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vendredi 21 février 2020

Moscou : La Traviata au Novaya Opera


 De retour au Novaya Opera pour une Traviata peu banale...



J'aime bien ce Novaya Opera, bien moins connu parmi nous que le Bolchoï et ses salles multiples, mais qui diffuse une ambiance chaleureuse, ce qui se voit dans le public peu guindé et enthousiaste. J'y ai déjà vu La Fiancée du Tsar, Lucia di Lammermoor, Le Prince Igor... Ce soir, c'est un incontournable du répertoire qui m'attend, que j'entends au moins une fois par an.



Production Alla Sigalova


La production est, comme je l'annonçais, peu banale. Ce n'est pas tant par la couleur, tout en noir, ce que j'ai déjà vu ailleurs ; ni la quasi-absence d'accessoire, puisqu'on n'a même pas de lit pour le dernier acte ; et encore moins pour le décor quasi-unique. Ce serait plutôt un bon point que cette sobriété, j'ai vu tant de Traviata avec des scènes encombrées de tables, des décors massifs qu'on met des heures à changer. Tout ça pour un décorum superflu, bien peu en rapport avec le drame de Traviata.


Le problème, c'est que la vision proposée me semble un brin confuse et davantage une accumulation d'idées disparates, dont j'ai peiné à saisir le fil.

Le comptoir de bar serait l'élément déterminant. Au premier acte, c'est là qu'on mène le Brindisi. A l'arrière, un orchestre de bastringue joue les introductions des parties musicales, une idée bien contestable. Le grand lustre mobile serait, je présume, l'évocation du destin de Violetta...


Au deuxième acte, le comptoir a rejoint le bar, à droite. L'héroïne revient des courses, chargée de paquets, et Alfredo arrive en vélo. Une manière de symboliser le personnage versatile ? En tout cas, lorsque Violetta décide de céder à Germont père, elle étreint le vélo comme totem de son amant, plutôt une idée claire de mise en scène, de même que l'album de famille que présente beau-papa. Cet acte me paraît le meilleur dans la production, et c'est dommage qu'on y ait opéré autant de coupures ! A la place, on a droit à un passage orchestral qui ne me dit rien du tout...






Passage soudain au troisième acte, sans matadori ni zingarelle. La partie de cartes a lieu immédiatement, sur des tabourets. Flora, une intrigante fort peu sympathique, chasse toutes les rivales. Germont arrive bien en avance et inflige à son rejeton une sévère correction. Ouf, entracte, j'avais pitié des chanteurs qui enchaînaient les actes sans répit depuis le début.



Cette fois, le comptoir de bar est vu de derrière. La chaise sert de support à Violetta, qui se met soudainement à tousser avant d'en finir. On vient bâcher le lustre, le symbole était bien là. Les Germont et Violetta composent une singulière pantomime, qui me rappelle les "tableaux vivants" du XIXe siècle, inutilement théâtrale et artificielle. Pas de médecin, pas de chœur de coulisse. C'est un jeu de massacre !

Violetta s'effondre subitement, mais l'opéra n'est pas fini. On rejoue le prélude pendant qu'Alfredo traîne le cadavre de sa bien-aimée !

Les interprètes


Malgré les tripatouillages peu convaincants qu'on fait subir à la musique, je sais gré à la plupart des interprètes de donner à la soirée son intégrité. Et tout d'abord le chef Dmitry Volosnikov, précis, musical, qui chante avec tout le monde et sait ce que l'orchestre verdien veut dire. Je lui ai posé la question, il n'est en rien responsable de la cisaille qui a œuvré dans la partition.

Chœurs honorables (avec ce qui leur reste de partition), orchestre professionnel, rien à dire de ce côté-là.


Les interprètes proviennent de la troupe ; certains sont encore un peu verts (le Gastone poids plume de Vasily Gurylyov), d'autres aguerris, comme Natalia Kreslina (Flora), l'excellent Andrey Fetisov (il Barone) ou Nestan Meboniya (Annina), dont la voix me semble de plus en plus chaude et colorée.


Giorgio Germont devait être tenu par Sergey Murzaev, mais ce dernier m'avait prévenu qu'il avait décidé d'annuler. J'attendais de savoir qui allait le remplacer (Andrey Breus et Igor Golovatenko l'ont interprété ici) mais, las, c'est Andjey Beletsky qui a été retenu. Il ne m'avait guère convaincu en Enrico ; Germont lui convient mieux, question de couleur de voix, et il phrase correctement Di Provenza al mar. La prononciation aussi me paraît meilleure. Mais j'entends toujours une voix trop nasale, et d'un style éloigné de ce que j'attends d'un baryton verdien. La composition n'est pas plus nuancée, il roule des yeux comme un traître du cinéma muet ! Peut-être est-ce la faute à la mise en scène...


Le meilleur vient de Georgy Vassiliev, ténor à la voix claire et lumineuse, peut-être pas très grande (mais j'étais au premier rang, pas facile de juger correctement de la projection), mais nuancée ; l'interprétation vibrante achève de me convaincre.


La jeune Maria Buinosova incarne une belle Traviata, avec une grande maîtrise de la dynamique, un souffle long et du style. Le timbre est séduisant, la voix bien soudée, et elle apporte au personnage une émotion que la mise en scène n'a pas su me procurer. Chanter les trois premiers actes sans la moindre pause, chapeau.

Vasily Gurylyov

Dmitry Volosnikov


avec Georgy Vasiliev

Nestan Meboniya

Natalia Kreslina

avec Maria Buinosova

2 commentaires:

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