Une des plus célèbres cathédrales de Russie, qui conserve de précieuses fresques du grand maître Andrey Roublev.
L"icône de la Vierge de Vladimir, une des plus vénérées en Russie, est à la base de ce monument. Elle n'y est plus exposée puisque c'est la Galerie Tretyakov de Moscou qui la présente.
Mais c'est pour la conserver que le prince Andrey Bogolyubski fit construire au XIIe siècle cette Cathédrale de la Dormition dans Vladimir, sa nouvelle capitale. Sans doute grâce à cette icône, la cathédrale devint le premier centre religieux de la Russie entière, du moins jusqu'au XIVe siècle. A ce moment-là, les autorités religieuses se transférèrent à Moscou (qui devint définitivement la capitale). Elles y reconstruisirent une Cathédrale de la Dormition à l'intérieur du Kremlin. L'icône était très célèbre pour les miracles qu'elle aurait suscités ; on en a enregistré plus de trois cents et elle demeure essentielle aux yeux de nombreux Russes.
Le premier bâtiment était en bois ; de violents incendies à la fin du XIIe siècle, donc peu après l'édification, la détruisirent avec une trentaine d'autres. On éleva une nouvelle version, mieux fortifiée, agrandie de quatre coupoles. Mais les hordes du khan Batu, le petit-fils de Gengis Khan assiégèrent Vladimir, alors capitale, et la population trouva refuge dans la cathédrale. Batu la fit incendier et les habitants furent brûlés vifs, devenant ainsi les martyrs de Vladimir.
Au cours de son histoire, l'église connut plus de trente incendies, et à chaque fois on la réhabilita. Les Tatars menaient de fréquentes incursions et au XVe siècle, ils torturèrent le pope qui avait (bien) dissimulé les trésors liturgiques. Il refusa de parler et mourut sous les supplices. Les trésors en question n'ont jamais été retrouvés.
La cathédrale visible aujourd'hui est constituée d'une succession de bâtiments relativement distincts. A l'avant, on a érigé un clocher-église sobrement orné de quelques éléments décoratifs.
Le chapiteau corinthien était bien implanté en Russie !
Le second bâtiment adopte la forme "temple" si prisée en Russie, composée de lignes et d'angles, avec un fronton pentagonal.
L'arrière correspond à la partie la plus ancienne, et elle s'arrondit d'arcs courbes et des coupoles.
On retrouve un souvenir de la Cathédrale Saint Dimitri, avec la décoration de colonnes. Je persiste à voir une forte similitude avec la bande lombarde, à l'origine des décorations aux multiples colonnes de l'art pisan. Et, comme on avait importé des artistes européens, ça ne me semble pas si idiot que ça.
Malgré les différences évidentes de ces trois bâtiments, le blanc et l'or créent l'unité. Croyez-moi, lorsqu'on arrive au bas de la colline, l'ensemble fait forte impression !
J'y suis passé à trois moments différents de la journée, en photographiant à chaque fois, ce qui explique les variations de lumière.
L'église sous le clocher expose une réplique de la fameuse icône. Une religieuse vérifie qu'on ne prenne aucune photo, et, de toute façon, j'ai déjà la vraie sur le blog !
La partie intermédiaire est fermée. Bon...
Mais on peut entrer dans la troisième, qui est payante. De toute façon, c'est celle-là que je veux voir !
L'intérieur
La surprise de l'iconostase
L'intérieur est déconcertant. Malgré l'iconostase, j'ai davantage l'impression de me trouver dans une église catholique.
En fait, cette iconostase n'est pas composée d'icônes, comme c'est toujours le cas, mais de peintures d'un style très européen. En gros, l'icône privilégie le symbole au détriment du réalisme, alors que la peinture européenne, métamorphosée à partir de Giotto et Cimabue, insiste sur les volumes et la vraisemblance du décor.
Par ailleurs, le style de la structure, abondamment dorée, rappelle bien nos grands retables baroques, comme ceux de Vienne. On croirait du rococo !
Même la bannière ne se rattache pas si spécifiquement à l'univers russe...
C'est sur les côtés que je trouve des icônes plus reconnaissables, sur fond doré, comme l'Italie en pratiquait au Moyen-Age.
Un riche programme de fresques
J'aime beaucoup ce principe souvent repris en Russie de l'église blanche à l'extérieur, et qui dévoile ses couleurs une fois qu'on y a pénétré, comme un paquet surprise.
Ici, dans une grande partie de l'édifice, on trouve des frises chatoyantes qui encadrent les arcs, et des motifs décoratifs (qui rappellent les psautiers médiévaux) au plafond.
Des textes bibliques enrichissent l'ensemble.
Entre les plafonds et les textes, les fresques me semblent aussi avoir subi l'influence européenne dans leur traitement, leur localisation dans un lieu, même très simplifié.
Une autre importante partie renvoie davantage à la représentation traditionnelle, avec un fond bleu plus uniforme.
Les fresques d'Andreï Roublev
Le vrai trésor ici, ce sont les fresques préservées d'Andreï Roublev, le grand maître de l'icône au début du XVe siècle (dont on admire quelques chefs-d’œuvre à la Galerie Tretyakov).
Roublev fut très célèbre pour son intense palette polychrome, notamment pour ses bleus. Hélas, les restaurations successives eurent sans doute raison de cette vivacité et on n'en voit qu'un souvenir. Tant pis, c'est tout de même une belle occasion de voir des fresques de Roublev in situ.
La fresque s'étend sur une partie rabaissée de l'église. C'est qu'au-dessus se trouve la tribune qui accueillait les princes et leur famille.
La fresque représente le Jugement Dernier. Pourtant, au centre, un Christ Sauveur dans une gloire flotte sereinement dans les airs. Pas de justicier redoutable mais une image apaisée, spatiale.
Les apôtres et l'assemblée qui siège derrière eux partagent la même paix, avec des visages doux et humains. On a d'abord l'impression de l'uniformité, si répandue dans l'icône, et pourtant les attitudes sont individualisées. J'aime bien la tête penchée, au second rang.
Ce fut une vraie nouveauté dans la peinture religieuse en Russie, mais je pense que rendre ainsi les personnages plus humains ne put qu'apporter du réconfort aux fidèles qui y trouvaient une proximité, physique et spirituelle.
Les piliers sont revêtus de portraits de saints, également variés dans leurs attitudes.
Le reste des fresques présente une nouveauté qui dut encore plus stupéfier le public, habitué à un art figé dans le canon.
Cette fois, les scènes s'inscrivent dans un véritable paysage.
On voit des arbres, certes assez symboliques (on jurerait des feuilles géantes, c'est du Magritte avec un peu d'avance), mais qui placent clairement les personnages dans un jardin.
Je pense à la fois à la cathédrale voisine de Saint Dimitri, qui proposait tout un répertoire de végétaux à suivre. Et je trouve plus d'une correspondance !
Mais aussi à l'art européen, également en pleine modification, qui verra la peinture de paysage prendre de plus en plus de place.
Un petit selfie pour commémorer ma visite ! Encore une où je me serai régalé.
L‘architecture de l‘église de la Dormition est très complexe, mais très belle avec la blancheur des murs allié au doré des bulbes. Cette promenade autour des églises avec un sol dont certaines parties sont enneigées permet d‘admirer un très beau panorama, très russe, que j‘aime beaucoup. Bises. Mam.
RépondreSupprimerC'était une magnifique visite ! Je me suis régalé à Vladimir.
SupprimerUn grand merci.
Gros bisous !
A wonderful church with beautiful frescoes and a very inspiring atmosphere, just amazing.
RépondreSupprimerThank you for this outstanding post.
Annie
Thanks to you, dear Annie, for your warm message!
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