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vendredi 15 février 2019

New York : exposition Lucio Fontana, Met Breuer




Le nom de Lucio Fontana n'est pas inconnu pour qui fréquente les expositions d'art. L'artiste italien (mais né en Argentine) est bien représenté dans les musées avec ses cuts, des toiles monochromes fendues.

Beaucoup considèrent que c'est de l'art facile et ne s'y arrêtent guère. Pour ma part, j'ai toujours été saisi par la force expressive  de ces œuvres, mais je ne connais que ce pan-là de sa production. Je n'ai encore jamais vu de rétrospective Fontana, je suis ravi d'en découvrir une.

Me voici donc au Met Breuer, cette annexe du Metropolitan Museum, et je grimpe au cinquième étage pour commencer la visite.



Spatial Environment in red



Cette installation a été présentée en 1967 au Stedelijk Museum. C'est une structure architecturale divisée en couloirs, aux murs rouges vivement éclairés au néon rouge.


L'enjeu est de faire perdre au visiteur ses repères spatiaux, d'abolir même la notion de mur.

C'est une étrange expérience sensorielle. A l'intérieur, on finit par ne plus très bien savoir où on est et on se demande comment percevoir les choses.



Premières sculptures

Lucio Fontana, Signorina seduta, 1934

Le papa avait fondé une entreprise de monuments funéraires et cette production pour les tombes nécessitait de nombreuses statues. C'est donc naturellement que le petit Lucio se forma dans ce cercle familial, en Argentine. Il ne travailla sa première toile qu'à l'âge de vingt et un ans !

Lucio Fontana, Têtes (1931-1952)
Ce qui est frappant, c'est de voir la recherche constante de cet artiste, alors que sa réputation parmi beaucoup de visiteurs est qu'il "fait toujours la même chose".

Lucio Fontana, Atleta in attesa, 1932

Surfaces travaillées et utilisation judicieuse d'une couleur radicale dans ce plâtre peint.


Fontana, à ce moment, semble inspiré par des formes végétales.

Lucio Fontana, Guerrieri, 1949

Dans cet après-guerre, la thématique ne surprend pas. La manière vigoureuse, qui cherche le relief plus que la ligne, montre une vraie personnalité.


Expérimentations dans toutes les directions.

Lucio Fontana, La Silla barocca, 1946

Je pense que sa maîtrise aurait suffi à lui garantir un avenir dans ce domaine.

Toiles perforées



La première idée était de fabriquer un écran placé devant une source lumineuse. Mais Fontana constata que sa réalisation fonctionnait en elle-même et ouvrait des voies.

A partir de là, inutile que j'ajoute des légendes. Toutes les œuvres s'intitulent Concetto Spaziale, Concept Spatial. Pas de numéro, rien. Bon courage aux chercheurs qui établissent le catalogue raisonné !



Le travail du support est une quête permanente. Fontana tente papier, carton, métal, céramique, tout ce qui peut renouveler son travail.



Une rencontre à Venise avec des verriers lui donne l'idée d'insérer des rebuts de verre dans les trous opérés.





L'agrandissement de ces trous est sans doute l'étape préparatoire à son travail emblématique.

Les cuts


En 1958, Fontana eut l'idée de donner un coup de canif a une toile, et d'écarter cette fente pour la révéler. Immédiatement la base de la technique était en place.

Par la suite, il la perfectionna : il peignait avec des matériaux divers (c'est incroyable la variété utilisée, huile, acrylique, aniline, tempera, gouache…) le support qu'il fendait sur le champ. Une fois la couleur sèche, il retravaillait la fente. Ultérieurement il recouvrit les faces antérieures de gaze noire pour la mettre en valeur.

Dans cette Italie encore marquée par la guerre, où les menaces (guerre froide, missiles) inquiétaient l'artiste, ce recours à une lame pour infliger une blessure à la toile, le symbole même de la peinture, produisit un effet retentissant.

Artistiquement, on n'oubliait pas le fait qu'ainsi, il développait en trois dimensions un objet jusque-là essentiellement cantonné à deux. Une étape fondamentale.

Personnellement, je suis toujours troublé par ces œuvres, qui me semblent à la fois évidentes et mystérieuses, parfois érotiques, toujours sensuelles.


Ici je suis frappé par la recherche permanente ; outre la variété des matières, je vois des essais dans tous les sens : forme des toiles, possibilités du polyptyque, mise en résonnance de plusieurs fentes.








Une série de toiles blanches (ça me fait toujours penser à Art de Yasmina Reza !) concentre la recherche sur les seules fentes.






En polyptyque, les rapports s'établissent avec les formes et les supports.


Quelques dessins et encres viennent se glisser au milieu. C'est une bonne idée de montrer différentes facettes, mais ces travaux-là me paraissent bien plus banals.



Métal et céramique



Comme si un souvenir remontait à la surface, les matériaux des débuts reviennent pour être testés dans ces nouveaux champs de recherche.




Enorme pièce qui occupe tout un mur, d'une fascinante beauté sauvage.




Une dernière installation lumineuse dans une pièce noire. Tout un pan de l'art qui ne demande qu'à être exploré. Beaucoup l'ont fait après lui !

10 commentaires:

  1. I only knew the cuts. His sculptures are gorgeous.
    Awesome post!
    Annie

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  2. Je partage votre intérêt pour cet artiste majeur, et n'ai bien du mal à en convaincre mes proches ! Je vais tenter de les convaincre avec votre article, aussi intelligent que passionnant.
    Pierre

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    1. Merci très sincèrement pour tous ces compliments ! Et pour votre fidélité!

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  3. Outstanding post! Fontana is a main master of XXth century art.
    Thanks for your good work.

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    1. Thanks a lot dear Anonymous, it is a very kind feedback!

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  4. Great! Captivating post. Fontana is a major artist.

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  5. Very inspiring! Fontana's cuts are a major revolution. Thanks for this great post, with first-quality texts.

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