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vendredi 17 août 2018

Nagasaki : Musée de la Bombe, Mémorial, Parc de la Paix


Programme vaste pour cette journée dans deux lieux opposés de Nagasaki. Je vais diviser en deux articles pour éviter que chacun ne mette des siècles à se charger.
Et, tout d'abord, je prends le tramway pour gagner du temps. Trajet direct, de Nagasaki Eki-mae (devant la gare de Nagasaki) à l'arrêt Matsuyama-machi (Ville de Matsuyama). Tarif dérisoire, 120 ¥, même pas un euro.






Hortensias et agrumes, deux fiertés de la région, sont mis à l'honneur sur le sol.

Le Musée de la Bombe

Un peu à l'écart sur une vaste place qui regroupe plusieurs bâtiments, celui du Musée de la Bombe est un peu enterré.


J'ai visité celui de Hiroshima il y a deux ans et je retrouve des similitudes : même conception d'ensemble (musée, mémorial, parc de la paix), objets semblables métamorphosés par l'explosion, même appel à un monde pacifié (également le symbole des grues en origami) .


Le récit en amont concernant la prise de décision, qui m'avait manqué à Hiroshima, est présent ici.


Cependant fait défaut ici la relation entre l'objet et la personne qui rendait plus touchants les objets exposés. Ici ils deviennent davantage anonymes.
J'achète un billet toujours aussi peu ruineux, 200 ¥.


On débute avec une horloge distordue par l'explosion, arrêtée à l'heure de la catastrophe.


Nagasaki à l'époque : une ville prospère, un port commercial qui servait depuis plusieurs siècles de porte d'entrée aux marchandises étrangères. On peut se demander pourquoi les Américains ont choisi ce point-là comme cible.

Carte des sites envisagés 

Revenons en arrière.
Le Japon Showa se lance dans une politique expansionniste, les États-Unis répliquent par un embargo pétrolier, les Japonais ripostent par l'attaque surprise de Pearl Harbor en 1941. Le but : détruire la flotte américaine du Pacifique pour rétablir la sphère d'influence nippone sur cette zone. C'est raté, seuls deux bateaux sont détruits.

Mais les États-Unis entrent en guerre.

De 1942 à 1945, ils bombardent inlassablement le Japon et détruisent une grande partie des villes du pays. Parallèlement la recherche sur la fission nucléaire avance et l'idée d'en faire une bombe progresse.

On en arrive en 1945, où tout est prêt pour lancer ces armes terribles. Churchill et Roosevelt donnent leur accord, un comité planche sur les villes à cibler. Kyoto est écartée de justesse, on retient deux villes principales, Hiroshima (usines Mazda) et Kokura (arsenal).

Si l'attaque sur Hiroshima est menée avec les conséquences qu'on sait, ce n'est pas le cas de la seconde. La visibilité insuffisante empêche le largage sur Kokura. On parlait de nuages épais mais on sait que les ouvriers faisaient brûler du goudron pour créer une épaisse fumée. Les bombardements sur la voisine Yamata (ville fusionnée avec Fukuoka) avaient aussi obscurci le ciel.

Mais il y avait une série de villes en réserve.


Nagasaki, c'était la ville des usines Mitsubishi (j'ai pris la photo ce soir), alors un puissant fabricant d'armes. Mitsubishi = 3 losanges, le nom désigne le logo.


Donc cap sur Nagasaki, le 9 août 1945, pour larguer Fat Man, la bombe au plutonium 237 de 4,5 tonnes.


Ces feuillets auraient été largués auparavant à la population pour les prévenir de quitter la région. Les habitants assurent que cela a été fait, mais plusieurs jours après, pour se donner bonne contenance.
De toute façon, Nagasaki n'étant pas l'objectif, ça me paraît invraisemblable.


A Nagasaki aussi, des nuages couvraient le ciel. La bombe ne tomba pas sur les usines, proches du fjord, mais sur un quartier de banlieue.


Le hasard a fait que le principal bâtiment détruit était une cathédrale,  et que les victimes s'avéraient essentiellement femmes et enfants, les hommes étant soldats ailleurs. Une dizaine de milliers de Coréens engagés de force aussi, mais le musée ne parle pas de ce fait moins reluisant. 70 000 personnes tuées.

Autant ensuite, surtout de leucémie.


Le relief très escarpé de cette ville construite sur des collines en protégea la majeure partie.



Quelques images de l'explosion montrent le fameux champignon atomique.



Les conséquences sont multiples : rayonnement, souffle puissant (170 km/h), et surtout chaleur de 5000 °C, la cause principale de mortalité immédiate.


Reconstitution d'une partie de la cathédrale détruite.


Une statue de Saint Jean détachée (mais la pierre est encore ce qui résiste le mieux).


Croix brunies, rosaire fondu.



Le verre est toujours ce qui entre le plus vite en fusion. Au milieu, la boîte bento de l'époque (notre gamelle !) et son contenu carbonisé.



Les matériaux ont tellement fusionné que les scientifiques ne sont pas parvenus à identifier cet objet.


Une veste d'instituteur.


Un arbre dont le centre est devenu du charbon.


La toiture d'un atelier d'électricité.


Des billets de banque.


C'est moins connu, mais le rayonnement crée des ombres, exactement comme la lumière. On voit les traces nettement sur les photos, un peu moins sur le morceau de toit.


Un quartier profondément détruit.


Images poignantes de corps brûlés.


Les photos des survivants, ceux qui se trouvaient à une distance suffisante, sont tout aussi impressionnantes.





Parmi ces rescapés, l'extraordinaire Takashi Nagai, médecin dont la femme avait péri immédiatement et qui mourut de leucémie en 1951. Il ne cessa de rédiger des prières, d'écrire pour alerter la communauté internationale, de se dévouer envers les malades même quand il restait alité.



Quelques dessins dus à des rescapés.




Un tableau rappelle les étapes de la création de la bombe. Bien utile, car on limite souvent cette liste à Einstein et à Fermi.


Une carte des ogives nucléaires officielles. Ça fait froid dans le dos. La France n'est pas la dernière.


On a localisé sur la mappemonde toutes les explosions nucléaires. Ce n'est pas plus rassurant.



Très intéressante série de vidéos où des victimes des essais nucléaires de ces dernières années racontent les conséquences sur leur santé.


Les guirlandes de grues évoquent toujours Sadako Sadaki, la petite fille d'Hiroshima qui espérait résister à la mort en en pliant des milliers. De nombreux enfants ont pris la relève et c'est vite devenu un symbole.

La plate-forme



Elle domine toute la zone mais on se rend vite compte que les montagnes l'enserrent.




Le Mémorial 



Lui aussi rappelle celui d'Hiroshima. Cette réalisation d'Akira Kuryu date de 2003.


Douze piliers de verre, comme ceux d'une cathédrale, tracent une nef vers une sorte de classeur à étagères où sont entreposés les noms des victimes.


Très épuré, très beau, très émouvant. Et pourtant un semblable monument est toujours une gageure, où il est facile de basculer dans le manque de goût ou le lacrymal.



Une petite salle invite le visiteur à inscrire messages et dessins sur de petites cartes. Je ne m'y refuse pas.


A côté, un énorme bloc aussi sobre abrite le Musée des Traditions Populaires. Sans doute passionnant mais je n'ai pas assez de temps.

Le Parc de la Paix


Plusieurs parties rythment le parcours. Dans la première, les grues en guirlandes accompagnent des statues, venant du monde entier comme tout ce qui a été placé ici.




Le canal est bordé de dessins d'enfants ; le premier à gauche provient d'une école parisienne.


Sur la place circulaire, un monolithe noir indique le point d'impact exact.


Le seul pan restant de la cathédrale se dresse au bord d'un des cercles. C'est l’équivalent du fameux dôme de Hiroshima mais, je ne sais pourquoi, beaucoup moins réputé.

Une parenthèse à ce propos. J'ai rencontré en attendant le métro à Tokyo une famille d'Espagnols sympathiques et nous avons comparé nos itinéraires. Eux se rendaient à Hiroshima et je les ai informés que je comptais visiter cette année le musée de la bombe de Nagasaki après celui de Hiroshima. Personne parmi eux ne savait qu'une explosion atomique avait eu lieu à Nagasaki ! C'est dire.


La dernière partie conduit à la statue de la paix.




Sous leur tente, des moines psalmodient des prières.


Une main en direction de la bombe, une en prière, les yeux fermés en compassion.

Je commets peut-être un blasphème en ne trouvant pas cette statue de Seibo Kitamura très réussie. Elle me rappelle le Jupiter d'Ingres au Musée Granet !


A un kilomètre de là, il ne reste plus rien de la cathédrale mais une nouvelle fut reconstruite.


L'intérieur, comme l'extérieur, ressemble à toutes celles d'Asie, et j'en ai vu dans six ou sept pays. Toujours une nef large et basse.


Quelques vestiges sont conservés dans une salle voisine.

Déjeuner 



Pas beaucoup de choix ! Je tombe sur un troquet rescapé de l'ère Showa.


Une dame s'affaire pour servir une poignée de spécialités.

Je bûche un moment sur la carte en japonais. Mais, victoire, c'est la première fois que j'arrive ET à lire ET à identifier tous les plats. Je vais fêter ça.

En attendant, pour moi ce sera Katsudon, siouplait.


Du riz, quelques légumes, une escalope panée, un œuf mi-cuit (c'est la difficulté du plat) par couches dans le bol. Ce katsudon-là est très réussi. Une bonne soupe au sésame et, hélas, du daikon atrocement amer en guise de tsukemono.  710 ¥.


J'ai repéré un magasin de fruits sur le chemin. On croirait une vitrine de la chambre d'agriculture tant le choix y est large, particulièrement sur les agrumes. Amanatsu, kabosu, bushukan, shikuwasa, daidai



Les "pores" de cette variété, les parties qui contiennent l'huile essentielle, sont énormes !


Les natsumikan, je pense que c'est un des trois agrumes japonais un peu connus avec la star yuzu et le satsuma qu'on trouve parfois à Noël.



Et même on trouve ici ces paradisiaques pêches au prodigieux parfum. Toujours commercialisées à la pièce et à un prix dissuasif.


Je me décide pour un jus pêche-shikuwasa, 400 ¥. Je refuse l'ajout de sucre, si bien qu'on sent l'acidité de cet agrume astringent, mais quel goût extraordinaire ! Une merveille.

Avec ça, je suis prêt à repartir pour la suite des visites.

Suite de la journée dans le prochain article

10 commentaires:

  1. This post reminds us of tragic hours about WW2. Hoping for a future without bomb.
    Annie

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  2. Les guerres sont toujours les mêmes... Il y en a toujours un qui veut être le plus fort. Ainsi des innocents subissent plaies, destructions et beaucoup meurent et souffrent.
    Cela s'est produit, se produit toujours avec les guerres. On peut craindre que cela continuera pour les mêmes raisons.
    Le musée permettra-t-il de penser que cela ne sert qu'à faire du mal ?
    C'est nécessaire de ne pas oublier et ton article y participe. Merci !
    Bisous.

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  3. C'est effectivement un musée qui suscite la réflexion! Merci pour ce chaleureux commentaire, gros bisous.

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  4. Intense article sur des heures sombres de l'humanité merci !
    Pierre

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  5. Great post about sad hours of world history.
    Jim

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  6. Outstanding post with many details and clever, informative texts. Good job, thumbs up!
    J'nai

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    1. Thank you very much, J'nai, for this very kind review!

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