à Marie et comporte une Assomption de Francesco Bassano. C'est bien loin d'être mon peintre préféré (et les autres Bassano non plus) mais le retable est incontestablement bien fait. Les personnages du bas sont réussis, bien mis en valeur par les complémentaires vert et rouge, et j'aime bien les anges qui soutiennent les nuages. Je suis moins enthousiasmé par la Vierge auréolée et l'abondance de noir qui l'entoure, mais c'est une caractéristique des peintres de la famille.


Mais ce n'est pas tout ! Je suis venu avant tout à Saint Louis pour les fabuleux tableaux du Caravage !




4 commentaires:

  1. Wonderful paintings, great informative texts. A perfect post as you use to.
    Annie

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    1. Such a kind and generous comment !
      Thank you, dear Annie !

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  2. Passionnante visite richement commentée.
    Fred à Nantes et pas ailleurs !

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    1. Merci beaucoup, Fred à Nantes, pour ce chaleureux commentaire !

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