Translate

mercredi 27 février 2019

Washington : De Van Gogh à Ernst (National Gallery of Art, aile est)


Au milieu de tous les peintres américains disséminés dans l'aile est, s'insèrent un assez grand nombre de peintres européens. Mon but était de rassembler dans cet article les peintres français, mais c'est une nouvelle gageure. Van Gogh, français d'adoption… Modigliani et van Dongen, aussi. Magritte, moins, mais il me semblait mieux trouver sa place ici. Et je ne parle pas des courants, tant certains ont touché à des tendances variées tout au long de leur carrière.
 Le classement en matière d'art, c'est toujours compliqué !


Van Gogh, Cézanne, Rousseau


Vincent Van Gogh, Les Oliviers

 Très harmonieux tableau dans une palette étroite, du vert amande au brun. Le remplissage des surfaces en hachures n'est pas vraiment du pointillisme ici mais plutôt une reprise d'une technique expérimentée avec succès dans le dessin au calame.

Paul Cézanne, Nature morte au pot à lait

Un Cézanne bien reconnaissable, avec le choix d'objets redisposés sans fin dans son atelier aixois. Une toile lumineuse.

Henri Rousseau dit le Douanier, La Jungle équatoriale

Et un Douanier Rousseau qui ne l'est pas moins. Comme Jules Verne, le peintre s'est inventé des voyages exotiques par son expression artistique. Deux animaux peu identifiables se dissimulent dans une jungle fantasmée, et celui de gauche, avec ses grands yeux comme des lunettes, est plutôt cocasse.

Vuillard et Bonnard

Les collections sont riches en petits formats de Vuillard, ce fondateur du mouvement nabi, qui s'entend à merveille pour saisir l'intimité des scènes d'intérieur. Je trouve que  ses sujets sont dans la continuité des Néerlandais du XVIIe siècle, notamment avec la présence récurrente des tables et des personnages féminins, deux éléments clefs en peinture pour faire pénétrer dans un foyer.

Le traitement est évidemment tout autre : cadrages originaux, souvent de près, parfois avec un décalage par rapport au sujet ; une palette un peu sourde, avec beaucoup de bruns ; et, encore plus logiquement, un autre traitement pictural, avec des surfaces synthétisées et un réel intérêt pour le motif du tissu.

La photographie se développe pleinement et a alors épuisé la nécessité du réalisme pictural. Plus besoin de montrer sa virtuosité dans les textures ! Mais la composition, le regard de l'artiste, la palette, ce sont toujours des domaines où il est possible de s'exprimer.

Edouard Vuillard, La conversation / La Femme en noir / Deux femmes buvant du café

Edouard Vuillard, Le petit déjeuner / Mme Bonnard / L'enfant au foulard rouge

Edouard Vuillard, Le rideau jaune / Vase de fleurs sur un manteau de cheminée

Edouard Vuillard, La Cuisinière

Edouard Vuillard, Femme à sa toilette / Femme assise près de la cheminée

Edouard Vuillard, Repas au jardin

Pierre Bonnard, Deux chiens dans une rue déserte

Autre créateur du mouvement nabi, Bonnard suit, un temps, des chemins comparables à ceux de Vuillard et ce petit format au sujet rare aurait pu être peint aussi par ce dernier, me semble-t-il.

Pierre Bonnard, Paris, Rue Parme, 14 juillet

On a souvent relevé l'influence du japonisme dans ses travaux de la fin du XIXe siècle, et l'importance de la contre-plongée en est un élément notable. Les drapeaux du 14 juillet inspireront aussi Dufy dans une série de tableaux.

Pierre Bonnard, La Table verte

Avec une grande économie de moyens, il a produit aussi des paysages et vues de jardin qui sont encore pleinement ancrés dans l'impressionnisme.

Pierre Bonnard, La Lettre

Henri de Toulouse-Lautrec, Un coin au moulin de la Galette

Je retrouve Toulouse-Lautrec après la riche exposition de Barcelone. Je ne connais pas ce tableau qui m'intéresse par son cadrage, presque photographique avec ces personnages coupés ; aucun ne regarde vers le peintre (ou le spectateur par conséquent), et même aucun ne communique avec les personnages. Cette absence de communication dans les regards est bien plus fréquente dans les tableaux de cette époque qu'on ne le croit.

Picasso


Pablo Picasso, Famille de Saltimbanques

Je n'ai aucun scrupule à relier Picasso à la peinture française tant il me semble qu'elle y est largement intégrée à partir de son voyage à Paris. Le choix de tableaux présenté ici date des débuts du XXe siècle, avec quelques chefs-d’œuvre des périodes rose et bleue. Ce fameux portrait de groupe aurait été réalisé à partir d'artistes du cirque Medrano de Montmartre, mais on l'a souvent analysé comme une représentation de Picasso et de ses collègues, pauvres et isolés de la société. Rilke l'a utilisé comme point de départ d'une de ses élégies.

Pablo Picasso, Deux jeunes garçons

Pablo Picasso, Le jongleur

Pablo Picasso, Pivoines

Une évocation, encore marquée par l'impressionnisme, avant que le cubisme ne donne une autre direction aux natures mortes de Picasso.

Pablo Picasso, Tragédie

La période bleue est marquée par ce choix de couleurs froides pour travailler des thèmes rudes, maladie, mort, isolement. Ce tableau est sans doute un des plus marquants de la période.

Pablo Picasso, Le Gourmet

Palette cézannienne pour un délicieux petit tableau, avec un thème ancré dans le XIXe siècle et ses enfants surpris en intérieur.

Juan Gris, Fantômas

Place au cubisme et au collage ! Un grand classique de Juan Gris, j'ignorais d'ailleurs que ce célèbre tableau se trouvait ici.

Georges Braque, Le Port de la Ciotat

Deux tableaux de Braque complètement différents. Opposés par le choix de la palette, entre autres. Le premier pourrait être né sous le pinceau de Derain et se rapproche du fauvisme alors que le second semble une recherche sur trois couleurs seulement.

Georges Braque, Femme nue au panier de fruits

Odilon Redon, Evocation de Roussel

J'aime beaucoup cette toile de Redon. Il me paraît toujours utiliser la peinture comme un pastel, médium qu'il a énormément employé.

André Derain, Arlequin

Et deux Derain tout aussi différents. Un Arlequin qui aurait pu naître sous le pinceau de Picasso, c'est d'ailleurs un sujet qui a souvent été traité tout au long de la carrière de ce dernier.

André Derain, Montagnes à Collioure

Le second est un merveilleux paysage éclatant de couleurs toniques. Je l'aurais bien exposé chez moi !

Albert Marquet, Affiches à Trouville

Un Marquet également éclatant par son choix de couleurs primaires, avec un bleu très énergisant. On connaît davantage sa palette adoucie pour les vues de la Seine, mais il ne faut pas négliger tout ce pan de son oeuvre.

Matisse


Henri Matisse, Pianiste et joueurs d'échecs

Comme Picasso, le prolifique Matisse est inévitablement représenté dans une collection de peinture du XXe siècle. Les tableaux exposés ici décrivent des tendances très variées de son oeuvre. Le premier, avec des couleurs toniques, souligne les motifs décoratifs comme il le fera dans de nombreux tableaux, jusqu'à la Blouse roumaine, par exemple.

Henri Matisse, Les Gorges du Loup

J'aime beaucoup la palette en vert et bleu de ce paysage assez classique.

Henri Matisse, Le Chapeau à plumes

Le troisième est apparemment un vrai portrait qui pourrait être identifiable. Palette blanc-orangé reprise par le fond.

Kees van Dongen, Saida

Pas facile de reconnaître van Dongen dans ce portrait atypique ! Pour moi, ce sont les yeux dans ses portraits qui sont l'indice le plus évident, et ce n'est pas très caractéristique dans ce tableau dynamisé par le visage rouge.

Raoul Dufy, Régates à Cowes

Dufy s'est souvent intéressé à des éléments réalistes employés comme motifs décoratifs. Les voiles des embarcations sont une variante des drapeaux que je citais au-dessus.

Modigliani


Une salle pleine de chefs-d’œuvre ! J'apprécie beaucoup Modigliani, sa peinture franche aux grands aplats, et même les yeux de ses personnages. L'absence de pupille a gêné une partie du public mais ça me rappelle plutôt ceux qu'on rencontre chez Poussin.

Je suis très sensible à sa palette, qui allie souvent couleurs froides et chaudes. Les ocres de Modigliani sont généralement splendides.

Une riche salle pour me combler, donc.

Amadeo Modigliani, La Chanteuse de café / Femme au coussin brun / Chaim Soutine

Le nu illumine le mur de ses couleurs chaudes, juste rafraîchies par les yeux, alors que les deux portraits, où les variantes de gris dominent, sont réchauffés par les carnations.

Amadeo Modigliani, Femme au chemisier vert / Tsigane avec un bébé / M. Deleu

Amadeo Modigliani, Mme Kissling / Adrienne / Léon Bakst

Amadéo Modigliani, La Rouquine

Amadeo Modigliani, Femme nue au coussin bleu

Fernand Léger, Femme avec un miroir

Un Fernand Léger, identifiable au premier coup d’œil. Quoiqu'intéressante, ce n'est cependant pas ma toile préférée.


Surréalistes


René Magritte, La Condition humaine

Ah ! J'adore Magritte. Cette peinture photographique où se glisse des éléments d'étrangeté est autant un exercice intellectuel qui m'intéresse qu'une esthétique qui me réjouit. J'étais allé, il y a une vingtaine d'années, à Bruxelles pour la grande rétrospective du centenaire, et ce fut une des grandes expositions que j'ai vues dans ma vie.

La Condition humaine qui réfléchit sur le statut du tableau, la notion de représentation, et interroge le réalisme, est déclinée en plusieurs versions. Ici un exemplaire avec un arbre !

Yves Tanguy, La Vue d'Ambre

Tanguy, le surréaliste que je confonds parfois avec Dali. Ces paysages désolés semblent toujours des visions d'autres planètes.

Max Ernst, Un moment de calme

Une de ces forêts de science-fiction dont Ernst a le secret.

12 commentaires:

  1. x25tfrgtfreedfr x25tfrgtfreedfr x25tfrgtfreedfr x25tfrgtfreedfr


    I have read so many articles concerning the blogger lovers but this post is actually a nice article, keep
    it up.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Thank you x25tfrgtfreedfr for this nice feedback! I really appreciate!

      Supprimer
  2. Je suis très intéressée par la peinture. Je connais tous les peintres dont les photos de tableaux illustrent l’article, mais beaucoup me surprennent, ce qui accroît mon intérêt pour les nombreux chefs d’œuvre exposés ici. Je suis ravie de les découvrir et t’en remercie.
    Bisous. Mam.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Quel travail infatigable de commentatrice, ce soir !
      Je suis bien d'accord : nombre de tableaux sont inattendus, et le van Dongen, au moins un des Matisse, ne sont pas les moins surprenants.
      Félicitations, une fois encore. Et un grand merci !

      Supprimer
  3. A great tour in an extraordinary gallery of art, with amazing paintings from world-famous painters.
    Thanks for this awesome post !
    Ruth

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Thanks a lot, Ruth ! It was also a great pleasure to visit this wonderful gallery, a paradise for art lovers !

      Supprimer
  4. Awesome post. Only highlights!
    Just amazing.

    RépondreSupprimer
  5. Great highlights of the best European painters! Useful texts.
    It was my pleasure of this day!
    Annie

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. It is my own private pleasure to read your feedback, Annie!

      Supprimer
  6. Peintures inconnues, mais des célébrités de l'histoire de la peinture. Vous avez dû vous régaler et votre belle publication, très sincère avec vos coups de cœur personnels, nous permet d'en profiter.
    Pierre

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Vos commentaires rendent toujours hommage à votre grande gentillesse, Pierre. Encore une fois, merci.

      Supprimer

Un grand merci de prendre le temps de laisser un commentaire. Je promets de le lire aussi vite que possible.
N'hésitez pas à signer votre message, ce sera encore mieux : je n'ai AUCUN moyen de connaître votre nom, votre e-mail, ou votre blog.
Si vous préférez que vos coordonnées n'apparaissent pas, mais que je vous réponde en privé, utilisez le formulaire de contact, accessible sur la version web du blog.