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lundi 21 octobre 2019

Vienne : Gala du Prix Européen de la Culture (Wiener Staatsoper)



Lorsque j'ai vu sur le programme du Staatsoper ce gala, je n'ai pas hésité malgré le prix des places décourageant. Une affiche alléchante, je m'imaginais un concert où se succèderaient des airs avec des chanteurs célèbres. Olga Peretyatko et Placido Domingo étaient annoncés, entre autres. En fait, il s'agit d'une cérémonie de remise du Prix Européen de la Culture, dont je n'ai jamais entendu parler. Les chanteurs qui se produisent y reçoivent tous un prix. Je ne sais pourquoi Olga Peretyatko et Placido Domingo ont été subitement écartés ; j'espère que l'éviction de ce dernier est davantage due à son concert à Moscou, ou aux répétitions du prochain Macbeth, qu'à ses ennuis avec la justice américaine puritaine.



A la place, j'ai vu apparaître Thomas Hampson et une certaine Ina Regen, inconnue pour moi. Le choix des lauréats est d'ailleurs curieux, visiblement centré sur l'Autriche plutôt qu'élargi à l'Europe, avec quelques outsiders. Que vient faire là une responsable d'une organisation sur le climat ?


Il s'agit d'un événement très people, avec télévision, foule de journalistes, et l'accès est strictement réglementé. Les invités "célèbres" arrivent à la queue leu leu.


Je reconnais Nadja Michael, soprano volcanique au look de rock star.


René Pape, qui se produira tout à l'heure, pose en souriant ! Incroyable ! Je connais surtout la version renfrognée.


Grandes tenues sont de sortie, même les plus improbables…



Pour l'occasion, on a dressé la scène en version de concert, avec un écran où seront diffusés des mini-reportages et des interviews.


Pour commencer, une ouverture de Don Giovanni très dramatique, avec un orchestre aux sonorités très riches, sous la direction experte de Simone Young.


Otto Schenk est un vénérable metteur en scène dont les mises en scène, basées sur des décors spectaculaires, font encore les beaux jours du Staatsoper. J'ai un peu de mal à suivre son discours. Le monsieur est âgé et se déplace avec difficulté.


Nina Stemme, ma fabuleuse Färberin d'avant-hier, a choisi Dich teure Halle de Tannhäuser, ce qui ne convient plus exactement à sa voix (remarque que je me ferais avec presque tous les interprètes), mais cette grande dame fait des prodiges d'allègement pour incarner la jeune Elisabeth.


J'ai l'immense plaisir de revoir Christa Ludwig, fraîche comme une fleur, qui fait la laudatio, le rappel des mérites de la personne primée, dans un discours plein d'humour et de sel. Je remarque que les chanteurs savent articuler, ce sont les seuls que je parviens à suivre en allemand.


Un prix donc pour Mme Stemme.


Suite des opérations avec une célébrité dont je n'ai pas retenu le nom, et dont je pique trois mots du discours.



Carlo Ponti Jr, le fils de Sophia Loren, est chef d'un obscur orchestre de Los Angeles, Les Virtuoses. Il réussit à glisser qu'il aimerait diriger cet orchestre-ci avant de remettre le prix à sa maman. Sans doute aidée par un copieux maquillage, celle-ci semble avoir évité les ravages du temps. Elle tient à expliquer que si elle a du mal à se déplacer, c'est qu'elle est tombée chez elle et non qu'elle est atteinte par l'âge. Je n'ai encore jamais vu "en vrai" cette légende du cinéma, ça fait tout de même quelque chose.

Je suis étonné que fils et mère n'aient pas appris deux mots d'allemand. Ils s'expriment en anglais, comme d'ailleurs plusieurs des primés étrangers.



Ina Regen est, paraît-il, une vedette du jazz. Je ne suis pas connaisseur, mais cette voix ombrée ne m'enchante guère, pas plus que sa composition.


L'excellent violoniste Daniel Hope, je le connais pour l'avoir entendu une dizaine de fois. On l'a chargé de la laudatio de Gordon Getty, le compositeur de Usher House.


Un monsieur chaleureux et plein d'humour.


René Pape interprète Il lacerato spirito de Simon Boccanegra avec musicalité et beaucoup d'émotion, même s'il est éprouvé par les extrêmes de l'air et la projection me paraît inégale. C'est tout de même une des plus belles basses de ces dernières années, qui m'a gratifié de nombre de soirées mémorables.


Le prix est largement mérité.


Vivienne Westwood semble considérer ce plateau comme une arène politique.


En anglais, elle vitupère contre le capitalisme, le Brexit, Trump, l'industrie qui malmène le climat, les populations qui gaspillent les ressources. Le public huppé ne semble guère goûter sa logorrhée interminable. On envoie Barbara Brett pour la faire taire, sans succès. Le public tente d'applaudir à plusieurs reprises pour l'arrêter, mais elle reprend de plus belle à chaque fois. La sincérité de la dame ne fait pas de doute, mais elle s'est sans doute trompée de lieu…

Cela vire à la franche rigolade.


Alma Deutscher est annoncée comme une version féminine et moderne de Mozart. Cette petitoune a déjà composé une foule d'œuvres, dont un opéra qui sera donné bientôt au Staatsoper. Elle joue du violon, aussi.



Je ne peux pas dire que son jeu ne m'éblouit ni que l'œuvre m'émerveille ; une pièce charmante qui me semble davantage se rattacher à un exercice de conservatoire, bien écrite, mais je n'y vois pas le génie annoncé. Elle a tout de même fait chanter un de ses Lieder à Thomas Hampson, qui lui remet précisément son prix.


Thomas Hampson est précisément le prochain primé. Annette Dasch fait une laudation très drôle et propose de faire chanter la salle sur Frère Jacques, devenu "Thomas Hampson, vielen Dank", en canon ! Et ça marche. Le nombre de chanteurs dans la salle aide forcément. Prix mérité pour un vrai artiste, à la passionnante carrière. Il fait un discours de remerciement très animé, où il répète à plusieurs reprises que l'enseignement est le droit des hommes. Il articule parfaitement, c'est pour cela que j'ai pu comprendre ses paroles !

Infatigable, il demeure sur scène pour chanter le Pietà, rispetto, amore de Macbeth. Sa grande expressivité, sa capacité à incarner un personnage l'instant d'un air compense les trous de la voix. C'est tout de même un des plus beaux Macbeth que j'aie entendus. Mais pourquoi avoir choisi un air pareil, quand le passage du haut lui est si difficile à timbrer ?




Cette dame, Daniela quelque chose (je sais, j'aurais dû prendre des notes), reçoit un prix pour son engagement en faveur du climat. Nous avons ensuite une interview de Greta Thunberg, la jeune Suédoise engagée. A ce propos, j'ai appris récemment que cette demoiselle était la fille de la cantatrice Malena Ernman et j'ai réalisé que j'avais parlé avec elle ! Elle accompagnait sa maman à la sortie des artistes et je l'ai complimentée sur ses dessins. Du coup, elle m'en a montré plusieurs, tout en me racontant plein de choses. Incroyable !


Arnold Schwarzeneger était autrichien et il parle donc parfaitement l'allemand. On le voit en différé tenir un discours sur son engagement en faveur du climat.



Daniel Hope et Jacques Ammon interprètent The Fiddler of Ballykeel, une délicate composition de Gordon Getty.


Ioan Holender, le prédécesseur de Dominique Meyer à la tête du Staatsoper, est lui aussi intarissable et son éloge de Simone Young est interminable. Même l'intéressée s'impatiente…


La cheffe d'orchestre, à la tête de l'Orchestre de l'Opéra de Hambourg, montre beaucoup d'esprit dans son discours dont la briéveté est visiblement accueillie avec soulagement dans la salle.


Fin de programme avec une superbe ouverture Leonore III de Beethoven, extrêmement bien construite et très travaillée dans les textures. Triomphe.


La soirée devait se terminer à 21:00, mais les discours-fleuves ont prolongé la fête jusqu'à 22:20. D'ailleurs, un certain nombre de spectateur n'ont pas tenu.

Inutile de tenter de faire signer mon programme ; ce n'est pas un cocktail mais un dîner de gala qui suit, à la fin des plus nocturnes. Si je veux avancer le blog, je ne peux me permettre de planter des heures devant l'opéra.

3 commentaires:

  1. Unbelievable! You've seen Sophia Loren!
    Wow!
    Very funny post.
    Annie

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  2. Comme si on y était !
    Merci pour ce reportage très vivant.
    Michèle

    RépondreSupprimer

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