Translate

dimanche 21 juillet 2019

Barcelona : Luisa Miller (Eleonora Buratto, Arturo Chacón-Cruz)


Deuxième soirée de Luisa Miller avec, cette fois, la seconde distribution.


Deux interprètes en commun, Albert Casals en Contadino et Gemma Coma-Alabert en Laura mais tous les autres sont modifiés.

Même spectacle, et pourtant différent



Le réglage de la production semble identique, ce qui est logique, mais on aurait pu constater de petites différences en fonction des interprètes. Si elles apparaissent, cela tient davantage aux personnalités qu'à la mise en scène elle-même.

 

Demeure l'opposition marquée entre l'univers noble du Comte et la simplicité de l'environnement de Miller, le parallélisme entre les deux pères et leur descendance marquée par les deux enfants. Mais aussi la tournette qui continue à tourner beaucoup et nous prive parfois d'une direction d'acteurs plus approfondie.


La principale différence tient à une Luisa plus jeune et inversement à une Federica plus mûre, ce qui renverse la donne et rend plus visible, plus attendu, le choix de Rodolfo. Dans le détail, beaucoup de personnages sont dessinés par les vocalités différentes et finalement on assiste, malgré tout, à une soirée complètement différente.



Le plateau du soir


Gemma Coma-Alabert, Marco Spotti

Retrouvailles donc avec le bon Contadino d'Albert Casals et la toujours expressive, peut-être encore plus en voix que la veille, Laura de Gemma Coma-Alabert.

Marco Spotti dessine un Wurm incisif et apporte une musicalité inattendue à son rôle, bien appréciable dans le duo de basses. La maîtrise de la palette, la sonorité sur toute la tessiture, la diction impeccable sont autant d'atouts, et le jeu acéré de l'interprète crée un personnage bien inquiétant.

Albert Casals, Sonia Prina, Carlo Colombara
 J'ai souvent entendu Sonia Prina dans le répertoire baroque, notamment dans beaucoup d'œuvres de Haendel (un remarquable Giulio Cesare entre autres) et j'étais curieux de voir comment elle allait interpréter Federica. Avec son timbre relativement sombre, elle s'impose immédiatement en rivale de Luisa, qui ne cherche pas vraiment à séduire Rodolfo mais plutôt à marquer sa supériorité.

Carlo Colombara, c'est aussi un chanteur que j'ai souvent entendu, dans le bel canto (Bellini, Donizetti) mais aussi dans de magnifiques soirées verdiennes. J'avais beaucoup apprécié son Banquo, son Fiesco (avec Thomas Hampson à Vienne), son Filippo II entre autres. Ce soir, il me semble en méforme. La voix se projette difficilement, et le sol bémol est peu assuré. Reste la noblesse du phrasé, l'intelligence de la composition.
L'opéra, c'est du spectacle vivant qui n'est pas assuré par des robots, et chanter sans micro suppose des moyens parfaits. Cela peut arriver que quelqu'un ne soit pas à son meilleur, on peut tout à fait le comprendre.

Juan Jesús Rodríguez

Les trois chanteurs principaux font leur début dans le rôle. Depuis que j'ai entendu Juan Jesús Rodriguez au Met en Conte di Luna, je l'ai revu à plusieurs reprises.  Ses Macbeth à Marseille et à Avignon m'avaient convaincu, et son premier Boccanegra en ouverture de saison marseillaise montrait une nouvelle étape. C'est bien un authentique baryton verdien, dont la voix confirme cette évolution, avec de magnifiques couleurs, beaucoup de noblesse et de justes accents pour dessiner le personnage. Prise de rôle réussie !

Arturo Chacón-Cruz

Arturo Chacon-Cruz a aussi évolué depuis la dernière fois où je l'ai entendu, en Duca di Mantova à Aix. La voix s'est développé en volume et le timbre s'est modifié, me rappelant parfois le jeune Domingo. Il incarne un personnage bouillonnant et passionné, dont l'agitation intérieure se manifeste par des notes lancées à pleine voix. Je pense que dans la série de représentations, la confiance venant, le chanteur nuancera davantage la palette. C'est sa première ce soir et ce n'est pas toujours évident.

Eleonora Buratto

Encore une chanteuse dont l'évolution me surprend : Eleonora Buratto a bien changé depuis son Euridice montpelliéraine et sa Lisa de la Somnambula ici même. La voix est extrêmement projetée, très ronde, et elle montre une maîtrise technique qui éblouit les oreilles. Elle varie sans cesse les couleurs, rendant son instrument coupant comme un couteau ou au contraire chargé d'harmoniques au dernier acte, sans que le soutien du diaphragme ne faiblisse jamais. Aussi à l'aise dans l'aspect belcantiste de la partition (vocalises, piqués) que dans les phrasés plus amples, elle montre d'un bout à l'autre une musicalité exquise et compose un beau personnage, sensible et émouvant.
C'est une très belle découverte et je la place parmi les meilleures que j'ai entendues dans le rôle.


Domingo Hindoyan

Domingo Hindoyan commence comme la veille, avec des tempi très retenus dès l'ouverture, mais sa lecture s'anime rapidement et il me semble qu'il relance sans cesse le discours, tout en restant à l'écoute de ses chanteurs.

Eleonora Buratto, Juan Jesús Rodríguez


Conxita Garcia, la cheffe des chœurs, et Domingo Hindoyan

Carlo Colombara

Sonia Prina

avec Arturo Chacón-Cruz

Domingo Hindoyan

avec Marco Spotti

avec Eleonora Buratto

avec Juan Jesús Rodríguez


4 commentaires:

  1. Another great performance ! Wonderful post with, as usual, the connoisseur's accurate look !
    Annie

    RépondreSupprimer
  2. C'est très intéressant de lire les critiques des deux soirées pour comparer de manière approfondie.
    Merci pour ces deux passionnants articles !
    Pierre

    RépondreSupprimer

Un grand merci de prendre le temps de laisser un commentaire. Je promets de le lire aussi vite que possible.
N'hésitez pas à signer votre message, ce sera encore mieux : je n'ai AUCUN moyen de connaître votre nom, votre e-mail, ou votre blog.
Si vous préférez que vos coordonnées n'apparaissent pas, mais que je vous réponde en privé, utilisez le formulaire de contact, accessible sur la version web du blog.