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mardi 11 août 2020

Rome : la basilique Saint Jean de Latran (San Giovanni in Laterano)


Saint Jean de Latran : la plus grande église de Rome (et sa cathédrale), la plus ancienne consacrée à Saint Jean, une des quatre églises majeures... C'est le lieu des superlatifs.

En préambule, je rappellerai simplement que le Latran, c'était la résidence officielle des Papes avant leur départ pour Avignon, et leur retour dans ce qui deviendrait le Vatican. D'ailleurs, Saint Pierre est plus grande, mais puisqu'elle est au Vatican, elle n'est pas à Rome !

Enfin, le président de la République Française fait, de droit, partie de son chapitre. Ils ont donc droit à une stalle, transmise lors d'une cérémonie. Aucun n'a refusé le titre de chanoine mais les présidents de gauche ne sont pas venus à la cérémonie. Pompidou non plus, d'ailleurs.


L'architecte Alessandro Galilei (à mon connaissance, pas de rapport avec la Terre qui tourne), efficient maître de multiples chantiers, a conçu au XVIIIe siècle cette énorme façade, largement inspirée de Saint Pierre. Mais bien faite, avec ces statues repoussées en haut et cette ligne qui la divise horizontalement ; elle ne semble pas si gigantesque, et c'est un effet qu'on retrouve à l'intérieur.


Beaucoup de touristes arrivent par le centre et découvrent, à côté du baptistère,  cette façade, croyant à la vraie ; ce n'est que celle du transept !

Le portique



Sans surprise, cette façade laisse un portique ouvert.


L'Antiquité est largement évoquée, avec le sol marqueté, les caissons et surtout la statue de Constantin.


C'est un original antique, provenant des Thermes du Quirinal. Constantin vainquit Maxence, ordonna la fin des persécutions contre les Chrétiens ; il fit aussi détruire les casernes de son ennemi (ben tiens!) pour élever à sa place une grande basilique qui connut bien des malheurs, pillage, séisme et finalement incendie.


L'encadrement a été calculé pour pouvoir y placer les portes originales de la Curie, dans un état éblouissant.



Et avec les poignées d'origine !


L'intérieur est absolument énorme, tout y est démesuré. Mais je ne le trouve ni surchargé, ni écrasant. Le fait d'avoir laissé le minimum de couleurs dans la nef, dégagé les très nombreux tombeaux dans les nefs latérales permet une allée assez solennelle, un peu froide, qui met en valeur les grandes statues des apôtres.

C'est toute une histoire, cette nef. Innocent X, successeur d'Urbain VIII, grand promoteur du Bernin, voulait se démarquer et opta pour son grand rival, Borromini, un autre grand maître, qui avait réalisé des prodiges à San Carlino. Ce dernier avait prévu une vaste voûte mais le pape lui imposa le plafond plat à caissons. Il fut obligé d'adapter son plan mais les énormes piliers n'avaient plus la même raison d'être et ils furent conservés malgré lui.


Cinq nefs en tout : la centrale et deux latérales de chaque côté.

Les apôtres

 Borromini s'efforça de conserver le maximum d'éléments antiques, judicieusement réemployés ; les colonnes de marbre vert de la nef devinrent les éléments décoratifs dans les niches, pour y placer les statues des apôtres. Suiveurs et élèves du Bernin, italiens et français, se virent confier l'ensemble des statues ; on a écrit beaucoup de mal sur elles, sur leur gigantisme et leur théâtralité. Je dois avouer qu'elles me plaisent bien, au contraire. Je trouve qu'elles expriment bien les "affects" du baroque, avec parfois un goût pour le tragique, certes, mais c'est un élément constitutif de cette esthétique assez logique ici.


Lorenzo Ottoni, un protégé des Barberini, est l'auteur de ce Thaddée impérial.


Francesco Moratti s'est chargé de Saint Simon le Zélote avec sa scie, la tradition rapportant qu'il aurait été scié en deux, le malheureux !


Pierre Le Gros le Jeune (pour le différencier de son papa) fit deux statues ici, dont ce Saint Barthélémy avec son couteau (car il aurait été dépecé, le pauvre, un martyre aussi atroce que celui de Simon le Zélote).


Camillo Rusconi, le sculpteur le plus employé de la série, a représenté Saint Matthieu en pleine lecture, référence aux évangiles.


Angelo de Rossi, grand copain de Le Gros, considérait ce Saint Jacques le Mineur comme son propre chef-d’œuvre.


 Giuseppe Mazzuoli : un Saint Philippe avec la croix. Sa sculpture fut admirée comme très proche du Bernin.


Saint Thomas a le doigt en l'air, pour rappeler l'incrédulité, l'épisode le plus célèbre où il apparaît. Deuxième statue de Le Gros Le Jeune.


Très baroque, ce Saint André sur sa croix, à nouveau de Rusconi.


Toujours Rusconi pour ce Saint Jacques le Majeur, peut-être le plus décrié de la série avec cette pose théâtrale. Je lui ai toujours trouvé beaucoup de panache, au contraire !


Le Saint Paul est d'un autre Français de Rome, Pierre-Etienne Monnot, un franc-comtois qui travailla beaucoup ici (et même à Saint Pierre).


Deuxième réalisation de Monnot, ce Saint Pierre au geste large, qui serre les clefs de l'autre main.


Le baldaquin



Contrairement à beaucoup, le baldaquin n'est ni baroque ni néogothique. C'est un vrai chef-d’œuvre gothique, du XIVe siècle, où on ajouta les peintures à la Renaissance.



Les reliquaires d'argent au sommet furent en partie payés par Charles V, le roi de France. Ils contiendraient les crânes de Saint Pierre et de Saint Paul.


Au-dessous,  un Saint Jean Baptiste du XVe siècle (de Formello), patiente toujours sur le palier, devant la tombe du pape Martin V.


Tout près, cette statue du XIVe siècle est identifiée comme Marie mère de l'église. Je ne vois pas ce qui la différencie des habituelles versions de la Vierge à l'enfant, mais bon...


La taille de la basilique a autorisé un grand nombre de tombeaux ; grandes familles romaines et papes, parfois les personnalités enterrées font partie des deux ! Ici voici celui de Serge IV. Le pape décéda au XIe siècle mais son tombeau est bien baroque.

 
Borromini réalisa cet original monument funéraire pour le pape Alexandre III.

 
Le pape Sylvestre II, dont voilà le tombeau, s'intéressait à l'ésotérisme. On prétend que son sarcophage faisait entendre des bruits inquiétants quand la mort du pape du moment approchait !

 
La chapelle Orsini fut reconstruite par le grand Borromini. Placidio Costanzi a peint une Immaculée Conception, thème abondamment mis en avant dans les églises romaines.

 
La chapelle Torlonia fut réaménagée au XIXe siècle par Quintiliano Raimondi. Sur l'autel, la Déposition est l’œuvre d'un certain Pietro Tenerani.

 
C'est un autre très grand architecte, Giacomo della Porta, qui a aménagé la chapelle Massimo.

 
Sur l'autel, resplendissent les vives couleurs d'une Crucifixion de Girolamo Sicilianto da Sermoneta.

 
Francesco Borromini rénova la tombe du cardinal Casati, autrefois en style cosmatesque. Sa version est magnifique !

 
Je pensais à Pietro da Cortona, avec cette lumière particulière. Ce Saint Jean à Patmos fut peint par le moins célèbre Lazzaro Baldi que je ne connais pas. Je n'ai pas tout perdu, je découvre qu'il travailla dans l'atelier du précédent.

 
Le tombeau du cardinal portugais Martin de Chaves avait été commandé à Antonio Averlino, surnommé Il Filarete, mais celui-ci dut fuir précipitamment Rome, ville qui tirait profit de ses nombreux procès, ayant été accusé à tort de vol d'antiquités. Isaia da Pisa l'acheva en 1447. Je ne sais pas trop lequel des deux est l'auteur de cette composition originale.


C'est à partir du transept que l'opulence se fait particulièrement sentir, avec l'arrivée en force de l'or et des couleurs vives.


 
Giovanni Battista Ricci a peint La Consécration de Saint Jean de Latran. On voit l'empereur Constantin debout, à côté du trône du pape.



L'évolution est également perceptible dans les tombeaux polychromes.

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Un bel ensemble d'instruments de musique (viole de gambe, harpe, trombone, serpent, cornet, hautbois et peut-être un théorbe à droite) surmonte le roi David, présenté en poète-musicien avec sa harpe.



Paris Nogari a peint ce Saint Barthélémy avec son couteau. La richesse des frises est tout aussi révélatrice.


Les tombeaux deviennent d'amples monuments construits autour d'une entrée. Je me rappelle avoir vu une fois des employés ouvrir la porte qui donne sur un couloir, il ne s'agit pas d'une chapelle funéraire.



L'abside de la basilique de Constantin fut refaite plusieurs fois, mais elle changea vraiment lors de l'agrandissement (encore !) de la basilique au XIXe siècle ; Léon XIII la recula pour obtenir l'immense chœur visible aujourd'hui.


On reprit la mosaïque de Torriti, centrée autour de la Croix ; ce peintre était moine franciscain et il avait ajouté à la composition ancienne Saint François d'Assise et Saint Antoine de Padoue, qui portent la robe de bure de l'ordre. Il les a simplement représentés de taille inférieure, de part et d'autre de la Vierge et de Saint Jean.

Je me suis souvent fait la réflexion que dans cette basilique qui honore Saint Jean (c'est même le premier sanctuaire qui lui fut consacré), il n'est pas particulièrement mis à l'honneur. Même dans cette voûte de l'abside, souvent l'élément le plus visible en entrant dans l'église, il n'est qu'un personnage parmi les autres.



Les grandes fresques nécessitèrent une armée de peintres ; ce devait être un chantier extraordinaire, bruissant d'activité.


Le plus célèbre de ces artistes est le Cavalier d'Arpino, le maître du Caravage, qui exécuta cette Ascension lumineuse, en reprenant une construction célèbre de Raphaël.


Difficile de s'approcher ! J'ai le sentiment qu'il s'agit de tissu ; tapisserie ou broderie ?



La chapelle du Saint Sacrement présente une rareté : on y a réemployé quatre colonnes antiques de bronze doré, alors que le marbre est la version courante.



Cesare Nebbia et Pomarancio, très demandés dans les églises, participèrent aussi au programme de fresques.


 Saint Pierre avec ses clefs semble se tenir en équilibre sur la bannière. C'est une peinture de Bernardo Cesari, le frère du Cavalier d'Arpino.




Les modifications successives sont vraiment courantes dans les églises, sans cesse remises au goût du jour. C'est intéressant de constater comment les artistes s'emploient à utiliser le matériau ancien.


La Mort d'une Sainte, peut-être la Vierge, est de toute évidence médiévale et comporte des indices de gothique international. Elle n'a heureusement pas été détruite, mais le nouveau peintre a créé une structure découpée où la nuée d'anges crée un relief au-dessus de la précédente.
 

La chapelle Corsini est l’œuvre de Galilei, l'architecte de la façade. A nouveau, il semble s'agir d'une véritable église dans l'église.






La petite fresque serait de Giotto ; on voit qu'elle a largement été restaurée, la différence est nette au milieu du corps du pape. C'est Boniface VIII, annonçant l'année sainte.

Si vous ne les avez pas encore vus, j'ai complété cette visite par deux autres articles :


La visite du baptistère se trouve ici.

Et là, la visite du cloître.

4 commentaires:

  1. La Basilique Saint Jean de Latran, gigantesque, est un peu sévère, ce qui n’est pas le cas de l’intérieur : marbres, dorures, fresques, statues, colonnes… La grandeur de la nef, des statues, des colonnes est impressionnante. J’ai l’impression de me noyer tant il y a à voir. Malgré l’immensité les proportions son parfaites et ne choquent pas. Les architectes, les sculpteurs ont écarté les lourdeurs, ainsi tout est de grande taille, mais magnifique. Cette merveille nécessite une visite extrêmement attentive.
    Il faut être Fred pour s’attaquer à une telle visite. Merci de m’en faire profiter. Grosses bises. Mam.

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    1. C'edt vrai qu'actuellement peu de touristes s'y attaquent, mais j'espère que ce n'est que temporaire !
      Merci pour ce long commentaire, gros bisous !

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  2. A great post full of informations about a fabulous church! Amazing tour.
    Annie

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