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jeudi 13 août 2020

Rome : un parcours sur l'Aventin


 Une promenade sur une des plus charmantes collines de la ville : arbres majestueux, superbes villas, quelques églises pour faire bonne mesure.




C'est souvent par cette place Ugo la Malfa, avec son monument massif, que débute le parcours. Je ne fais pas exception. J'aime beaucoup cette promenade, et particulièrement Santa Sabina, une des plus anciennes églises de la ville. Après toutes mes déceptions sur le Celio, je croise les doigts...



Un morceau de muraille en bon état longe le clivo de Rocca Savilea. A l'époque romaine, c'était le Clivius Capsarius, proche d'un des nombreux établissements thermaux de Rome.


L'Aventin est une des collines les plus luxueuses de Rome, densément exploitée depuis l'Antiquité. Aujourd'hui, outre le chapelet d'églises (trois presque à la suite, une sur l'autre versant), ce sont d'opulentes villas qui ponctuent cette zone résidentielle.

Santa Sabina (Sainte Sabine)



Seul le portique permet de s'apercevoir qu'il y a bien une église ici ; c'est une des très anciennes de la ville, datant du Ve siècle, qui a une ambiance toute particulière.


Elle n'a jamais changé de dédicace et donc a toujours porté le même nom. Quant à savoir si Sainte Sabine est vraiment morte là, c'est une autre histoire.


 Le plan basilical si répandu dans ces églises anciennes prend ici une autre dimension tant l'église est vaste ; je pense que l'absence de bancs ajoute encore à l'effet.


 Les colonnes corinthiennes sont fines et gracieuses, et l'ensemble paraît très léger. Les baies, assez nombreuses, sont simplement ajourées, et pas garnies de vitraux. Cela apporte une luminosité bien spécifique, une pénombre claire (je ne trouve pas mieux que l'oxymore !) que j'ai toujours appréciée.




Le sol, plutôt composite, comprend de nombreuses pierres tombales coutumières. L'une d'elles s'orne du portrait en mosaïque d'un Dominicain du XIIIe siècle.


C'est vraiment rare de pouvoir admirer encore une Schola Cantorum, la partie dédiée aux chantres (le choeur, au sens humain, de l'église) avec sa clôture.


Ce n'est pas exactement celui d'origine car le pape Sixte V l'avait fait détruire au IXe siècle ; mais les plaques avaient été conservées et on a pu le reconstituer ; cela explique la différence stylistique entre les plaques et leur cadre.



Les ambons ont donc une forme plus moderne que d'habitude, comme ceux de San Lorenzo fuori le Mura.


Les éléments de l'arc et de l'abside sont évidemment plus récents ; la restauration a supprimé la plupart des éléments baroques mais celui-ci, peut-être du XIXe siècle, a été conservé. C'est une des rares touches de couleur de la basilique.




La chapelle de Sainte Catherine de Sienne, ajoutée au XVIIe siècle, a cependant été entièrement préservée car elle est presque extérieure à la basilique.



Je n'ai toujours pas d'indication sur ce très joli retable, avec beaucoup de relief.



Les fresques sont liées à l'ordre des Dominicains, facilement identifiables dans leur robe blanche. Ici un novice semble l'enfiler pour la première fois.




Le contre-jour joue contre moi... Juste sous les baies s'étend une mosaïque, la seule demeurée parmi toutes celles qui couraient autour de l'église. Le centre porte une inscription commémorative de la création de l'église.


Aux extrémités, deux allégories : celle de l'Eclesia Ex Circumcisione désigne l'église des Juifs, convertis par Saint Pierre. L'autre, celle des Païens, n'était pas photographiable aujourd'hui avec le soleil.


Le portrait de Saint Dominique est inséré dans un retable qui montre encore la virtuosité des Cosmates. Saint Dominique est une des célébrités de l'église, qui a préservé sa cellule. L'autre est Saint Thomas d'Aquin, qui la fréquentait souvent quand il venait à Rome.



La porte en bois de cyprès date de 430 après Jésus Christ et il s'agit d'une des plus anciennes à nous avoir été léguées. Les vingt-huit panneaux proposent un programme iconographique tiré de la Bible, prévu pour être lu de bas en haut (comme ce sera le cas ensuite pour l'art du vitrail) : le regard est porté vers le ciel et donc vers Dieu.


Ce panneau inaugure le cycle de Moïse ; on le voit en bas avec son troupeau, puis dans la scène du buisson ardent ; plus haut, on croyait autrefois qu'il s'agissait de la remise des Tables de la Loi mais c'est en fait la mission de Moïse reçue de l’Éternel qui est racontée.


En bas, on a oublié Aaron pour ne représenter que Moïse devant Pharaon avec le miracle des serpents, deux grands reptiles menaçants.

Le passage de la Mer Rouge occupe tout le reste du panneau, ce qui a permis aux artistes anonymes de magnifier la brèche avec un bel effet de vagues. Les chars sont antiques, avec les roues caractéristiques. Pour une fois, l'Antiquité représente quelque chose que voit le sculpteur, qui fait partie de son monde, ce qui rend ces panneaux encore plus précieux.


La vision du char dans le ciel est intéressante car elle semble imposer le paradigme de toutes les scènes semblables à venir : horizon bas pour dégager le ciel et mettre la vision en valeur. Beau geste ample du visionnaire au centre. Les témoins de la scène forment un cercle autour de lui et manifestent stupeur ou effroi. Il semble que soient posées ici les bases des représentations de Transfiguration, Résurrection, de certaines propositions de l'Ascension, même.

Je ne veux pas pour autant dire que Sainte Sabine est le premier exemple à présenter cette structure, mais c'est un des plus anciens que nous ayons. En tout cas, le témoignage exceptionnellement préservé de l'iconographie de la fin de l'Antiquité.


 Le panneau de l'acclamation est problématique : on voit bien que les personnages du bas, supposés au premier plan, saluent ceux qui sont dans l'église, mais quelle scène est donc illustrée ? On a proposé une illustration de Malachie, qui prophétise la venue du Seigneur dans son livre ; mais le personnage le plus important, devant la porte, est vêtu avec une toge rattachée par une fibule, et chaussé de bottes. Cela ne correspond à aucune représentation connue du Christ. Le second personnage est un ange, facile à identifier.

Il semble que ce panneau soit lié à l'histoire de l'église et que la figure problématique pourrait être un personnage historique, mais sans doute pas un empereur qui aurait été signalé par des attributs caractéristiques.

Ca me passionne toujours, ces histoires d'identification de scènes !




Sant'Alessio (Saint Alexis)



C'est en fait une basilique placée sous un double patronage de Saint Boniface et Saint Alexis, mais la célébrité du second a limité l'appellation courante de l'édifice à un seul. Malgré une biographie sans doute légendaire, c'est un saint resté très populaire.




Bien propre et bien tenue, cette église a perdu de son intérêt avec les modifications radicales. Si son origine remonte, comme Santa Sabina, au Ve siècle, elle est devenue un témoignage du baroque tardif, celui du XVIIIe siècle. Le moment où il n'a plus grand chose à dire, hélas.



Giovan Contini Batiste a produit en  1693le monument funéraire d'Eleonora Boncompagni Borghese, assez spectaculaire. L'alliance des putti et du crâne me semble assez exceptionnelle.



Quelle surprise de découvrir soudain, dans le chœur, ces deux colonnettes cosmatesques au milieu d'une boiserie assez banale par ailleurs.



Le sujet est déjà rare : Saint Jérôme présente les orphelins à la Vierge (encore une histoire qui évacue Jérôme l'intellectuel). Mais c'est un retable d'un peintre français, Jean-François de Troy, qui fit son séjour à Rome comme tant d'autres !


A gauche de l'entrée, voilà un ensemble des plus curieux ; ce serait de l'art contemporain, installation conviendrait le mieux.

La légende de Saint Alexis, le pauvre de l'escalier, tourne surtout autour de cette histoire ; originaire d'une riche famille, il fait vœu de pauvreté et revient incognito. Il vit comme un mendiant et dort sur sa paillasse sous l'escalier de la demeure familiale. Ce saint sur sa paillasse et / ou sous l'escalier est souvent peint ; j'avais montré déjà les versions de Luca Giordano et de Pietro da Cortona. La littérature aussi s'en fit l'écho, la Vie de Saint Alexis est un des grands textes français du XIe siècle.


L'ensemble ne paraît absolument pas authentique, surtout avec ce toit-escalier emballé dans du cristal de roche.

La basilique conserve aussi des reliques de Saint Thomas Beckett, assassiné dans la Cathédrale de Canterbury, mais elles sont présentées dans la crypte qui est... actuellement fermée, bien sûr.

Sant'Anselmo (Saint Anselme)



L'église Saint Anselme est un faux ; elle ressemble à une église romane mais a été construite à la fin du XIXe siècle sur un terrain que les Chevaliers de Malte avaient offert.


C'est cependant une église très prospère et soignée car elle est, à Rome, la principale des Bénédictins, ordre puissant et toujours efficient.
 


L'intérieur est cependant très original : presque immaculé, avec seulement des colonnes ioniques de marbre gris et quelques décorations de mosaïque sur les murs du fond.



Même si on sent une volonté de respecter un certain héritage pictural, le style se démarque ; les éléments décoratifs ne sont pas loin de l'Art Nouveau.


Je trouve la composition de l'abside particulièrement réussie ; j'aime beaucoup la frise de la croix et les anges aux ailes flamboyantes.
 

Saint Benoît et Saint Anselme encadrent une composition d'anges et d'une croix avec l'image de Jésus enfant, visiblement conçue pour son esthétisme. Étonnamment, la colombe est placée en bas, peut-être davantage pour des raisons artistiques que symboliques.


La Crucifixion est plus bizarre ; le Christ, assez féminin, jette un regard désarçonnant sur le passant. Saint Jean y est un petit brun tout aussi inhabituel.




La façade du Palais des Chevaliers de Malte a une particularité bien connue.


Le buco della serratura, le trou de serrure, y a un grand succès ; on fait toujours la queue pour jeter un œil par un trou minuscule. On découvre alors une allée parfaitement taillée en tonnelle, un voûte qui encadre idéalement la coupole de Saint Pierre. C'est magique, mais avec le fort contraste, je ne suis jamais parvenu à y faire une photo correcte.






Santa Prisca, c'est une église qui continue à me résister. Ce soir encore, impossible d'y pénétrer. Un voisin qui arrose son jardin me dit qu'on ne peut pas savoir quand elle va ouvrir. Tant pis ! J'ai tout de même eu Santa Sabina ouverte, j'aurais été vraiment désolé de ne pas y entrer.




J'ai bien mérité un peu de douceur. Trois parfums, c'est mon habitude ; framboise, cerise et mûre (la plus parfumée des trois).


Je rentre doucement en revenant sur l'itinéraire favori des touristes...



1 commentaire:

  1. Three very different and inspiring churches, an exquisite trip in a romantic area, and a gelato. Just perfection.
    Annie

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