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mercredi 22 juin 2016

29/05/2016 à Paris : Marquet et Modersohn-Becker au Musée d'art moderne, Lear à l'Opéra Garnier


Le temps est encore hésitant mais ce n'est pas grave, je vais passer l'essentiel de ma journée  à l'abri. Une dose de viennoiseries de la rue Oberkampf, un café pris en vitesse dans la brasserie Métro Café, et je m'engouffre dans le métro pour rejoindre le Musée d'Art Moderne. En fait, je ne sais pourquoi, je me suis mis dans la tête que j'allais au Petit Palais. Pas de Marquet là-bas. Heureusement, l'adresse véritable n'est pas loin et j'arrive au lieu dit dans les délais convenables : les entrées précisent une heure fixe et sont valables une demi-heure, pas question de lambiner.



 Marquet au Musée d'Art Moderne


Je suis très heureux de voir une rétrospective Marquet. Pendant des années, je trouvais que c'était un peintre assez monocorde, qui peignait toujours des quais avec des bateaux grisâtres. Puis j'ai vu des toiles plus colorées, des jardins ensoleillés et je m'y suis intéressé davantage. Du coup, retournant vers les tableaux de quais, j'ai réalisé qu'il s'agissait davantage de variations sur un motif donné (un peu comme la Cathédrale de Rouen pour Monet ou la Sainte-Victoire pour Cézanne). L'évolution est assez intéressante pour un peintre si précocement doué, et qui explore une palette large, depuis l'explosion fauve jusqu'à l'épure de certains tableaux de neige.
Toujours une grande maîtrise des aplats, un sens aigu de la composition, ce qui se vérifie dans l'expo. J'apprends davantage de détails biographiques avec les panneaux informatifs : sa vie nomade aux multiples voyages, ses mois passés à Marseille, sa vie à Alger où il se réfugie pendant la guerre. Sa proximité avec Matisse, une amitié d'une vie. L'exposition n'est pas énorme, mais bien faite, et les commentaires me semblent pertinents sans être envahissants. Quelques toiles de plus ne m'auraient pas déplu...


















Modersohn-Becker au Musée d'Art Moderne

J'ai réservé aussi pour l'autre expo dans le même bâtiment, une rétrospective de Paula Modersohn-Becker. J'ai vu plusieurs de ses tableaux en Allemagne, les ai trouvés à chaque fois intéressants, et me suis étonné que son œuvre soit inconnue en France. Cela dit, c'est le cas d'une foule de peintres allemands. Une visite au musée allemand de Berlin suffit à convaincre quiconque !
C'est donc sa première rétrospective en France, qui montre à la fois les influences des peintres qu'elle admirait et avait découverts à Paris, mais aussi la force d'un art qui annonce l'expressionnisme par beaucoup d'aspects. Ses nombreux autoportraits révèlent son regard sans complaisance et sa personnalité, et une sensibilité à fleur de peau.

Encore une exposition bien faite, construite chronologiquement et thématiquement, qui permettra à beaucoup de découvrir une grande artiste.








Déjeuner dominical

Je me dépêche pour retrouver un ancien compagnon de voyage, avec qui je déjeune dans un restaurant asiatique de la rue Sainte-Anne pour une bouchée de pain : gyoza croustillants et nouilles sautées au calamar.







 Comme toujours entre passionnés de voyages, il y a beaucoup à raconter, mais je me dépêche car je vais à l'Opéra Garnier à 14.30 pour le dernier spectacle de mon abonnement.

 Lear à l'Opéra Garnier

Encore un motif de satisfaction, c'est un opéra que je n'ai encore jamais vu, Lear de Reimann. Je connais l'ancien enregistrement avec Fischer-Dieskau et Varady et la force de cette musique m'a toujours conquis. J'ai souvent vu la pièce de Shakespeare (et dans plusieurs langues !) que j'apprécie beaucoup. Mais pour l'opéra, c'est donc ma première représentation.
Je ne l'oublierai pas de sitôt. Comme toujours, c'est en direct que la force de la musique ressort le plus. Et, cette œuvre encore récente (créée dans les années 70) crie son désespoir, hurle sa douleur, affiche sa violence. Fabio Luisi, que je n'apprécie pas toujours, fait bien ressortir les fameux clusters mais aussi révèle le profond lyrisme de cette musique. Et surtout, il soutient en permanence les chanteurs, leur laissant toujours une place quand la musique rugit.


Et quels chanteurs ! Stéphane Lissner a rassemblé un plateau de haut vol, avec des artistes plus ou moins célèbres mais tous remarquables.
Les femmes : Erika Sunnegardh, qui s'empare de Regan avec aisance (j'ai gardé un fort souvenir de sa Lady Macbeth viennoise) côtoie Annette Dasch, une lyrique Cordelia, et une grandiose Ricarda Merbeth qui se jette à corps perdu dans Goneril. Immense performance de chant et de théâtre. Je l'ai beaucoup entendue depuis une quinzaine d'années, ai suivi son évolution intelligente avec intérêt (depuis la Contessa des Nozze jusqu'à Krysothemis et Senta, en passant par Daphne, la Marschallin, Leonore, des rôles où elle s'est toujours montrée exceptionnelle) mais je pense qu'elle a franchi une autre étape avec ce rôle. Une future Rysanek ?












Presque autant de talent chez les hommes : si Gidon Saks, le roi de France, est bien sans plus, Andreas Scheibner incarne un Albany revenu de toutes ses illusions ; Michael Colvin, Cornouailles, est aussi engagé que Kor-Jan Dusseljee, Kent. Lauri Vasar, Gloucester, est lui aussi de mieux en mieux à chaque fois (je l'ai découvert dans des seconds rôles à Barcelona dans les années 2000 et il n'a cessé de prendre de l'assurance) ; Andreas Conrad campe un vrai Edmund de théâtre et se sort avec les honneurs d'une partition impossible. Andrew Watts est un Edgar extraordinaire, et la beauté de sa voix de contreténor lui vaut un triomphe aux saluts. C'est incompréhensible qu'un artiste de cette qualité ne soit pas plus connu (je ne l'ai entendu qu'une fois, dans Cœur de Chien de Raskatov, et j'aimerais bien le retrouver dans des Haendel). J'ai gardé pour la fin Bo Skovhus, qui signe un fabuleux Lear halluciné, et prouve dans ce rôle sa ligne de Liedersänger. Le phrasé, la longueur de voix, la variété des couleurs, tout est ici au service du rôle. Bravo.
Cet opéra emploie aussi plusieurs comédiens, et le remarquable Ernst Allisch, le fou, déploie une gestuelle absolument étonnante qui révèle véritablement la déliquescence progressive du personnage. A la fin, il est assis, immobile, les yeux hagards. Un exceptionnel comédien.
Pour cette nouvelle production, on a fait appel à Calixto Bieito, capable du meilleur comme du pire. En tout cas un metteur en scène qui propose toujours des lectures fortes, parfois allant jusqu'au bout des œuvres, et donc souvent hué par un public parfois conformiste. J'ai vu son Enlèvement au Sérail au Komische Oper devenu une sorte de bordel pour esclaves sexuelles, avec un Osmin nu sous la douche et une Konstanze tenue en laisse pendant qu'on copulait dans tous les coins. Evidemment cela révélait des aspects tenus plutôt cachés d'habitude mais même le public du Komische, pourtant familier du Regietheater, s'agitait plus qu'à l'accoutumée...
Ici rien de tout cela. Le décor montre une cabane de bois qui va peu à peu se transformer, les planches s'inclinant pour former la forêt (procédé bien employé par Robert Lepage dans son Ring du Met). L'intérêt est surtout dans la direction d'acteurs, qui ne laisse aucun personnage sur la touche et s'emploie à faire du théâtre partout. Le rapport avec l'animalité, si important chez Shakespeare, n'est pas négligé : Bieito illustre le moment du partage du royaume avec une miche de pain dont Lear jette des morceaux à ses filles qui se précipitent comme des félins avides. Et il sait aussi faire place à l'émotion et dégager toute la douceur de Cordelia quand elle toilette le corps de son père.
Pour mon dernier opéra de l'abonnement, j'ai été servi. Je n'ai vu cette année que des spectacles remarquables à l'Opéra de Paris, félicitations donc.
Fabio Luisi

Andreas Schreibner

Annette Dasch

Andreas Conrad, Erika Sunnegardh, Kor-Jan Dusseljee

avec Michael Colvin

Lauri Vasar

Andrew Watts

Ricarda Merbeth

Bo Skovhus

Après photos, dédicaces, papotages avec les chanteurs que je connais, il me reste encore du temps avant mon train. Je me rends au petit Marks&Spencer qui a ouvert à la Chaussée d'Antin, achète leur excellente lemon curd (une des meilleures que je connais) et un pot de Lime Marmelade, pour voir ; et un casse-croûte pour le train, wrap avocat et poulet grillé, yaourt aux groseilles, jus d'oranges pasteurisé. Et je passe, une fois encore, par les Grands Boulevards, toujours animés même un dimanche après-midi. J'ai même le temps d'aller faire trois courses au Passage Brady, ce petit bout d'Inde en plein Paris.
Dans le train, coïncidence : je suis à côté d'une prof de français, qui, comme moi, corrige des rédactions de troisième. De temps en temps nous interrompons nos activités pour parler boulot !

















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