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mardi 30 juillet 2019

Tokyo : La villa Art Déco du Prince Asaka (Musée Teien)


La villa du Prince Asaka, membre de la famille impériale, n'avait pas résisté au grand tremblement de terre du Kanto, en 1923.

Le Prince Yasuhiko, fondateur de la branche Asaka, avait voyagé en France pour des études militaires et son épouse Nobuko parlait un français parfait. Lors de leurs visites à Paris, ils avaient été séduits par le nouveau style en vogue, l'Art Déco (plus de détails dans l'article suivant). Plutôt que de reconstruire une villa japonaise, ils choisirent de faire bâtir une vraie villa française, en demandant à des artistes français leur collaboration.



L'extérieur 



Le plan général fut l'œuvre d'un architecte japonais, Gondo Yokichi, qui avait étudié en Europe, et qui s'inspira de constructions françaises.


Il respecta le principe de mêler lignes et courbes. On peut dire qu'il s'agit d'une traduction japonaise, fidèle, d'une villa française.


Le hall d'entrée



Outre la belle mosaïque, la pièce maîtresse de l'entrée me semble bien l'extraordinaire verrière de René Lalique. Le verrier français envoya au couple quantité de vases et de pièces de verrerie, et celle-ci est une création originale, tout en volume.



La grande entrée



Juste derrière, s'étend une pièce de distribution, comme on disait jadis, qui a aujourd'hui des allures de salon.


Cette vue de la Sainte-Victoire fut peinte par Henri Rapin, un artiste Art Déco qui fut chargé de toute la décoration intérieure. Tout se fit cependant par courrier et par livraison, le peintre-décorateur ne se déplaça jamais au Japon.


Les cache-radiateur sont nombreux ici (vive le progrès !) et montrent beaucoup de créativité dans la variation décorative.



C'est au sculpteur français Ivan-Léon Blanchot qu'on doit ce bas-relief, Jeux d'enfants. Certains me paraissent bien adolescents déjà !

Le grand salon



Pièce vraiment représentative de l'Art Déco, le grand salon illustre la collaboration entre plusieurs artistes : panneaux peints par Rapin, lustre de Lalique, ferronneries de Raymond Subes et une spectaculaire verrière de Max Ingrand.


Je trouve ce jardin en ton sur ton vraiment très élégant.


La grande salle à manger



La taille de la pièce donne une idée des réceptions qui devaient s'y donner. Elle profite astucieusement de l'arrondi de la villa pour s'ouvrir généreusement sur le jardin.


J'ai un doute sur le confort des chaises, mais quelle originalité !



Je ne crois pas encore vu ce genre de travail de la part de Lalique ; il est l'auteur de la peinture du fond, Ananas et grenades.



Les panneaux en relief de Blanchot se brisèrent pendant le voyage. On dut réaliser des moulages, mais le résultat est aussi original que spectaculaire !



La verrière de Lalique fait presque autant d'effet de l'intérieur que de l'extérieur ; il manque juste le volume. Je pense soudain à la villa de Gorki à Moscou, dont l'entrée s'ornait aussi d'une somptueuse verrière.

Le petit salon



Cette pièce de petites dimensions, intime, était réchauffée (les hivers sont rigoureux, paraît-il) par une cheminée en serpentine importée de Grèce. Elle était destinée à recevoir seulement quelques personnes, proches ou relations d'affaires.


C'est encore Rapin qui se chargea des grandes peintures en dégradé de vert, toujours sur le thème de la nature.



Voici donc monsieur et madame, au centre.


Je suis étonné par ce prince à qui je trouve une physionomie pas très japonaise !

La petite salle à manger



Dans ces palais, la pièce de réception n'est pas celle utilisée au quotidien par la famille, qui prenait ses repas dans une petite salle à manger. Ce serait ici qu'on trouverait le plus d'éléments japonais, dans l'utilisation des boiseries au mur et les bois retenus (cyprès, zelkova, bois de rose).


On remarque clairement la différence de style avec les autres luminaires : l'auteur, Masao Muzitani, travaillait pour la manufacture Kanamaru.

L'escalier





Si l'escalier a été généralement réduit à sa fonction, cet élément a longtemps été une marque de prestige, fruit d'un travail commun entre architecte (d'intérieur, mais le mot n'avait pas le sens actuel) et de menuisier ou de tailleur de pierre selon le cas. Chez nous, les compagnons le choisissaient souvent comme chef-d'œuvre.

Par ses dimensions aussi, c'était une réalisation monumentale qui devait frapper les visiteurs.



La rampe se termine par un magnifique luminaire. Je ne crois pas connaître d'exemple équivalent.

Les pièces du Prince



Hence, ministre des constructions, fut désigné comme décorateur. Ce passionné d'Art Déco introduisit des motifs japonais, tel celui d'éventails sur le cache-radiateur. C'est finalement un échange entre les deux cultures. Le Japon avait fasciné les Européens (je renvoie à l'exposition viennoise) et suscité l'Art Nouveau, et voici un retour direct, assimilé pareillement.




Si l'étage était réservé à la famille, le Prince en occupait les deux tiers à lui tout seul, avec une série de pièces de travail.


Autre luminaire signé Mizutani.


Dommage que les livres aient été dispersés ! C'est lugubre, une bibliothèque vide. Il ne reste que quelques ouvrages en français.


Vue reposant, depuis l'étage !


Rapin dessina cette pièce circulaire, qui devint, après la seconde guerre mondiae, bureau du premier ministre.


Les vitrines exposent des porcelaines de Sèvres.


Cette création de Lalique, Victoire, était un bouchon de radiateur !



Formose, un vase signé toujours par Lalique.




La chambre princière



Difficile de voir une chambre dans cette pièce presque vide, mais la photo d'époque permet de se faire une idée.



La salle de bains



Pas d'onsen ici ! je m'attendais cependant à une pièce beaucoup plus vaste. Malgré le luxe des matériaux, et son aspect hautement fonctionnel, elle rappelle surtout nos anciennes salles de bains d'hôtel chic. Le marbre employé porte le nom de vert d'Estours. Jamais entendu ce terme-là auparavant !

Les pièces de la Princesse



Les appartements de la Princesse sont moins spacieux mais très agréables, avec également de petites touches décoratives.



Ils donnent sur une galerie qui permet de se réjouir de la vue sur le jardin.


Passionnée d'art, la Princesse choisissait elle-même chaque élément de la décoration.



Semblable à une série de ballons, ce luminaire fut exécuté par Mizutani.


La Princesse collectionnait les bonbonnières...



La pièce "pour prendre le frais"



Je n'ose imaginer ce qu'était la température ici avant l'air climatisé dont je bénéficie durant ma visite ! Et j'ignore si cette salle était vraiment plus fraîche.


Les piliers de teck furent creusés pour mettre en relief le grain du bois.


Le sol est ici carrelé, alors que les parquets pavent quasiment toute la villa.


Le salon de la Petite Princesse



Pièce très douce et avec des touches de féminité. C'est la jeune Princesse qui dessina le motif du cache-radiateur (détail plus loin) .




Le jardin d'hiver



Au sommet de la maison, cette salle carrelée reçoit un jour généreux avec de larges verrières. La température y est torride !

Les fauteuils, ce sont les archi-célèbres de Marcel Breuer. Le Prince Asaka les acquit lors d'une exposition à Tokyo.




2 commentaires:

  1. Amazing house. Beauty and luxury. Simply great.
    Wonderful article!
    Annie

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