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dimanche 9 août 2020

Rome : l'église de l'Aracoeli (Santa Maria in Aracoeli)


A la place de la citadelle antique, une fastueuse église édifiée sur le site légendaire d'une apparition à l'empereur Auguste...




La scalinata d'Aracoeli, l'escalier donc, est un ex-voto construit au XIVe siècle quand Rome fut épargnée par l'épidémie de peste qui faisait rage en Italie. Cola Rienzi, celui de l'opéra de Wagner, fut le premier à le gravir, vêtu en empereur romain. Pétrarque avait prié ce résident d'Avignon (à l'époque, lieu de séjour des papes) de retourner à Rome pour rendre son faste à la ville éternelle. Rienzi fut assassiné lors des dissensions avec la famille Colonna.


La façade de brique est une des plus simples de Rome (moins, toutefois, que celle de Santa Maria sopra Minerva qui pourrait appartenir à un entrepôt) ; le contraste est fort avec l'intérieur !


L'intérieur dévoile un plan de basilique si courant dans les églises anciennes de la ville. On voit aussi qu'on a largement puisé dans les vestiges romains ; on s'est notamment servi de colonnes, toutes différentes.


L'opulent plafond à caissons est un cadeau de la famille Colonna (les adversaires de Rienzi, si vous avez bien suivi).


Et le pavement révèle aussi ses origines : les Cosmates, fameuse dynastie d'artistes marbriers-mosaïstes, se servaient souvent de débris de marbres anciens.

On trouvera également des sarcophages antiques réemployés.


La couleur de la nef est surtout apportée par la série de fresques entre les fenêtres. On doit ces deux, L'Adoration des Mages et La Fuite en Egypte, à Giovanni Odazzi, un élève de Maratta.


Le financement des églises était largement apporté par un don substantiel, en échange du droit d'y placer sa tombe, ou parfois un simple monument funéraire. Certaines églises romaines sont de vrais cimetières ! Ici, dans une des plus anciennes de la ville, on est servi. Le superbe exemple, à gauche du rideau, est le tombeau du cardinal d'Albret, un Français du XVe siècle. Le sculpteur Andrea Bregno y associe architecture et sculpture minutieuse.
 
Dans la partie supérieure, Le Bernin sculpta les anges brandissant la banderole ; il s'agit de l'inscription anniversaire du Sénat romain pour le pape Urbain VIII.



Pinturicchio, Saint Bernardin reçoit sa robe
                     La Gloire de Saint Bernardin
                  La Mort de Saint Bernardin



La chapelle de Saint Bernardin fut décorée de fresques par Pinturicchio de la fin du XVe siècle.

Pinturicchio, Saint Bernardin couronné entre Saint Louis et Saint Antoine de Padoue

Un beau travail de mise en espace dans un paysage exceptionnellement soigné et détaillé.

Pinturicchio, Les Funérailles de Saint Bernardin

Sa représentation de la mort du Saint est prétexte à une savante perspective dans une ville idéalisée.

Pinturicchio, La Pénitence de Saint Bernardin à Sienne

Pinturicchio, Les Evangélistes

Une restauration attentive a rendu aux fresques ses couleurs lumineuses, je suis ébloui !


Les chapelles étaient décorées à discrétion de la famille qui les finançait ; le style et les motifs retenus varient donc énormément. 
 
Marco Pino da Siena, Pietà

Ici les Morelli et les Mattei furent les patrons de la chapelle de la Pietà, et commandèrent à Marco Pino da Siena, un artiste du XVIe siècle, la toile sur ce thème. Curieuse composition où les trois personnages vivants semblent surélevés ; sur le tombeau ?

Pomarancio, La Descente de Croix

Cette chapelle abondamment ornée montre surtout une bonne Descente de Croix, pas très dramatique mais bien conçue, avec une large palette de couleurs. On la doit à Roncalli, surnommé Pomarancio (les surnoms des peintres italiens, c'est tout un programme), artiste hyper-actif dans les églises romaines comme à Saint Jean de Latran ou à Sainte Pudentienne.

Fra Vincenzo da Bassiano, Crucifix

Sobriété dans la chapelle du Crucifix, avec une œuvre émouvante d'un Christ décharné du XVIIe siècle, travaillé par Fra Vincenzo da Bassiano.

Girolamo Muziano, Saint Matthieu sauve le fils du roi d'Ethiopie

Quel faste ici, dans la marqueterie qui fait chatoyer le sol et les murs ! Les Mattei, en fonction de leur patronyme, ont évidemment retenu Saint Matthieu et commandé ces toiles colorées à Muziano, un peintre du XVIe siècle. Je pense tout de suite à son Saint François à Santa Maria della Concezione.
 
La Légende Dorée, le best-seller de Voragine, reprit et diffusa l'aventure de Matthieu en Ethiopie, qu'il serait parti évangéliser. Zaroès et Arfaxar, deux sorciers, ne parvenaient pas à guérir le fils du roi mais Matthieu put le ressusciter...


En contraste, ici c'est la lumière qui anime le relief blanc ; la couleur est apportée par la fresque de la coupole, d'un certain Napolitano. La chapelle San Pietro d'Alcantara, le saint patron du Brésil, ne fut réalisée qu'au XVIIe siècle. C'est Maille, un artiste français, qui obtint la commande des sculptures. Blanches et non jaune moutarde !

Vespasiano Strada, Les Miracles de Saint Diego d'Alcala

Scène horrifique, où le peintre n'a pas lésiné sur les moyens. Ce sont des épisodes de la vie de Saint Diego d'Alcala, à qui la chapelle est dédiée, peints par Vespasiano Strada. Je connais bien peu de l'iconographie de ce personnage du XVe siècle !

Vespasiano Strada, Les Miracles de Saint Diego d'Alcala
 
Il s'agit vraisemblablement d'une guérison miraculeuse. Saint Diego utilisait l'huile de la lampe pour l'onction.


On voit que dans l'art funéraire comme ailleurs, les modes marquent les styles.


Celui-ci, le tombeau du jeune Cecchino Bracci, est l'oeuvre de Michel-Ange.

Andrea Sansovino, Monument funéraire de Pietro Manzi
 
Andrea Sansovino fut un des grands sculpteurs de la Renaissance, qui reçut des commandes de toute l'Italie comme de l'étranger. Il passa plusieurs années à la cour du Portugal et demeura dix ans à Rome, période riche en œuvres prestigieuses. Il conçut d'ailleurs beaucoup de monuments funéraires, dont les deux célèbres de cardinaux à Santa Maria del Popolo.


Pietro Cavallini est un des premiers peintres dans les histoires de l'art occidental ; c'est d'ailleurs le premier représentant romain notable, et c'est sur lui que repose l'alternative à la peinture florentine du XIIIe siècle.


On voit une peinture encore héritée de l'icône, assez raide, avec ces yeux en amande qu'on peut retrouver dans la peinture florentine, mais une maîtrise indéniable de la couleur.

Daniele Seiter, Les Miracles de Saint Pascal Baylon

Voit-on quelque chose ? Une mort bien dramatique avec un contraste caravagesque, et hélas un reflet impossible à éviter. Daniele Seiter est un peintre viennois et Pascal Baylon un saint espagnol du XVIe siècle dont je n'avais jamais entendu parler.


Le chœur est une accumulation fastueuse ; selon la légende, Auguste aurait interrogé à cet endroit la Sibylle de Tibur (la voyante à la mode en ce temps-là), l'ancienne Tivoli. pour savoir s'il y aurait un jour un homme plus grand que lui. Lui seraient alors apparus la Vierge et l'Enfant. Cet "autel du ciel" est exactement le sens du nom inhabituel "ara coeli".

Ce miracle fut rapidement entériné et des monastères grecs construits à cet endroit. Un oratoire fut transformé en église par les Franciscains : c'est celle que nous voyons, avec évidemment quelques ajouts. Le chœur ne ressemblait pas à cela au XIIIe siècle, bien évidemment.


Mais les remarquables ambons (l'ancêtre de la chaire, l'endroit où on lisait la Bible pendant la messe) remontent bien à cette période médiévale. Un superbe travail cosmatesque de plus.

Francesco Trevisani, L'Extase de Saint François
 
Cette toile du XVIIIe m'enchante médiocrement. On est loin du magnifique tableau du Caravage.



Les arcades ont mieux préservé qu'ailleurs les fresques d'origine, colorées et aussi variées que les colonnes.

Anonyme du XIe siècle, Regina Coeli

Au maître-autel, l'icône de Regina Coeli, la Reine du Ciel, est extrêmement vénérée.

Anonyme médiéval, Regina Coeli

Je me permettrai de soutenir que ce n'est pas, esthétiquement, la meilleure réalisation du genre ! Bon, elle est très ancienne (Xe siècle).



Le deuxième ambon fait face au premier, en parfaite symétrie.

Le Gesù Bambino

Depuis que l'original a été volé, il y a presque trente ans, on expose une copie du Gesu Bambino. La vraie statue aurait été sculptée dans un bois provenant du jardin de Gethsemani. En tout cas, on lui associait des miracles de guérison. Il paraît que des prières arrivent toujours par courrier à sa destination...


Les monuments funéraires se suivent dans le transept.

Monument du Cardinal Matteo d'Acquaviva
 
Le monument du Cardinal Matteo d'Acquaviva intègre une peinture attribuée à Pietro Cavallini, une Vierge à l'Enfant avec deux saints. Le style du Trecento s'identifie plus facilement.

Le petit temple de 1605

Le petit temple recueillerait des restes de Sainte Hélène, la mère de l'empereur Constantin. Dans un grand programme de propagande, on a voulu lui attribuer la découverte de la "vraie croix", d'ailleurs l'attribut avec lequel elle est souvent représentée. Sa légende est donc à prendre avec précaution. Par ailleurs, le corps de la pauvre Hélène a été démembré (rappelons que le commerce des reliques était au Moyen-Age le plus lucratif) et que même Trèves, en Allemagne, en possède un morceau ; la tête, je crois. Quant à son superbe sarcophage, il est exposé aux Musées du Vatican. 




Marzio Colantonio Ganassini, La Dormition de la Vierge

La chapelle de Notre Dame de Lorette fut placée tout d'abord sous le patronage des Colonna (oui, toujours les rivaux des Rienzi). Les scènes furent peintes par Ganassini, un peintre du XVIIe siècle qui me semble clairement maniériste ici. La Vierge est couchée au centre, dans une assez audacieuse position frontale bien maîtrisée.


Pour la chapelle de Saint Michel Archange, largement modifiée au XIXe siècle, un tableau d'un inconnu. Pas enthousiasmant, j'ai préféré garder la grille sur la photo. Des tombes du XIXe siècle flanquent chaque mur.


La chapelle de l'Ascension bénéficiait du patronage de deux puissantes familles les della Valle et les Orsini. Le décor invente une fausse architecture où sont placées des allégories des vertus ; à gauche, voici la Prudence qui ne lâche pas sa lance et son écu une seconde.

Girolamo Muziano, L'Ascension

Le retable de l'autel, L'Ascension donc, fut commandé à Muziano, prolifique artiste du XVIe siècle.

Pomarancio, Le Prêche de Saint Paul

Les Della Valle "possédaient" également la chapelle de Saint Paul, où Pomarancio œuvra aux fresques de la vie du saint.

Je sens bien le maniérisme ici ! Grandes étoffes, aplats et couleurs acides.

Au centre, le Saint Paul de Girolamo Muziano

De ce côté-ci, c'est Muziano qui s'y est collé. Facile, quand on avait déjà fait une chapelle, on avait plus de chance d'obtenir la commande d'une autre.


Sur le flanc droit, la tombe d'Antonio Albertoni, décédé en 1509. J'ai la désagréable impression qu'il va tomber ! Généralement les défunts étaient représentés complètement allongés ; la position où ils étaient redressés sur le coude est une invention de Sansovino, testée à Santa Maria del Popolo.
Le nom d'Albertoni est indissociable de Ludovica, sculptée par le Bernin à San Francesco a Ripa, un des chefs-d’œuvre de l'artiste.

Benozzo Gozzoli, Saint Antoine avec anges et donateurs

Le grand Benozzo Gozzoli, artisan du XVe florentin (le fameux cortège des Mages au Palais Medici-Riccardi) avait peint ici un ensemble de fresques dont il reste bien peu. Mais son Saint Antoine avec deux anges et les donateurs est un précieux témoignage !

Benozzo Gozzoli, Saint Antoine avec anges et donateurs

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