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mardi 12 février 2019

Paris : Saint Denys du Saint Sacrement




Beaucoup de touristes passent devant cette église assez singulière sans vraiment la remarquer, je ne suis même pas sûr qu'ils en identifient une ici. La façade de temple grec, il est vrai, peut  appartenir à bien des édifices. Et les deux pans de mur quasi-nus de part et d'autre sont plutôt rares.



 A droite, vivait La Bruyère, l'auteur des savoureux Caractères.

Jean-François Legendre-Héral, Saint Pierre

Une des seules décorations de la façade, ce sont les deux statues dans des niches. Celle de gauche fut sculptée par Legendre-Héral. Né à Montpellier, cet artiste méconnu suivit sa famille à Lyon où il s'inscrivit aux Beaux-Arts. A vingt-trois ans, il devint professeur et eut Hippolyte Flandrin parmi ses élèves.

Fronton avec les Vertus théologales de Jean-Jacques Feuchère

Feuchère est un sculpteur également oublié, mais qui reçut de nombreuses commandes à Paris dans les monuments publics : des statues à la Concorde, des bas-reliefs à l'Arc de Triomphe, etc.

Ici la solennité prévaut sur la grâce avec une hiératique Foi qui dresse le calice. A droite, ce n'est pas Eve à la pomme, mais la Charité au cœur brûlant.


Le péristyle, façon temple grec donc, prépare à ce qui va suivre. Hyppolyte Godde, architecte de la ville de Paris (à qui on doit aussi Notre Dame de Bonne Nouvelle), a choisi de s'illustrer ici dans le style néo-classique et le plan est assez original.


La nef principale comporte une voûte en demi-cylindre. Les deux nefs latérales se terminent par une chapelle rectangulaire à l'antique.


La première à gauche en entrant est destinée au baptême, avec les fonts au centre.

Gabriel-Christophe Guérin, Le Baptême

Le peintre rhénan Guérin, spécialiste de la peinture d'histoire, a réalisé un Baptême avec beaucoup de personnages. La coupe d'eau suffit à évoquer le Jourdain.



En avançant vers le fond de l'église, je jette un coup d'œil sur la nef pour tenter d'apercevoir le buffet d'orgues, rénové par Cavaillé-Coll, le grand facteur français du XIXe siècle, mais il est vraiment plongé dans la pénombre.


Le chœur est sobrement décoré : boiseries, faux marbres, et deux peintures d'Abel de Pujol.

Alexandre Abel de Pujol, Saint Denys prêchant dans les Gaules

Le trompe-l'œil en grisaille est sidérant. Même à courte distance, l'effet de relief est extrêmement réaliste.

L'église est dédiée à ce Saint Denys pour deux raisons : on n'avait pas encore honoré ce premier évêque de Paris (l'y vient du latin Dionysus) et le quartier avec la rue de Turenne correspond aux anciennes possessions du maréchal de Turenne, converti au catholicisme par le Saint-Sacrement. Il est donc logique de voir le personnage gratifié de cette peinture derrière le maître-autel.

Alexandre Abel de Pujol, Le Père éternel avec le Christ et la Vierge

La peinture supérieure ressemble vraiment à un chromo, bien que le peintre ait cherché à évoquer les peintures des absides paléo-chrétiennes.

Chapelle avec Les Pèlerins d'Emmaüs

Chacune des chapelles suit le même principe, avec un tableau au fond. Voici celle à gauche du chœur.


On mesure le poids de l'inspiration antique. En cette période de valorisation du patrimoine de l'Antiquité (programmes de fouilles lancées alors un peu partout), on a cherché à rendre hommage à la décoration sobre des temples gréco-romains.

François-Edouard Picot, Les Pèlerins d'Emmaus

Picot, prolifique peintre d'histoire, eut de nombreux élèves (Cabanel, Henner, Gustave Moreau…) et reçut des commandes à Versailles et dans plusieurs églises parisiennes.

Ici il s'agit d'une peinture à la cire, qui me paraît de bien meilleure facture que ce que la réputation du peintre laisse entendre. Sobre, bien construite, avec une palette fraîche, et surtout une expressivité mesurée.


A droite du chœur, des stalles extrêmement minimalistes s'adossent aux murs.


Joseph-Désiré Court, Notre-Dame de Bon Secours

Le peintre rouennais Court fut une célébrité à son époque, excellent portraitiste, grand peintre d'histoire. Il exécuta les peintures du premier salon de l'Hôtel de Ville de Paris.
Sa renommée s'étendit à l'étranger et on lui commanda la peinture de la coupole de Saint Isaac à Saint-Pétersbourg.

Cette œuvre-ci me paraît plus conventionnelle, pour employer une expression polie.

Eugène Delacroix, Pietà

C'est la chapelle à droite de l'entrée qui est la plus célèbre, grâce au plus fameux des peintres représentés ici.

On connaît moins la peinture religieuse de Delacroix, pourtant le peintre romantique s'est illustré dans ce domaine tout au long de sa carrière. Plusieurs églises parisiennes en gardent le témoignage, comme Saint Sulpice ou Saint-Paul-Saint-Louis. C'est le préfet Rambuteau qui lui commanda celle-ci, directement peinte sur le mur.

Ce fut une affaire compliquée : le curé y était opposé car il trouvait le thème retenu trop ordinaire.

Peinture sombre dans une chapelle obscure, à une époque où l'éclairage électrique n'existe pas, cela posait des problèmes de visibilité mais surtout de réalisation.

Eugène Delacroix, Pietà

Le traitement de Delacroix dans ce sujet classique, un des plus représentés, est cependant original. Outre les personnages principaux, on voit à droite, en arrière-plan, Delacroix lui-même et son assistant !

Eugène Delacroix, Pietà (détail)

C'est une peinture assez rapide, à grands traits qui me font penser à Rubens. L'opposition des couleurs met en valeur la lividité de la Vierge et du Christ, et c'est la mère qui ouvre les bras en croix au lieu du Christ.

Eugène Delacroix, Pietà (détail)

Marie-Madeleine est représentée avec une émotion simple, sans grandiloquence. Ferveur du visage et larme à l'œil, c'est tout. Je trouve ce profil magnifique.

8 commentaires:

  1. Unknown church, very unusual.
    The Delacroix Pieta is amazing!
    Outstanding post.
    Annie

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  2. Riche visite détaillée d'une église vraiment très méconnue, malgré sa position dans un quartier très fréquenté. Un excellent article, bien dosé en informations.
    Pierre

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    Réponses
    1. Peut-être mon modeste article, perdu dans l'infinité du web, contribuera-t-il à mener quelques visiteurs supplémentaires à y pénétrer.
      Merci beaucoup, Pierre.

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  3. Amazing tour of a really unknown Paris church. It deserves a visit!
    Thank you.

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  4. Unknown hidden treasure in Paris.
    We'll visit this church for sure during our next trip in Paris.
    Jez and Michelle

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