Trajet du matin
Pendant que je me prépare pour ce départ matinal de Beppu, je regarde la télé ; elle diffuse des images de l'Awa-Odori, ce festival de danse de Tokushima où je me trouvais il y a quelques jours. La fête bat son plein !
Je monte à bord du Sonic 14, cette fois un train bleu dont l'intérieur me paraît un peu plus rétro que le précédent.
Je ne regarde le paysage qu'au début du trajet. Des rizières, toujours des rizières. Mais où se trouvent les champs de légumes et les vergers qui produisent ces agrumes particuliers à la région ?
Ma nuit ayant été courte, je sombre vite dans le sommeil.
Réveil forcé pour le changement à Kokura, encore. Je passe dans l'autre section de la gare, où s'accolent les boutiques d'omiyage, pour emprunter le Sakura, un Shinkansen familier.
C'est bien commode. Outre la ligne jaune en relief, destinée aux mal voyants, on peut savoir l'endroit exact de la porte à utiliser.
Les sièges du Sakura sont si moelleux que je replonge immédiatement dans le sommeil.
Arrivée à Kagoshima. Une enseigne de café plagie le fameux Starbucks de Seattle.
Je tâche d'obtenir les renseignements que je recherche pour mon équipée du lendemain (Ibusuki et Chiran) au guichet de l'office de tourisme ; malgré la gentillesse de l'employée, c'est une véritable aventure. Enfin j'obtiens une liste d'horaires. J'ai l'impression qu'il me faudra prendre le dernier bus de la journée, poussée d'adrénaline en prévision !
Je sors de la gare, avec son inévitable grand magasin et sa grande roue, pour poser mes bagages à l'hôtel.
Déjeuner
Les restaurants sont bourrés, ici ! Il me faut faire la queue avant d'être appelé. La région est réputée pour ses nombreuses spécialités et produits culinaires ; je n'arriverai pas à tout goûter mais je me suis établi une liste de ce que je recherchais particulièrement. Ici, je vais tester le Kagoshima gyuniku, le bœuf local.
Je suis installé au comptoir devant les fourneaux.
La cuisine du restaurant est une rencontre Est-Ouest, on a repris des plats européens en les traitant avec des éléments japonais. Voici donc une excellente soupe au miso blanc, mais avec des champignons. Servie dans une tasse à café !
Salade, mais vinaigrette au miso brun, avec des flocons de bonite séchée. A refaire.
Pas de riz, mais du pain de mie tout frais pour accompagner une large portion de ce bœuf très goûteux, servi avec des légumes !
Un flan maison, mais aromatisé au thé grillé.
Je me suis, à nouveau régalé avec ce repas plein de découvertes. 1380 ¥, 10,90 € au cours du jour.
Je reprends le train pour me rendre de Kagoshima-Chuo, là où je loge, à Kagoshima, la gare du centre.
C'est le train gris déjà utilisé il y a quelques jours.
C'est ça, la gare centrale ? Quel contraste avec l'autre ! Elle est presque délabrée.
Kagoshima, devant le volcan
Kagoshima, cette ville tout au sud du Japon (regardez la carte en cliquant sur le lien à la fin de l'article) est construite en face d'une île volcanique. Le Sakurajima, le volcan en question, est en éruption quasiment un jour sur deux et crache une pluie de cendres que le vent envoie sur la ville. Non, ce ne sont pas des nuages qui se dirigent vers moi.
Les trottoirs sont couverts de cette poudre noirâtre. J'ai vu un balayeur, le malheureux ! Autant tenter de vider le tonneau des Danaïdes.
Bien que les serveurs des stations-service passent les autos au jet, les pare-brise sont dans un sale état.
Une fois passé le moment d'excitation (je suis devant un volcan EN ÉRUPTION !!!), c'est fort désagréable. J'ai la sensation d'avoir du sable partout, dans les cheveux, dans les oreilles, dans les narines. Les yeux picotent, les dents crissent. Je n'aimerais pas habiter ici. Il paraît que c'est la ville des sèche-linge : personne ne se risque à suspendre sa lessive sur un balcon.
Un monument rappelle l'arrivée de François-Xavier, le Jésuite qui débarqua à Kagoshima en 1549, le premier missionnaire chrétien sur l'archipel.
Mon objectif n'est pas tout près. Je marche un bon moment sur une promenade le long de la jetée.
D'ici, on constate la forme typique du volcan, un genre de Fuji en taille un peu plus réduite.
Inévitable collection de salles de pachinko.
S'il y a eu des inondations au mois de juillet (à Shikoku), ici ça n'a pas été concerné. Ou alors les cendres volcaniques recouvrent toute la rivière.
Côté terre, la forêt impénétrable alterne avec des falaises abruptes.
En plus du volcan, les habitants doivent supporter des embouteillages permanents. La file progresse peu. Je dépasse facilement les véhicules.
Finalement, après quelques sanctuaires éparpillés, me voici au but.
Sengan-en
Comme beaucoup de fiefs japonais, la région de Kagoshima a été aux mains d'un même clan pendant une très longue période, six cents ans ici pour la famille Shimadzu.
Le château a disparu, mais le palais et le jardin sont admirablement conservés.
C'est un endroit réputé : cette fois, je dois faire la queue pour acheter mon billet à 1300 ¥, qui comprend en outre l'entrée au musée.
Ici, ce sont les origines de l'industrie japonaise.
On utilisa un livre néerlandais (espionnage industriel !) pour moderniser les techniques japonaises et construire un haut fourneau qui produisait de l'acier. Il ne demeure que des ruines de ce tout premier maillon de l'industrie moderne.
Le palais féodal comprend toujours une ville dans la ville.
Ce vestige de l'industrie du XIXe siècle porte l'insigne du clan Shimadzu, un cercle avec une croix, qui m'évoque soudain la croix celte.
La porte, en bois de camphrier, donne sur la mer. La richesse du clan s'est notamment construite grâce au négoce maritime.
Le palais
Le Goten, le vaste palais de trente pièces du clan, était encore habité par son dernier représentant féodal, le prince Tadayoshi, au XIXe siècle.
Il chercha à intégrer des éléments modernes tout en maintenant la tradition.
Les transformations en firent le seul palais japonais mêlant influences occidentale et chinoise.
Le petit jardin sec est gris, comme les cendres qui envahissent la région.
Ces vases en porcelaine d'Inari furent des cadeaux diplomatiques pour le tsar. La couronne russe y figure en bonne place.
Le petit Tadayoshi me rappelle beaucoup le dernier empereur de Chine !
Quelle bestiole! Gros lézard ou salamandre géante (j'en ai vu l'an dernier à l'aquarium d'Osaka) ?
Le jardin a fréquemment été représenté.
Et voici un second jardin intérieur, sec / humide, très équilibré. Ravissant.
La salle à manger est dressée à l'européenne. Chaise, table, assiettes, couverts, verres. Rien de cela n'était connu ici auparavant.
Salle à manger de réception, à l'européenne. Outre l'envie de suivre la mode étrangère, tendance permanente dans l'histoire, il faut voir aussi le besoin d'offrir une table accessible pour les visiteurs étrangers.
Les Shimadzu avaient su s'adapter, à la différence de nombreux clans enfermés dans le maintien des traditions. Féodaux, certes, mais négociants depuis toujours, armateurs, guerriers, et bientôt industriels et diplomates. Non seulement ils lancèrent l'industrie nippone, mais ils contribuèrent à son ouverture en invitant une foule d'envoyés étrangers et en faisant eux-mêmes le voyage en Europe. Ils avaient tout pour durer, et surtout un sens aigu de la projection dans l'avenir.
Une question me taraude, évidente : que sont-ils devenus ? Un élément de réponse arrivera plus tard, mais je me demande surtout s'ils ont fondé une de ces grandes entreprises japonaises.
Bureau de Tadayoshi, d'une admirable sobriété. Seule décoration, le paravent à droite et le mur du fond, couverts de feuilles d'or.
Le dressing. La version japonaise du placard a été reprise partout dans le monde pour remplacer la lourde armoire en bois. C'est sans doute l'élément japonais le plus diffusé !
La chambre du prince. Rien de fastueux. J'ai souvent eu des couchages semblables. Les sabres, non.
La salle de bains.
Salon à l'européenne. Dans cette pièce, on présentait les cadeaux destinés à l'empereur. L'épouse du dernier était la petite-fille de Tadayoshi.
Le jardin
C'est réellement lui qui porte le nom de Sengan-en. En, c'est le jardin, je le sais, mais sengan... Je trouve "se laver le visage". Traduction erronée ou titre métaphorique ?
Peu importe, il s'agit d'un jardin très soigneusement entretenu, très plaisant.
Les pièces d'eau, même petites (ce n'est pas le lac du Ritsurin-en), sont toujours un élément essentiel du charme.
J'aime bien cette vue, avec un fort contraste, la poésie des lanternes.
Cette construction servait de centrale hydro-électrique.
Des bambous ! Après ma visite de la veille, je ne suis pas dépaysé.
Ingénieuse machine, une variante du moulin à eau, servant à débarrasser le riz du paddy.
Vue du volcan au-dessus du palais. Les Japonais nomment cela un paysage emprunté : on utilise des éléments extérieurs pour les intégrer dans la conception esthétique de l'espace privé.
Quelques maisons de thé, espace essentiel de calme et de méditation.
Un bout de chemin en suivant les panneaux Sakurajima view. Franchement, le point de vue ne me paraît pas très supérieur aux précédents.
La boutique met en valeur l'artisanat de la région, céramiques et verre taillé. 216 000 ¥ la coupe, 1700 €.
1 080 000 ¥, 8500 € le pot.
1 188 000 ¥, donc 9 120 € le vase.
En moyenne, 600 € le verre.
2500 € la coupe ! Il vaut mieux se procurer à Prague ce genre de production.
Les vastes rayons de biscuits demeurent un incontournable des boutiques des sites et musées.
Ces demeures à l'allure New England furent édifiées pour loger les ingénieurs étrangers.
Le musée
Le musée occupe ce bâtiment allongé, la toute première usine au Japon, construite sur le modèle britannique. Celle que j'ai visitée à Kurashiki comprenait aussi des machines anglaises.
Le musée s'avère passionnant, en détaillant l'évolution du clan, étroitement liée à l'histoire du Japon. C'est très intéressant de mesurer ce changement de position face à l'étranger : envahisseur éventuel, donc ennemi, puis fonds de techniques à acquérir, et enfin partenaire pour l'import-export. Tout cela avec des secousses prévisibles, notamment pour concilier avec la préservation des traditions.
Impossible de photographier dans ce musée captivant.
Je dois avouer que je ne connaissais rien de tout cela, que j'ignorais tout de ce clan fondamental dans l'histoire japonaise. Je ne connais le nom de Kagoshima que depuis une dizaine d'années, c'est tout dire.
Je quitte les lieux vers l'heure de la fermeture, et j'ai la même trotte qu'à l'aller au programme. Une seule route, c'est sans doute la raison du bouchon. Une petite variante en la traversant, et en découvrant, pour la première fois, une plage. Avec même quelques baigneurs, protégés par un filet anti-requins !
Ce parc a été aménagé sur le lieu d'une bataille avec les Anglais. C'était avant que les relations devinssent plus courtoises et commerciales !
Shabu-shabu
Parmi les spécialités locales, je n'ai pas encore goûté au shabu-shabu de Kyushu, sorte de fondue chinoise, qui avait fait mes délices à Tokyo. Mais ici, on y sert un porc noir, le korobuta.
On m'en apporte tout de suite des brochettes, excellentes, avec la gamme des crudités.
Autre variante de l'habitude, on fait cuire dans de l'eau. On plonge ensuite les aliments cuits dans des bouillons, l'un au miso blanc et l'autre au jus de yuzu. J'ai des carafes à ma disposition pour remplir les bols.
On a plein de choses à goûter ! Des légumes plus ou moins connus, du tofu léger comme des blancs d'œuf en neige.
On termine par des ramen maison. Délicieuses, elles aussi.
Finalement on m'apporte une boule de glace. Je connais ce goût-là sans l'identifier. Je finis par demander.
Kabocha !
Saperlipopette ! Ma première glace au potiron !
J'ai de nouveau choisi le High Ball, aujourd'hui parfumé au jus d'un autre agrume inconnu, le daiden (ou daidan ?).
Je n'en peux plus ! Un repas délectable, mais vraiment super-copieux.
3600 ¥ avec le High Ball, 22 € environ. Plus que ma moyenne mais ça ne crève pas le plafond non plus.
Le nuage de cendres s'est épaissi. Les gens se protègent de leur capuche ou avec un parapluie. Il me semble retrouver les tempêtes de sable de mes randonnées au Sahara. Les grains qui volent sont énormes.
Toyoko-inn
Installation dans cet hôtel, rejeton d'une chaîne très répandue au Japon. Un petit frère a récemment ouvert à Marseille.
Chambre un peu plus grande que le standard, lit confortable. Impeccable.
Mon tee-shirt noir est étoilé de cendres, j'en ai partout !
Very interesting post. This place is so inspiring with a powerful vulcano. Amazing pics as always.
RépondreSupprimerSimply great!
Annie
Thank you Annie! Even in Japan, facing an erupting vulcano is not frequent. Kagoshima is an exceptional place.
SupprimerQuel voyage sensationnel !!!!
RépondreSupprimerMerci pour les photos superbes et bon appétit pour les prochains repas !
Françoise de marseille
Merci beaucoup, Françoise de Marseille, pour ce chaleureux commentaire ! Je suis sûr qu 'il me reste encore quantité de découvertes gastronomiques à faire...
SupprimerQuelle splendeur ces jardins !!!
RépondreSupprimerBises
Mjo
Je pense que c'est la plus grande beauté du Japon !
SupprimerGros bisous
Pour commencer cette journée, beaucoup de déplacements, de trains il faut être vigilant. Toujours des découvertes avec la nourriture alléchante. Extraordinaire photo du volcan en éruption et des rivières couvertes de cendres. Une vie difficile semble-t-il qui nous montre un Japon inconnu.
RépondreSupprimerQuel plaisir après cette grisaille de retrouver la verdure et la beauté du palais avec ses jardins superbes.
Merci pour toutes ces découvertes. Bisous. Mam.
C'était, il est vrai, une journée riche en découvertes dans une région si importante dans l'histoire japonaise et pourtant si méconnue. Merci pour ce commentaire détaillé. Gros bisous.
SupprimerExcellent and very complete post, full of high-quality informations and amazing pics.
RépondreSupprimerCongrats!
Riviera
Thanks Riviera for your high-level compliments, I appreciate!
SupprimerGreat post ! An amazing tour in unknown Japan !
RépondreSupprimerThanks, dear Anonymous!
SupprimerOutstanding post with lots of data and amazing pics. Congrats!
RépondreSupprimerRod
Thanks Rod, it is very kind!
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