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lundi 4 février 2019

Lyon : peintures au Musée des Beaux-Arts (Moyen-Age, Renaissance)



Après l'exposition Claude et les salles de sculptures, je poursuis dans les collections de ce magnifique Musée des Beaux-Arts. Parce que c'est une période artistique que j'adore, et parce que ça me paraît logique de commencer par le commencement, place donc aux peintures les plus anciennes du musée.



J'emprunte le grand escalier, une réalisation de Blanchet comme le réfectoire.

Miguel Alcañiz, Saint Michel recueille les âmes échappées de la gueule de l'Enfer

Je trouve à cette peinture des influences européennes : un monstre à la Bosch, des Saints auréolés à l'italienne. L'arbre solitaire porte toute la charge d'évoquer le paysage. Où sommes-nous ?

Miguel Alcañiz, Saint Michel chasse du ciel les anges rebelles

Ces anges noirs me rappellent vraiment ceux du Louvre, le fameux panneau d'un peintre anonyme. Même contraste sur fond doré, même silhouettes aux membres écartés. Tellement similaire que je me demande s'il n'y a pas eu une source commune.

Maître de Santa Clara de Palencia, La Mort de la Vierge

Cette peinture castillane me rappelle, cette fois, la peinture flamande ; Dierik Bouts pour ses rouge et vert, notamment. Ce n'est pas l'insondable douleur dépeinte par Caravage mais plutôt une diversité d'attitudes et de sentiments qu'expose cet excellent peintre inconnu.

Maître de la Pietà de Saint Germain des Près, Le Portement de Croix

Plusieurs maladresses dans ce tableau du début XVIe, pourtant original par la variété des expressions et ce coup de pied du soldat. Le chien imperturbable n'est pas courant mais j'ai déjà remarqué cet animal (une peinture de Jan van Hoeck, je crois). Une image de la fidélité, peut-être.

Parmi le déchaînement de haine et de violence, que soulignent les armes accumulées, un fidèle se détache à gauche en aidant le Christ à porter la croix. Le seul personnage à porter ce vert et ce rouge lumineux. Finalement, je trouve ce panneau bien intéressant !

Anonyme français du XVe siècle, Trois Prophètes

Artiste inconnu mais excellent technicien, qui livre ici une peinture de haute qualité, très maîtrisée, équilibrée par les volutes des phylactères, aussi variée dans les expressions et les regards que dans le langage des mains.

Monogrammiste A.H., Cinq panneaux de la vie du Christ

Un magnifique cycle d'un autre inconnu, actif aux Pays-Bas. Son bleu intense me rappelle Joachim Patinir, merveilleux peintre de la même région et de la même époque. Plus particulièrement la Traversée du Styx de Madrid et son effet de dégradé.

Monogrammiste A.H., L'Entrée du Christ à Jérusalem

Tableau à plusieurs scènes (on voit une résurrection de Lazare en haut à gauche), qui mêle le réalisme d'une peinture extrêmement finie et bourrée de détails, et le symbolisme avec ces personnages diminués devant l'importance du Christ (en bas à droite, je n'ai pas l'impression qu'il s'agisse d'enfants, mais je me trompe peut-être).

Les Juifs sont représentés avec les attributs qu'ils étaient contraints de porter au Moyen-Age, le chapeau jaune et la rouelle. De nombreux détails apparaissent par ailleurs, dans l'architecture d'une ville fortifiée, les végétaux identifiables, les portraits soignés (sans doute un Judas au profil patibulaire), et l'âne minutieusement peint, avec le mors médiéval.

Gerard David, La Lignée de Sainte Anne

Un tableau conventionnel, façon arbre généalogique, mais si c'est Gerard David qui s'y colle, ça change tout. Au lieu de se borner à une série de vignettes (d'aucuns se sont illustrés dans ce genre de porte-photos), il crée une véritable animation, par le jeu des regards, des positions, des petites scènes qui se jouent. Exceptionnelle qualité picturale de ce grand maître, un de mes peintres favoris de toute l'histoire de la peinture.

Joos van Cleve, Portrait d'homme (de la famille Gualterotti ?)

Joos van Cleve, c'est quand même aussi une sacrée pointure de l'histoire. Sa renommée de portraitiste l'amena à travailler pour les plus grands, comme François Ier. Je suis toujours confondu par sa maîtrise de l'éclairage (le cou et les mains particulièrement).

Corneille de Lyon, Deux portraits d'homme

A Lyon, on pouvait bien s'attendre à quelques peintures de ce peintre qui diffusa le nom de la ville dans les musées du monde entier. Comme je l'écris à chaque fois, le petit format et la couleur verte du fond permettent de le reconnaître sans difficulté.

Att. Adriaen Isenbrandt, Portraits de donateurs

Isenbrandt ou pas, une merveille de peinture avec encore un superbe bleu Patinir. Les visages sont valorisés par le fort contraste entre les chairs et les vêtements sombres. A l'arrière-plan, s'étendent bois et pâturages, et même un château y est édifié, vraisemblablement les possessions du couple. Le peintre a transformé ce décor de commande en un merveilleux paysage en couleurs froides. Je suis resté un bon moment à détailler ce splendide double portrait.

Quentin Metsys, Vierge à l'Enfant entourée d'anges

Sans doute un retable portatif destiné à la dévotion privée. Délicieuse Vierge qui enveloppe l'enfant dans un immense voile blanc, centrée dans une arcature Renaissance. Quelques anges musiciens se tiennent respectueusement à l'arrière.

Att. Giovanni Francesco Maineri, Saint Jérôme pénitent

L'extase de Saint Jérôme pendant sa pénitence, poitrine dégagée et caillou à la main, est un classique de la peinture italienne. Je crois lui préférer la version de Luca Signorelli mais celle-ci demeure très expressive.

Lorenzo Costa, La Nativité

Tout ne m'emballe pas chez Lorenzo Costa, un peintre ferrarais qui travailla pour la cour de Mantoue, mais je trouve réussie cette Nativité minimaliste et solennelle. Pas d'animaux mais une vue avec profondeur de champ, un Enfant présenté comme un cadeau sur un plateau, des personnages recueillis dans une scène qui fait ressentir le silence. La palette très douce participe à l'intimité.

Filippo Lippi, Sainte Catherine et un évangéliste

Un des grands noms du Cinquecento florentin, un orphelin placé très jeune chez les Carmélites, chez qui il prononce des vœux à l'âge de quinze ans mais qu'il quitte dix ans plus tard, accusé de mener une vie peu monacale. A cinquante ans, il enlèvera une religieuse enceinte de lui…

Hormis cette vie romanesque, Filippo Lippi est un excellent peintre qui a bien retenu les leçons de Masaccio et de Lorenzo Monaco. Personnages expressifs, attitudes sans cesse renouvelées, et une représentation de l'architecture particulièrement soignée qui bénéficie des recherches de Brunelleschi.
C'est dans son atelier que se forma Botticelli.

On ne voit pas tout cela dans ce panneau plus conventionnel, mais apparaît nettement son soin à varier les postures.

Le Pérugin (Pietro Vannucci), L'Ascension du Christ

Formé comme Leonard de Vinci auprès de Verrocchio, Pietro Vannucci sera une star de son époque, amené à peindre des fresques de la Chapelle Sixtine, le grand chantier prestigieux du moment ; son élève Raphaël y participera également. C'est un des artistes les plus prolifiques du moment, qui tenait en même temps deux ateliers : l'un à Perugia (Pérouse), la ville qui le fit citoyen d'honneur si bien qu'il en prit le nom, et l'autre à Florence, la ville des puissants Médicis qui suscitaient de nombreuses commandes.

C'est une peinture assez caractéristique, avec l'emploi d'une nuance de vert bien particulière, et des personnages qui se ressemblent toujours un peu, et qu'il semble avoir transmis à Raphaël.
Son originalité est dans le traitement de l'espace, généralement construit en profondeur, qui génère des rapports harmonieux avec les personnages.

Le Pérugin (Pietro Vannucci), L'Ascension du Christ, détail

Ici c'est une ville construite sur la colline, au bord du fleuve, qui apparaît dans des tonalités liquides et délicates à l'arrière-plan.

Le Pérugin (Pietro Vannucci), L'Ascension du Christ, détail
Le souci du réalisme n'est pas absent, comme ces touches de crasse sous les ongles, et la délicatesse de la représentation des végétaux.

Le Tintoret (Jacopo Robusti), Danae

Jacopo Robusti, nommé Tintoretto (petit teinturier) en référence au métier de son père, fut également un des peintres les plus productifs. Passionné par le clair-obscur, il réalisait des personnages de cire qu'il éclairait à la bougie pour composer ses tableaux. Dans son atelier vénitien, il était réputé peindre à une vitesse folle et fut chargé de commandes phénoménales, toute la série de peintures de la Scuola di San Rocco ou le Paradis du Palais des Doges, resté longtemps la plus grande peinture du monde.

Il a représenté ici Danaé, une jeune princesse enfermée par son papa dans une tour (ça ne vous rappelle rien ?), protection que Jupiter parvient à passer en se transformant en pluie d'or. Cette union donnera naissance à Persée, le vainqueur de la Gorgone Méduse.

La pluie d'or est devenue ici chute de pièces sur une jeune noble dans un palais Renaissance, où le luth et le petit chien suggèrent l'intimité. La jeune fille est potelée à la mode du temps, et s'écarte de la servante qui récupère des pièces dans son tablier. Pour moi, l'indice pour identifier le peintre est surtout la pourpre violacée des rideaux, une de ses teintes favorites.

Le Tintoret (Jacopo Robusti), Vierge à l'enfant et Saints

Relégués à gauche, la Vierge et l'Enfant semblent céder la préséance aux prestigieux saints qui les honorent : Saint Augustin, montré comme un évêque mitré, Sainte Catherine avec sa roue qui semble couronnée de son auréole, Saint Marc avec son lion (l'Evangéliste préféré à Venise) et Saint Jean Baptiste avec l'agneau.

Veronese (Paolo Cagliari), Bethsabée au bain

Né à Vérone (d'où son nom), Veronese devint lui aussi une célébrité vénitienne, après avoir été reconnu comme jeune prodige. C'est un très fin coloriste qui représente avec beaucoup de raffinement des scènes pleines de détails. Les Noces de Cana sont une de ses toiles les plus célèbres.

Le roi David, dans la Bible, tomba amoureux de Bethsabée, l'épouse d'Urie le Hittite. Ici c'est son messager qui vient dans un élégant palais déclarer la flamme du roi à la dame, prête à se rendre à son bain. Pas d'érotisme brûlant ici, limité au pied déchaussé et au sein dévoilé, alors que les peintres profitaient souvent du sujet pour montrer des femmes plus dévêtues, mais une construction très élaborée en deux espaces. Le messager immense impressionne la jeune dame, et un nu masculin à gauche ne laisse pas d'équivoque. La maîtrise spatiale montre combien Veronese avait assimilé les leçons de perspective.


Att. Veronese (Paolo Cagliari), L'Adoration des Mages

Un tableau non garanti, mais je comprends ce qui a facilité l'attribution à Veronese. Les Mages et le jeune Noir semblent tout droit sortis des Noces de Cana ! Peut-être l'œuvre d'un imitateur habile.
Composition presque sur un seul plan, avec des détails amusants comme le cheval de gauche qui dirige la tête hors champ, indifférent à la scène.

Veronese (Paolo Cagliari), Moïse sauvé des eaux

Même entourage de gentilshommes de la Renaissance et de leur suite fastueuse, avec un nain chargé des chiens. Tout le monde arbore de splendides tenues. C'est d'ailleurs sur la luxueuse robe de la fille de Pharaon que tombe la lumière, et malgré l'effet d'auréole créé avec l'arcade bien opportune d'un pont, je n'ai vu le héros de la scène, Baby Moïse, que dans un second temps.

Palma Vecchio (Jacopo Negretti), Portrait de femme

Moins connu, Palma Vecchio est tout de même une sacrée pointure de la peinture vénitienne. Que de beautés répandues dans les églises de sa ville d'adoption ! Beaucoup de scènes religieuses, évidemment, le gros des commandes pour les peintres de son temps, mais aussi d'excellents portraits, souvent restés anonymes.

Je trouve celui-ci extraordinaire, avec des dégradés d'une grande délicatesse, une maîtrise du clair-obscur, un crémeux de la pâte, et surtout une expression vraiment originale.

Gaudenzio Ferrari, Saint Paul en méditation

Voyage à Milan avec Ferrari qui a ici peint un tableau récapitulatif : à l'arrière, la conversion sur le chemin de Damas, le volume de ses Epîtres sur un pupitre précisément dépeint, et l'épée du martyre qu'on devine derrière son dos.


Palma Giovane (Jacopo Palma), La Flagellation

Petit-neveu de Palma Vecchio, le Jeune se rattache au maniérisme. Les deux ont un style bien différent, et le sien se reconnaît à un clair-obscur plus marqué, l'ombre devenant un noir d'encre, et globalement une palette plus froide et plus acidulée.

Je préfère largement son grand-oncle, même si on voit ici une bonne représentation avec la violence et le mouvement attendus.

Vincenzo Campi, Les Mangeurs de ricotta

Vincenzo Campi, peintre de Crémone, s'est illustré aussi bien dans des retables religieux, que dans une veine grotesque directement venue de la peinture flamande. Ici il s'inscrit dans ce genre des trognes, avec des personnages presque caricaturaux qui emplissent la toile jusqu'à l'asphyxier, et des couleurs complémentaires qui la font vibrer.

Guido Reni, L'Assomption

Avec Guido Reni, on sort déjà du cadre temporel de mon article, mais il me semblait difficile de le découper avant ce tableau. J'aime beaucoup ce peintre de Bologne et ses grands aplats, sa palette ocre et bleue, mais ici je suis plus surpris car ce tableau ressemble vraiment fort peu à ce que je connais le mieux de ses œuvres.

Francesco Furini, Saint Jean  Evangéliste

Très beau portrait en clair-obscur caravagesque, avec une cape rouge qui dynamise la toile. Le Florentin Furini avait travaillé auprès du Bernin et de Bartolomeo Manfredi, reconnu comme un héritier du style du Caravage.

Anonyme italien, Renaud et Armide

La Jérusalem délivrée du Tasse fut un des plus grands succès littéraires de l'histoire, dérivé en nombreux livrets d'opéra (Rinaldo et Armida, précisément, mais aussi le Combattimento di Tancredi e Clorinda) et une importante quantité de tableaux, particulièrement au XVIIe siècle.

Le livret offre aux peintres la possibilité de représenter une passion amoureuse, et ici le peintre inconnu a situé ce couple au miroir dans un paysage au chardonneret. Bien joli tableau en tout cas.

18 commentaires:

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