New York : Exposition Maîtres des Pays-Bas (Metropolitan Museum)

J'adore cette peinture-là et j'étais ravi qu'une semblable exposition  ait lieu pendant mon séjour ! En plus, remplie de tous les grands noms. Je suis loin d'avoir tout montré ici, l'exposition s'avérant d'une grande richesse. Mais je me suis vraiment régalé !

Nobles sujets

Dans la continuité de la peinture européenne, on retrouve ici sujets antiques et bibliques.

Gerard de Lairesse, Apollon et Aurore

Un peintre largement oublié, qui recherchait avant tout la beauté en peinture. Il déclarait que Rembrandt peignait avec de la boue !

Paulus Bor, La déception de Médée

Médée abandonnée par Jason, avant la suite terrifiante, c'est déjà un bon sujet historique pour dépeindre la désillusion, voire le chagrin. L'autel à l'arrière-plan est peint avec luxe de détails.

Rembrandt, Bellona

La déesse romaine de la guerre montrée comme une femme de son temps, avec la gamme de gris que Rembrandt sait parfaitement maîtriser.

Rembrandt, La toilette de Bethsabée

Histoire biblique de la femme d'Urie le Hittite dont le roi David tombe amoureux, occasion pour les peintres de montrer la nudité. Après Véronèse, voici un fameux Rembrandt, avec un savant traitement de l'ombre et de la lumière, qui dose toujours ce qu'on montre et ce qu'on fait deviner. Et ce qu'on tient caché, parfois.

Natures mortes

Un des grands domaines de cette peinture, qui établit le sujet comme un genre à part entière
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Margareta Haverman, Vase de fleurs

Les femmes peintres ont, comme dans d'autres domaines, toujours dû se battre. La tâche n'était pas faciles pour elles car elles étaient écartées de la plupart des ateliers traditionnels pour ne pas voir la nudité des modèles. Les Néerlandaises se spécialisèrent souvent dans la nature morte.

Abraham van Beyeren, Nature morte

Van Beyeren fait partie de ces excellents techniciens qui excellent à rendre des surfaces. Le verre cassé, en prime, c'est une indication de vanité : une peinture qui invite à réfléchir sur la mort.

Hendrik Sorgh, Une Cuisine

Un tableau à secret : en observant bien, on voit le chat qui rapine en bas, la cage vide avec l'oiseau envolé, et, dans l'ombre près de la cheminée, deux amoureux qui s'embrassent.

Willem Kalf, Nature morte

Un vrai maître du genre, qui sait parfaitement reproduire textures et surfaces. Ici les produits d'importation (tapis de Turquie, porcelaine de Chine, citron exotique) illustrent la prospérité d'un pays alimenté par la florissante Compagnie des Indes.

Willem Claesz Heda, Nature morte

J'aime énormément Heda et je trouve que c'est un artiste assez facile à identifier avec presque toujours le beukelaer, ce verre caractéristique, et un fond en dégradé d'ocre-gris, inimitable.

Pieter Claesz, Nature morte au crâne

Voilà une vanité sans ambiguïté. Attention, la vie est brève !

Scènes d'intérieur

Un grand classique, un des apports majeurs de la peinture des Pays-Bas dans l'univers thématique. On ne représente plus seulement les dieux antiques, les saints ou les rois, mais les gens, et même leurs serviteurs.

Pieter de Hooch, Un moment agréable

Un très grand. Ici la scène (avec un arrière-plan significatif) se déroule dans un luxueux intérieur revêtu de panneaux de cuir, comme on peut en voir dans la maison de Rubens, à Anvers.

Pieter de Hooch, La Visite

J'ai cru d'abord à un Vermeer avec cette composition près de la fenêtre et la carte sur le mur.

Pieter de Hooch, Jeune couple dans un intérieur

Cette lumière qui tombe dans un intérieur qui s'ouvre sur d'autres pièces, c'est bien la marque de Pieter de Hooch.

Johannes Vermeer, Jeune femme au pichet

Celui-ci est bien un Vermeer, mais le tableau est si réputé qu'on n'a aucun mérite dans l'identification. Moi, ce qui m'a toujours fasciné dans celui-ci, c'est l'équilibre des couleurs, et particulièrement l'intensité des bleus de lapis.

Johannes Vermeer, Jeune femme

Un de ses deux portraits les plus universellement connus, avec la Jeune fille à la perle du Mauristhuis. Ce regard qui accroche le visiteur est incroyablement vivant. Je pense aussi que ce grand front attire l'œil.

Gerard Ter Borch, Curiosité

Ter Borch, je le reconnais dans ces tableaux-là avec le satin brillant. Ces peintures de femmes qui écrivent montrent combien l'éducation féminine était bien plus en avance dans les contrées du Nord.

Gerard Ter Borch, Femme au théorbe avec un cavalier

Petit concert entre amoureux. Les recueils de chansons d'amour (on voit une partition sur la table recouverte d'un tapis) étaient un cadeau signifiant !

Gabriel Metsu, Une fête en musique

Même genre que le précédent mais avec l'idée que plus on est de fous…
Il paraît que le chauffe-pied était un symbole érotique.

Rembrandt, Hendrickje Stoffels

Rembrandt peignit souvent sa gouvernante. Ils eurent également une fille ensemble !

Nicolaes Maes, L'éplucheuse de pommes

Maes est célèbre pour avoir apporté de la noblesse aux servantes, en les représentant comme des dames dans leur intérieur.

Johannes Vermeer, La Servante endormie

Certes, la servante est endormie près d'un verre de vin, mais la fabuleuse exploration par le rare peintre (une quarantaine de toiles, c'est tout) des couleurs, des textures, de la lumière, va bien au-delà de la leçon de morale. Un tableau captivant.

Nicolaes Maes, La Dentellière

Superbe représentation tranquilles d'un intérieur actif. Le tableau documente en outre la chaise d'enfant.

Gerard Ter Borch, Jeune femme à sa toilette

Je retrouve le fameux satin, peint avec virtuosité comme les différentes textures qui apparaissent ici. Tout comme Rembrandt qui utilisa les femmes de sa vie comme modèles, Ter Borch représenta souvent sa sœur Gesina qui fit carrière en tant que poétesse.

Les portraits

Rembrandt, Aristote avec le buste d'Homère

Un de ces extraordinaires tableaux où Rembrandt semble peindre avec de la lumière dorée. Le médaillon montre le portrait de l'élève d'Aristote, Alexandre le Grand.

Thomas de Kayser, Un musicien et sa fille

Très étonnant, par l'aspect instantané de la scène et le luxe des vêtements. Kayser était célèbre pour les représentations en perspective, comme ici l'étui du luth, peint avec virtuosité.

Gerard Ter Borch, La Famille van Moerkerken

C'est un bien curieux tableau que ce portrait de famille, les cousins de Ter Borch, à la composition inusitée, qu'anime le mouvement du père.

Gerard Ter Borch, Jan van Duren et Margareta van Haexbergen

Deux portraits bien compassés, cette fois. Le cartel m'apprend qu'on y voit l'influence de Velázquez, sans doute diffusé dans les Flandres possédées par l'Espagne (on se rappelle Don Carlos !).

Frans Hals, Paulus Verschuur

La peinture de Hals diffère beaucoup entre les portraits de commande et les scènes libres, mais sa touche rapide ne manque jamais à l'appel.

Johannes Verspronck, Portrait d'un inconnu

Le nom de ce peintre ne m'éveille pas de souvenir, mais c'est tout de même un magnifique portrait.

Rembrandt, Portrait d'un inconnu

Les portraits officiels de Rembrandt ont toujours des points communs, et surtout ce fond gris qui me rappelle celui si cher à Heda.

Rembrandt, Herman Doomer

Portrait très soigné et extrêmement fini, très vivant.

Rembrandt, L'homme à la loupe

Très beau portrait avec un costume étrange, très différent de ce qu'on voit sur les portraits de l'époque, comme si ce monsieur était déguisé.

Rembrandt, Femme à l'œillet

L'œillet, symbole d'amour et de mariage…

La religion

Michiel Sweerts, Vêtir ceux qui sont nus

Une des actions de charité, représentée ici avec beaucoup d'économie puisque la scène est réduite à deux personnages.

Jacob Jordaens, L'Adoration des Bergers

Les personnages semblent se serrer pour entrer dans le cadre, ce qui apporte une intimité inhabituelle  à la scène classique.

Samuel van Hoogstraten, L'Annonciation de la mort de la Vierge

Magnifique tableau d'un remarquable artiste. L'ange semble émerger de la pénombre.

Johannes Vermeer, Allégorie de la Foi catholique

Un tableau religieux, bourré de symboles, de la part d'un peintre converti au catholicisme. Le décor ferait référence aux églises secrètes, comme la fameuse "église dans le grenier" à Amsterdam.

Hendrik van Vliet, Intérieur de la Oude Kerk à Delft

Emanuel de Witte, Intérieur de la Oude Kerk à Delft

Intéressante comparaison entre deux bons peintres travaillant sur le même sujet. Outre cela, on est toujours surpris par ces églises sans bancs, où traînent des chiens, où parfois des gens dorment…

Paysages

Simon de Vlieger, Mer calme

Les vues de paysages néerlandaises semblent toujours se référer à un modèle unique, avec un horizon très bas et un ciel qui occupe la toile.

Salomon van Ruysdael, L'épluchage de l'anguille

Le sujet est au centre : l'anguille est suspendue et un jeune garçon tire sur sa peau. Occasion de dépeindre une pittoresque scène de village.

Jan van Goyen, Château au bord de la rivière

Un grand maître du paysage, remarquable dessinateur.

Frans Post, Paysage du Brésil

Les Pays-Bas maintinrent, pendant une vingtaine d'années, une colonie au Brésil. Post fut missionné par le gouverneur pour peindre ce nouveau monde.

Jacob van Ruysdael, Champs de blé

Exemple de ces effets de lumière qui rendirent Ruysdael célèbre.

Meyndert Hobbema, Paysage

Un très grand paysagiste, que je trouve toujours différent de ses pairs. Il me semble toujours plus en avance que les autres dans sa touche, comme s'il préparait les innovations à venir (Constable, l'école de Barbizon).

Aelbert Cuyp, Bergers

Je croyais que c'était un Paulus Potter, le peintre des vaches. Raté ! D'ailleurs, ce n'est pas dans ce genre-là que je connais le mieux Cuyp.

Aelbert Cuyp, Cornelis et Michiel Pompe von Meerdervoort avec leur tuteur et un serviteur

Je me  demande bien qui a eu l'idée de cette scène de deux jeunes nobles avec leur professeur ! C'est vraiment hors des canons habituels du genre.

Jan van der Heyden, Huis ten Bosch

Un peintre de jardins, souvent utilisé pour documenter l'horticulture dans les expositions.

Maîtres, élèves, rivaux

Jan Steen, Joyeuse compagnie sur la terrasse

Jan Steen, inimitable reporter de la vie paysanne, s'est aussi représenté dans des scènes peu flatteuses. Il paraît que l'expression "une maison comme Steen" indique encore un sacré foutoir !

Donc ici, incroyable mais vrai, la femme éméchée au centre est sa propre épouse. Lui-même, c'est le joyeux et rondelet personnage à gauche, en chemise jaune, avec un regard un peu idiot. L'acteur Hans Worst porte une saucisse sur la tête…

Jan Steen, La Maison dissolue

Les symboles suspendus indiquent une issue misérable, la sébille de mendiant et le jeu de cartes.

Frans Hals, Fêtards à Shrovetide

Shrovetide, c'était le Mardi gras au Pays-Bas. L'acteur Hans Worst est à nouveau de la fête, toujours avec la saucisse sur la tête.

Frans Hals, Couple dans une auberge

On est bien loin des familles respectueuses du début de l'exposition ! Les joues rouges dénoncent les buveurs…

Peter Wtewael, Scène de cuisine

Autre peintre que je connais pas, mais je trouve sa scène de séduction, dépeinte avec franchise, extrêmement réaliste. Tableau extrêmement bien composé, très soigné dans les textures, au demeurant.

Rembrandt, Autoportrait

Le sujet de toute la vie de Rembrandt, sans cesse remis sur le chevalet. Magnifique exemplaire, ici.

Gerrit Dou, Autoportrait

Un des plus grands techniciens de l'époque, incroyablement habile dans la représentation des textures. Ce n'est pas pour rien qu'on voit tant d'objets ici, le peintre fait sa promo !

Suiveur de Rembrandt, Portrait d'homme

Aux dernières nouvelles, ce tableau aurait été enlevé à Rembrandt, les surfaces ne révélant pas sa pâte. Je me serais bien trompé aussi, car il me paraît très convaincant. Je trouve même des ressemblances entre ce jeune homme et Titus, le fils de Rembrandt.

Rembrandt, Flora

Flora, peut-être, mais sûrement Saskia, la femme de Rembrandt et un de ses modèles préférés.

Govert Flinck, L'homme au chapeau de velours

Splendide portrait d'un virtuose, élève de Rembrandt.

Nicolaes Maes, Abraham bannissant Hagar et Ismael

Maes, élève de Rembrandt, s'est illustré dans un sujet traité par son maître. J'apprends que c'est le plus ancien tableau connu de Maes.

Rembrandt, Gérard de Lairesse

Rembrandt a donc fait le portrait de ce jeune homme qui répandait des commentaires peu flatteurs sur son compte. Lairesse avait contracté la syphilis qui l'avait défiguré.

Vraiment une extraordinaire exposition, pleine de chefs-d'œuvre !