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dimanche 23 août 2020

Rome : Basilique Sainte Marie des Anges et des Martyrs (Santa Maria degli Angeli e dei Martiri)


Ce n'est pas une des plus anciennes églises de la ville et pourtant elle est construite dans les Thermes de Dioclétien ; ce fut le dernier projet architectural de Michel-Ange.



Les Thermes de Dioclétien, les plus vastes de l'empire, ont laissé d'impressionnants bâtiments devant la gare, qui a d'ailleurs pris leur nom (Roma Termini). La tradition assure qu'ils ont été édifiés par des Chrétiens condamnés aux travaux forcés.


En 1560, l'ouverture de la Porta Pia remit les Thermes de Dioclétien à l'honneur. Le pape Pie V ordonna peu après, en 1563, qu'on utilisât le tepidarium, la salle d'eau tiède,  pour une église et un couvent de Chartreux, et chargea Michel-Ange de le réaliser. Ce fut le dernier chantier de Michel-Ange architecte.


Son projet exploitait les ressources du bâtiment antique sans le dénaturer, avec des intuitions géniales comme cette façade incurvée, en fait l'intérieur d'une salle circulaire du caldarium. Il travaillait aussi particulièrement la lumière pour créer un contraste avec les jeux d'ombre de l'extérieur. Cependant ne demeure de son projet que la façade. Après la mort de l'architecte, les interventions, transformations et ajouts, ne cessèrent de le dénaturer et c'est l'architecte Vanvitelli qui dut reprendre au XVIIIe l'ensemble pour lui apporter un semblant d'unité.


Et cependant son résultat est totalement insolite. On pénètre d'abord dans un large vestibule ; pour une fois, ce ne sont pas des papes ou des cardinaux qui y reposent mais deux peintres : Carlo Maratta, un prolifique représentant du baroque romain...


Et Salvator Rosa, un bouillant Napolitain, décédé en 1673.


Le plafond décoré de caissons s'inspire toujours du modèle définitif, le Panthéon, source d'inspiration d'une multitude de versions dans le monde.


On pénètre ensuite dans le transept très large, prolongé par un chœur en face.


Si on prend en compte le vestibule, cela peut former vaguement une croix grecque (aux branches de longueur égale) mais cela demeure vraiment un plan atypique, conçu selon les bâtiments antiques.


Le transept a conservé des colonnes antiques avec des chapiteaux à la végétation luxuriante.


A cause des restrictions dues au Covid et des chantiers de restauration en cours, on ne peut déambuler partout mais la visite donne une idée correcte de l'originalité de l'église. Aux extrémités du transept, Michel-Ange avait imaginé des entrées. Cependant, l'absence de chapelles privait l'église de revenus et Vanvitelli en ajouta donc deux.


Les travaux donnent l'occasion de voir les restaurateurs au travail !


 Le pape Innocent II commanda à l'astronome Bianchini une méridienne, achevée en 1702. Les rayons du soleil pénètrent par un orifice et, à midi, coupent la ligne de laiton. Il s'agit d'une méridienne à double gnomon (un instrument qui rend visible le déplacement du soleil par son ombre, comme l'aiguille d'un cadran solaire) : le second signale les mouvements de l'étoile polaire.


Les signes du zodiaque de Federico Tedeschi complètent cette partie astronomique.


Je regrette un peu de manquer les retables habituellement accrochés, mais j'ai la chance de voir le mur de l'église sans parement. Tout en briques, il semble identique à sa version antique (ce qu'il est peut-être). Cela permet aussi de vérifier que le parement en marbres et stucs n'a été employé qu'au strict nécessaire. J'avais lu que Vanvitelli s'était retrouvé avec un budget limité parce que les travaux avaient été financés par les Chartreux et non pris sur les fonds du Vatican.


 A gauche, La Chute de Simon le Mage, par Pierre-Charles Tremolière d'après un dessin de Francesco Vanni. Personnage des Actes des Apôtres, Simon est une sorte de gourou chrétien, mais condamné par l'église. Le récit vante la puissance de Pierre qui parvient à le faire tomber en prononçant le nom de Jésus.

Et justement à droite, la fameuse scène de la Crucifixion de Saint Pierre, bien pratique à reconnaître avec la tête en bas, retable assez conventionnel de Niccolo Ricciolini.

Ces retables étaient autrefois accrochés à la Basilique Saint-Pierre, où tous furent remplacés par des copies en mosaïque.


La chapelle de Saint Bruno est un grand projet en trompe-l’œil de Carlo Maratta, qui crée une certaine illusion de loin (voir une des photos précédentes). Saint Bruno, le fondateur de l'ordre des Chartreux, était évidemment attendu dans la Basilique ; on le voit avec deux frères, porteurs de la tenue cartusienne.


Le chœur produit un effet magique ; après la symphonie de gris et de rose du transept, il exploite au maximum les larges fenêtres et les touches d'or (pourtant utilisé avec bien plus de parcimonie que dans certaines églises romaines, sans doute pour les motifs pécuniaires que j'évoquais) pour produire l'effet d'une chapelle toute dorée.


C'est interdit de s'y avancer et avec le contre-jour et les reflets, c'est peine perdue de tenter des gros plans. Dommage, on manque un beau Saint Sébastien du Dominiquin et un Baptême de Carlo Maratta.

Le tableautin doré, au maître-autel, était prié avec ferveur. Il paraît que son commanditaire aurait eu une vision réclamant une église en ce lieu, et qu'il aurait avec insistance supplié le pape de la faire construire.

La sortie à l'arrière replonge immédiatement dans l'Antiquité. Singulière église, vraiment.

6 commentaires:

  1. BONJOUR. Il me vient une idée en lisant tes articles : Pourquoi ne pas en faire un livre intitulé "Les ????? (je ne sais pas leur nombre) églises à Rome" ?
    Avoir tes photos, tes commentaires sur du papier, pouvoir feuilleter, j'imagine le bonheur!
    Un lexique à la fin pour certaines définitions de mots spéciaux, un répertoire des artistes, le rêve! Réfléchis.
    Bises.Mjo

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  2. Merci beaucoup, c'est très gentil ! Mais je vois plusieurs obstacles :
    - il y a des auteurs (nombreux) bien plus capables que moi, un peu informé mais pas réellement spécialiste.
    - le sujet n'intéresse pas tant de gens que cela. Je suis opiniâtre mais mes articles sur les églises sont les moins lus.
    - Objectivement, mes photos ne sont pas terribles. Beaucoup de photos pas assez nette, avec des reflets disgracieux... Ça se voit que je ne suis pas photographe !
    - Et surtout, je manque de temps ! J'ai déjà du mal à tenir le blog à jour !

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  3. Bonjour Monsieur,
    Je viens de découvrir votre site, et en particulier vos photos et commentaires sur l église, Basilique Sainte Marie des Anges et des Martyrs.
    C est magnifique et je vous en félicite! Certes, Je vais explorer d avantage vos commentaires et analyses sur les autres églises. Vous écrivez avec beaucoup de passion et avec un grand sense d exactitude et d exploration.
    Andre
    Belgique - près de Courtrai
    ( néerlandophone )

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    1. Bonjour André,
      J'ai raté votre commentaire et je m'en excuse !
      Je suis très sensible à vos compliments et à votre grande gentillesse.
      Vous habitez une bien belle ville, j'ai un excellent souvenir de Kortrijk et de sa belle cathédrale.
      Dank U !

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  4. Je lis avec passion vos exceptionnels articles sur l'art et particulièrement sur les églises, en profitant de vos explications érudites et éclairantes.
    C'est un inestimable plaisir. C'est toujours limpide, enrichissant et vos touches d'humour rendent la lecture très agréable.
    Merci de votre travail considérable.
    Aurélien

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    1. Merci beaucoup Aurélien pour vos chaleureux compliments ! C'est extrêmement gentil de votre part.

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