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dimanche 3 décembre 2017

Paris : Musée du Louvre, De la Maison des Morts (Opéra Bastille)



  Après une balade dans un Paris frigorifique, je retourne au Mesturet, ce restaurant proche de l'Opéra Comique où j'avais déjeuné l'an dernier.

Déjeuner au Mesturet



 



 J'hésite avec la poule au pot Henri IV, mais finalement je choisis le potage de courge bleue aux châtaignes, l'entrecôte bordelaise (très épaisse) et l'énorme Paris-Brest, sans amandes effilées mais avec une crème parfumée. 34, 50 € avec un verre de Beaujolais-Villages gouleyant à souhait.
Tout est vraiment bon, cela reste une excellente adresse.


 Je redescends vers le Louvre en voyant, au passage, de sidérantes affiches. Mais de quel roi parle-t-on ? Deux cent trente ans, ou presque, après la Révolution ?


Au Musée du Louvre



 J'entretiens avec ce musée un rapport assez particulier. C'est sans doute celui dans le monde que j'ai le plus arpenté, depuis trente-cinq ans. J'ai vu nombre de transformations et de nouveautés... Quand j'habitais Montargis, j'y allais tous les quinze jours. Cependant je n'y ai plus mis le pied depuis janvier 2016, il était temps de reprendre mes habitudes. Je vais donc rendre visite à une de mes collections favorites, les premières peintures italiennes.


 Depuis quelques années, je préfère explorer quelques salles vraiment à fond, en y restant trois ou quatre heures. Les peintures de cette partie sont sans doute parmi celles que je connais le mieux, mais l'observation attentive offre souvent de surprenantes découvertes. Direction donc l'escalier de la Victoire de Samothrace, toute pimpante depuis la minutieuse restauration.


L'Italie commence à gauche, dans ces superbes salles soigneusement éclairées.


 Ce n'est pas une œuvre inconnue, mais j'ai beaucoup de tendresse pour ces fresques de la Villa Lemmi ; scène énigmatique (on ne sait pas vraiment qui sont ces demoiselles) où éclate la grâce de Botticelli.


 Le fameux Calvaire de Fra Angelico. On a vu des personnages plus douloureux mais cette ténèbre épaisse reste une belle idée picturale.


 Bernardino Luini, l'Adoration des Mages. Spatialisation rigoureuse et grande douceur des expressions dans une lumière apaisante.


 Ce n'est pas le Giotto le plus connu de la salle , mais j'ai toujours beaucoup aimé ce crucifix tellement expressif du maître florentin. Le pélican au sommet est un symbole christique (il régurgite ses aliments pour nourrir ses enfants, image eucharistique).


J'adore tout Fra Angelico, je crois. Sa palette m'enchante, c'est une peinture baignée par la grâce.  Le bleu Fra Angelico est sans doute une de mes couleurs préférées. Expérimentation d'un nouveau format, ici.


 Les fleurs sur la coiffure semblent une coupe de sorbets !


 Fra Filippo Lippi, la Pala Barbadori. Le moine accoudé à gauche serait un autoportrait.


Alesso Baldovinetti n'est pas le peintre florentin le plus célèbre mais c'est souvent un peintre talentueux, capable d'insuffler de la délicatesse à ses personnages. En outre, ici, une intéressante tentative de sortie hors du cadre.


Fra Diamante, une Nativité assez proche de celle de Botticelli des Offices.


 Un Botticelli, justement, assez sévère, avec une expression presque morose qui m'a toujours fasciné. Une pose entre deux cadres.


 Une Vierge, très belle comme toujours chez Botticelli, dans une scène de maternité tendre.


 Très singulier portrait de groupe des célébrités florentines. Les noms ont été ajoutés tardivement et on ne sait même pas si l'identification est bonne. En fait, on ne sait pas grand-chose de cette curieuse bande au format de prédelle.


Cette Extase de Saint Jérôme, maintenant attribuée à Luca Signorelli, me semble une des plus extraordinaires représentations du thème. C'est finalement assez rare de le peindre ainsi comme un vieillard décharné, et l'artiste a fait un sacré travail pour montrer le visage tourné vers le haut. La masse corporelle qui prend toute la place donne une force considérable.


Originale adaptation du mythe d'Apollon et Marsyas, un concours de musique.


 Sano di Pietro, La Flagellation de Saint Jérôme (celui-ci rêvant que c'est le Christ qui l'a ordonnée). Le décor presque abstrait, la fraîcheur de la palette ont dû en surprendre plus d'un.


Aux dernières nouvelles, on ne sait toujours pas si c'est bien Léonard de Vinci qui a peint cette Annonciation au format inusité. La Vierge semble parente avec la Joconde, mais ce n'est pas une preuve. J'aime beaucoup ce lieu ouvert/fermé et le petit bout de paysage.


 Ce minuscule bout de retable de Pisellino a toujours eu mes faveurs. Je connais peu de stigmatisations de Saint François aussi efficaces. La force de ces arêtes de rocher acérées comme des lames, le moine effondré, la lumière qu'on sent aveuglante... Économie de moyens, maîtrise de l'artiste. Ouah !


 Il m'a fallu un épisode de la regrettée série d'Arte Palettes pour que je m'intéresse vraiment à Sassetta et à l'histoire de son polyptyque en morceaux. Ce morceau, c'est Ranieri, le bienheureux supersonique (on dirait un nuage de réaction de bande dessinée) qui provoque l'évasion de prisonniers, façon Houdini.


Gentile da Fabriano, Présentation au temple. Improbable décor, à la manière d'un diorama, de maisons en Lego, mais une vibrante palette avec de riches oppositions. Tout le monde s'arrête toujours devant ce minuscule panneau.


 J'apprécie inégalement Cosmé Tura et ses figures anguleuses mais ici, ce sculptural Saint Antoine de Padoue ne manque pas d'allure.


 Ça, c'est selon moi un des chefs-d’œuvre de cette période. Peintre inconnu, mais artiste incroyablement doué qui réussit aussi bien sa perspective, façon Lorenzetti, que le mouvement des anges rebelles attirés vers les enfers ou ces incroyables démons noirs, une sacrée idée picturale. Je me demande si les détraqueurs de Harry Potter ne tirent pas leur inspiration de cette œuvre !


 Le merveilleux Portement de Croix de Simone Martini, en pleine expansion du Gothique international. La foule semble littéralement se déverser de la forteresse...


 Quelle force tranquille, ce Saint Pierre de Lippo Memmi !


 Mantegna, un groupe avec la Vierge. Le décor enchanteur rappelle les superbes peintures de Mantoue.


 J'ai vraiment découvert Ghirlandaio en travaillant les fresques de Santa Maria Novella pour un guidage, il y a vingt ans, et j'ai regardé d'un œil neuf ce peintre attachant et souvent expérimentateur. Ce tendre groupe entre un papy défiguré et un fiston plein d'innocence m'a toujours évoqué L'Art d'être grand-père de Victor Hugo.


Bartolomeo di Giovanni, Les Noces de Tetis et de Pelée ; un devant de coffre créatif (les dragons qui tirent les chars célestes, c'est de l'heroic fantasy avant l'heure !)


 Portement de croix par Biagio di Antonio. Un panneau que je découvre vraiment aujourd'hui. Je l'avais toujours trouvé figé, et basta ! Aujourd'hui, je constate que les effets de groupe sont intéressants (les casques notamment), et que ce poing levé suffit  à dynamiser l'ensemble.


 Antonello da Messina. Le plus beau Christ à la Colonne que je connaisse. De toute façon, tout est bon chez Antonello...


 Ecce Homo par Montagna. Etonnante représentation d'un Christ bad boy.


 Bellini, c'est vraiment un des magiciens de l'histoire de l'art, toujours en recherche, toujours capable de surprendre le spectateur. Ce Christ bénissant aux yeux de junkie m'a toujours impressionné. On y voit l'influence de van der Weyden, un autre génie, venu du Nord celui-là.


 Un autre Bellini ; scène traditionnelle renouvelée par des expressions peu courantes. On a l'impression d'un enfant faisant ses premiers pas, et d'une mère absente, comme préoccupée par le sombre avenir. En fait, chacun exprime ici un sentiment ou une émotion différente.



 Braccesco, un triptyque avec Annonciation qui m'a toujours fait rire. On dirait que la Vierge essaie de se protéger de l'atterrissage non maîtrisé d'un ange-pilote inexpérimenté.


 Je ne sais pourquoi, dans ce groupe de Marmitta (c'est vraiment le nom du peintre), je me suis jusqu'à présent fixé sur le Saint Benoît, à gauche, avec sa tête de skinhead. Aujourd'hui, je remarque pour la première fois une délicate composition de plantes à la Dürer, au premier plan.



 Antinoüs. Pas possible ! Il n'a pas du tout son air habituel.


 Toujours impressionnant, ce Saint Jean Baptiste de Léonard de Vinci. Sans doute le tableau où il a poussé le sfumato le plus loin. Troublant, païen, presque érotique. Après des années d'observation, je vois la croix, mais je n'arrive toujours pas à distinguer la fameuse peau de panthère !


Vittore Carpaccio, La Prédication de Saint Etienne à Jerusalem. Avant d'être de la viande découpée, Carpaccio, c'était un peintre vénitien bouillonnant d'imagination.


Incroyable comme ce profil semble actuel...


 Un très curieux tableau grisâtre, obscur, sans concession. Une des plus étranges expériences picturales de Lorenzo Lotto, un de mes peintres favoris.


Vincenzo Catena, Portrait de Trissino (le premier tragédien italien). Il y a comme un air de parenté avec le merveilleux Baldassare Castiglione de Raphaël.


 Gianpietrino, La Mort de Cléopâtre. Érotisme brûlant sous couvert d'Antiquité.


La Vierge à la Balance. Peintre inconnu (tableau acheté par Louis XIV comme un Léonard de Vinci), mais présence incongrue de cette fameuse balance.


 Véronèse, Crucifixion. Présentation en diagonale, pleureuse fantomatique qui tire le regard. Construction pyramidale qui le remonte vers le Christ... Un tableau extraordinaire !


 Paris Bordone, toujours excellent portraitiste.


 Prodigieuse Flagellation du Titien. Tout est fait pour ressentir la douleur. La tension du corps du Christ qui résiste au tournoiement des bourreaux, ces lances qui structurent la composition... On sent tellement l'effort de celui de droite. Et cet effet des marches d'escalier, on a l'impression que tous risquent de tomber sur nous. Pourtant, bien peu de spectateurs pour ce chef-d’œuvre. La Joconde capte toute l'attention de la salle.


Difficile de s'approcher... La Joconde demeure la star du Louvre !

Jacopo Bassano, peintre de tableaux obscurs et violemment contrastés, a souvent mis ses deux chiens dans ses tableaux. Ici ils sont le sujet même de sa toile. Peut-être le premier portrait canin de l'histoire !


 Titien, une Mise au tombeau d'un dramatisme inouï, avec un Christ livide et sans visage. 


 Titien, L'Homme au gant. L'invention du portrait psychologique. Très différent de celui de la collection Thyssen.


Un dernier Titien ! Les Pélerins d'Emmaus.


J'ai beaucoup d'affection pour Lorenzo Lotto, ce peintre souvent malheureux mais à la peinture sensible et inventive. Superbe portement de croix, incroyablement cadré, avec ce personnage à gauche qui tente de voir. La signature sur la croix est placée de telle sorte que seul le Christ peut la lire.


Autre chef-d'œuvre du même, dans des couleurs étourdissantes.


Les Noces de Cana de Veronese, un des musts du Louvre. Le peintre s'y  est représenté parmi ses copains artistes.



Fra Bartolommeo, excellent dessinateur (inventeur du paysage en peinture) était aussi un remarquable coloriste.


J'aurais pu retenir un Raphaël plus célèbre, mais j'ai toujours adoré cette représentation de super-héros terrassant un monstre de BD !


Tondo d'Andrea del Sarto. Toujours du mystère dans ces regards cernés.


Je sors fourbu mais heureux, passant par la Galerie encore décorée de pyramides.

Petite promenade par la rue de Rivoli illuminée.



De la Maison des Morts (Z Mrtve ho Domu) à l'Opéra Bastille






 J'ai eu la chance de voir deux fois ce spectacle mythique, à Vienne et au Festival d'Aix, avec le duo légendaire (Boulez et Chéreau, les artisans d'un fameux Ring de Bayreuth) que Stéphane Lissner avait réussi à rassembler. Toutes les représentations de cette Maison des Morts m'ont laissé un fort souvenir, depuis ma découverte à l'Opéra Comique en 1988, mais cette production reste un vrai miracle. Bien plus  que l'étrange réalisation du Staatsoper de Vienne (ma dernière vision de cet opéra).


La mise en scène de Patrice Chéreau reste incroyable de fluidité, d'intelligence, de force.

Lissner a tenu à reconstituer, autant que faire se peut, l'équipe de la création. Certains sont hors d'âge (Zednik, pourtant initialement programmé), certains sont disparus (Boulez, que remplace un génial Esa-Pekka Salonen, justement applaudi par un orchestre en état de grâce).
A vrai dire, confronter certains à leur ombre d'il y a dix ans est cruel, mais on sent une telle conviction, presque une ferveur, à rejouer ce spectacle où la troupe est tellement plus  importante que les individus, qu'on demeure saisi. En outre, les petits nouveaux, comme l'émouvant Ladislav Elgr ou le vétéran Graham Clark, toujours  impeccable, sont intégrés comme s'ils avaient toujours fait partie de la bande.

Toujours plein d'émotion, le Goriantchikov de Willard White et l'Alieïa d’Eric Stoklossa.
Les Filka Morosov de Štefan Margita, le grand prisonnier de Peter Straka font honneur à l'école tchèque, deux vétérans à la belle carrière, ainsi que le petit prisonnier de Vladimir Chmelo et l'impressionnant commandant de Jiři Sulženko.


Dans l'équipe tchèque, de très convaincus Tchekounov de Ján Galla (je l'ai vu il y a trente ans en Grand Inquisiteur !), le prisonnier ivre de Tomáš Krejčiřík et le cuisinier / forgeron de Martin Bárta.  Susannah Haberfeld, la fille de Gwyneth Jones, joue toujours la Prostituée,  tandis qu'Aleš Jenis s'investit en extraordinaire prisonnier acteur.


Tout aussi convaincus, le Kedril de Marian Pavlovič, le Chapkin percutant de Peter Hoare, l'excellent Chiskov de Peter Mattei et le Tcherevine d’Andreas Conrad.

Soirée inoubliable. Sans doute une des plus éclatantes réussites de la décennie ! 

6 commentaires:

  1. Quel.bonheur de comtenpler ces magnifiques tableaux avec un guide
    Érudit. Mille précis.
    Plus un opéra hors du commun mais combien attachant.
    Bisous.

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    1. Merci beaucoup pour ce très élogieux commentaire !

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    2. Awesome pictures and you are a pleasant guide!
      Annie

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    3. Thanks again for this double review!

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  2. Wonderful paintings with an amazing guide. Many discoveries with you. I love this post!
    Best, Annie

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