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mardi 23 juillet 2019

Aix en Provence: La Collection Thannhauser du Guggenheim (Hôtel de Caumont)


 Après l'exposition Nicolas de Staël l'an dernier et Marc Chagall cet hiver, le splendide Hôtel de Caumont accueille un événement, la première venue en Europe de la collection Thannhauser exposée au Guggenheim.



Dans l'Hôtel de Caumont



Mes photos d'intérieur de l'an dernier n'étant pas fameuses, j'en profite pour en remettre quelques-unes.


Une petite piqûre de rappel : cet hôtel particulier fut édifié par Robert de Cotte, l'architecte de la chapelle du Château de Versailles et de la Place Bellecour à Aix.


L'escalier est baigné de lumière grâce à une immense verrière.



Le salon de musique s'enorgueillit d'un magnifique clavecin décoré.











Le Guggenheim de New York


C'est dans ce fameux musée de la 5th Avenue, impressionnante réalisation de Frank Lloyd Wright, que cette collection est habituellement présentée. C'est bien dommage qu'aucune photographie de ce bâtiment emblématique ne soit visible dans l'exposition.


Qu'à cela ne tienne, je vais profiter pour insérer quelques photographies prises en 2010, soit bien avant le début du blog. Depuis, il n'est plus possible de sortir son appareil à l'intérieur du bâtiment.



Et c'est bien regrettable car son graphisme le rend extrêmement photogénique…
















Je n'ai évidemment pu mettre aucune photo de la collection Thannhauser in situ, mais tous les visiteurs du Guggenheim n'ont pu la manquer. C'est la seule à être visible en permanence, et elle réside dans une aile spéciale, la Thannhauser Wing. Je présume que c'est à la faveur de travaux que la collection a pu ainsi voyager.

Les Thannhauser


Sans aucun rapport avec l'opéra de Wagner (qui s'orthographie différemment, Tannhäuser), les Thannhauser étaient des marchands d'art allemands.


Heinrich avait ouvert une galerie à Munich, qui avait présenté une rétrospective Van Gogh, pios Gauguin (incluant Haere Mai), et s'était déjà intéressé au jeune Picasso.


Le fils Justin qui partageait l'intérêt de son père étudia à Paris auprès de Bergson ; fidèle du Café du Dôme, il y rencontra les galeristes parisiens ainsi que Matisse, dont il organisa ultérieurement une importante exposition à Berlin.

Il ouvrit ensuite une galerie à Lucerne avec son cousin, et surtout une à Berlin, bouillonnante capitale artistique en ces années 1920. Les expositions spéciales qu'il organise reprennent Van Gogh et Gauguin tout en s'élargissant aux peintres contemporains : Kandinsky, George Grosz, et même Otto Dix. Trois galeries à Berlin sont finalement ouvertes.



L'arrivée au pouvoir du IIIe Reich stoppe net ce succès. Justin décide de vendre sa collection d'art classique afin de payer pour sauvegarder celle d'art moderne, considéré comme "dégénéré" par les autorités. Il s'enfuit à Paris où il ouvre une galerie rue de Miromesnil. Il poursuit son exode vers la Suisse et ouvre enfin une galerie à New York.


Malgré un grand nombre de tragédies personnelles (les morts de sa femme et de ses deux fils), Justin poursuit son activité et s'intéresse toujours aux artistes vivants. Il fait connaître Louise Bourgeois, est ami avec Jean Renoir ou Pablo Picasso qui lui dédicace photos et tableaux.


Plusieurs années avant sa mort, Justin décide de léguer une large partie de sa collection au Musée Guggenheim dont son ami Thomas Messer est directeur.


Toute la collection ne s'est pas déplacée dans l'exposition qui compte une cinquantaine d'œuvres (c'est une estimation, je n'ai pas réellement compté). Il manque un Madame Cézanne par son époux, de beaux Vuillard… Et, si Picasso est abondamment représenté ici, il l'est bien davantage dans la Thannhauser Wing. Cela n'ôte rien à une exposition exceptionnelle, et je suis certain que de nombreux visiteurs contemplent ces œuvres pour la première fois.

La collection Thannhauser

Paul Cézanne


Paul Cézanne, L'Homme aux bras croisés

 Retour au bercail pour le peintre aixois, avec des œuvres majeures qui illustrent les différentes tendances : ce portrait d'un ouvrier-artiste, traité en solides volumes, fut le premier tableau de la collection à entrer dans le musée.

Paul Cézanne, La Route tournante en sous-bois

Peinture au couteau avec une palette étonnamment fraîche pour représenter, non pas la Provence, mais Auvers-sur-Oise où le peintre s'était installé.

Paul Cézanne, Bibémus

 Palette plus attendue, en ocre et vert, pour ce lieu aixois souvent représenté.

Paul Cézanne, Environs du Jas de Bouffan

Paul Cézanne, Assiette de pêches

Deux natures mortes complètent la série. Variations sur un même thème…

Paul Cézanne, Flasque, verre et poterie

Georges Seurat


Georges Seurat, Paysannes au travail

Si Seurat est scandaleusement rare dans les musées français, il est bien représenté aux Etats-Unis. Plusieurs œuvres dans la collection, qui montre ce travail expérimental vers le pointillisme.

Georges Seurat, Paysanne assise dans l'herbe

Georges Seurat, Paysan à la houe

Edouard Manet


Edouard Manet, Femme en robe à rayures

 Cette peinture récemment restaurée montre une robe pleine d'éclat, traitée à grands traits. Le modèle est inconnu, le tableau inachevé, mais le sujet semble bien ce vêtement. On sait que Manet était très attentif à la mode.

Edouard Manet, Devant la glace

Portrait plein de mystère d'une femme au visage indiscernable, qui fait du spectateur le voyeur d'un moment d'intimité.

à gauche : Aristide Maillol, La Femme au crabe
puis Edgar Degas, Femme assise / Danse espagnole / Danseuse s'avançant les bras levés

J'ai toujours l'impression que Degas sculpteur est bien plus représenté aux Etats-Unis que chez nous ! On connaît beaucoup plus ses danseuses que ce pan essentiel de son œuvre, adopté par nécessité lorsque sa vue déclinante ne lui permettait plus la précision du trait.

Auguste Renoir


Auguste Renoir, La Femme à la perruche

Je n'adore pas toujours Renoir mais les deux tableaux présentés sont de belle facture. La femme à l'oiseau rejoint un thème présent depuis le XVIIe siècle, deux captifs dans un même cadre, alors que les fritillaires, fleur à la mode chez les Impressionnistes, éclatent dans la nature morte.

Auguste Renoir, Nature morte : Fleurs

Vincent van Gogh


Vincent van Gogh, Le Viaduc, Asnières

 Van Gogh allait souvent rendre visite à son ami, le peintre Emile Bernard, qui habitait Asnières, et cette toile montre un point de vue étonnant. Le viaduc et la rue emplissent tout le cadre, ne laissant au ciel qu'une portion infime.

Vincent van Gogh, Paysage enneigé, Arles

Van Gogh se rendit à Arles, ma ville natale, pour y trouver la lumière méridionale mais, à son arrivée durant l'hiver 1888, la neige avait envahi la Provence. Il me semble identifier le lieu de cette peinture, un chemin vers la colline de Montmajour.

Vincent van Gogh, Montagnes à Saint-Rémy

 Célèbre toile représentant les collines des Alpilles. Le terme de montagne me paraît un peu hyperbolique ici ! Van Gogh peignit ce tableau pendant son internement à l'asile Saint-Paul, à Saint-Rémy. Une belle toile pleine de vigueur, avec des tons chauds équilibrés par le bleu du ciel.

Paul Gauguin, Haere Mai

 Gauguin avait quitté Pont-Aven pour Tahiti où il s'installa dans le village de Mataiea, sans doute représenté ici. C'est l'image d'un monde exotique avec un palmier bien en évidence, mais j'y vois encore les couleurs de Pont-Aven. Nous sommes loin des femmes sur la plage et des divinités maori. Mais le titre Haere Mai (Viens ici ou Bienvenue selon les traductions) annonce une foule de peintures à venir.

Francis Picabia, Mistinguett

Sans doute le portrait le plus réussi de la diva de la scène…

Henri Matisse, Nu, Paysage ensoleillé

Un Matisse très épuré, aux formes réduites, vraiment moderne pour un tableau de 1909.

André Derain, Portrait de jeune homme

Un beau portrait plus cubiste que fauviste, très économe en couleurs.

Paul Klee, Parterre de fleurs

 Klee surprend toujours. Après avoir vu des dizaines de ses œuvres, des expositions monographiques, je ne parviens pas toujours à le reconnaître… Un des plus incroyables expérimentateurs de l'histoire de l'art.

Franz Marc, Vache jaune

Marc s'inscrivit dans un courant de retour à la nature (en réaction à l'industrialisation galopante) en choisissant majoritairement animaux et végétaux, mais marqua sa singularité par l'emploi d'une palette audacieuse, vibrante et dynamique.

Vassily Kandinsky, La Montagne bleue

En pleine période "Blaue Reiter" (le cavalier bleu, nom donné au mouvement), une somptueuse toile colorée par un peintre russe installé en Allemagne. Peintre fascinant et en recherche permanente dont les propositions marquèrent l'histoire de l'art. J'adore ce tableau que je revois avec grand plaisir !

Le Douanier Rousseau


Henri Rousseau dit Le Douanier, Les Artilleurs

Henri Rousseau, ce douanier qui ne voyagea jamais, ne peignit pas que des thématiques orientales. La critique rejeta cet iconoclaste qui n'était pas passé par les Beaux-Arts mais les jeunes artistes avant-gardistes fêtèrent ce style nouveau et sans équivalent.

Henri Rousseau dit Le Douanier, Les joueurs de football

 Malgré le titre du tableau, ce sont bien des rugbymen qui sont représentés ici. Rousseau s'intéressait à la modernité, et le sport devenait une activité à la mode, déjà marquée par le nationalisme.

Claude Monet, Le Palais Ducal vu depuis Saint Georges le Majeur
 Un superbe tableau du voyage de Monet à Venise, qui montre combien il avait bien observé Turner. Le cartel cite une phrase du peintre : " Le palais qui figure dans ma composition n'était qu'une excuse pour peintre l'atmosphère".

Georges Braque


Georges Braque, Paysage près d'Anvers

Braque expérimenta le fauvisme pendant son séjour à Anvers. Heinrich Thannhauser fut le premier à présenter ce courant en Allemagne.

Georges Braque, Guitare, verre et compotier sur un buffet

 C'est Braque qui reçut le premier le qualificatif de cubiste, attribué par Matisse à ses Maisons à l'Estaque. Il développa ce courant dans des natures mortes promises à un avenir durable.

Georges Braque, Nature morte

On voit bien la proximité avec Picasso ici.

Georges Braque, Théière sur fond jaune

Une toile éclatante que j'avais complètement oubliée.

Robert Delaunay, La Ville

Vers 1910, Delaunay réalisa plusieurs séries, dont une fameuse sur la Tour Eiffel. Celui-ci fait partie d'un ensemble sur la ville, devenue un patchwork géométrique accentué par l'utilisation du damier.

Juan Gris, Les cerises

Tableau représentatif de ce cubisme enrichi par le collage, qui travaille les textures en réinventant les formes.

Pablo Picasso


Picasso et les Thannhauser, c'est une longue histoire. La collection se divise en deux parties distinctes, les toiles du tout début du siècle acquises par Heinrich et les plus tardives achetées par Justin, devenu ami de Pablo.

Pablo Picasso, Le 14 juillet

Cette toile de 1901met en valeur les couleurs du drapeau français, thème obligé d'un sujet traité par Bonnard comme par Dufy. Eblouissante de maîtrise, elle réussit à être extrêmement peinte tout en demeurant tout à fait identifiable.

Pablo Picasso, Le Moulin de la Galette

Le Moulin de la Galette était une guinguette, une salle montmartroise que fréquentaient aussi de nombreux artistes. Plusieurs le peignirent, Van Gogh, Renoir, Toulouse-Lautrec évidemment ou les Catalans devenus parisiens comme Ramon Casas.

Cette peinture expose un tout autre style que la précédente avec ses contours fondus et ses femmes à la Van Dongen.

Pablo Picasso, Au Café

Et encore une autre manière avec ce dessin au crayon !

Pablo Picasso, El Picador

Une toile de 1900 ébouriffante de simplicité.

Pablo Picasso, Le Homard et le chat

Seconde période avec les acquisitions de Justin. Ce tableau lui fut offert par Picasso lors de son remariage en 1960.


Il porte la dédicace "A Justin Thannhauser, son ami Picasso".

Pablo Picasso, Paysage de Céret

Paysage cubiste de 1911, lorsque Braque et Picasso séjournaient sur le littoral pyrénéen.

Pablo Picasso, Nature morte : Fruit et pot

Contours fortement marqués et couleurs vives pour cette nature morte de 1939.

Pablo Picasso, Nature morte : Compotier et cruche

Encore plus résolument cubiste, cette autre de 1937.

Pablo Picasso, Deux pigeons aux ailes déployées

Comme chez Miro, les oiseaux sont un motif récurrent dans la peinture de Picasso. Le musée de Barcelone expose une large série de colombes.

Pablo Picasso, Jardin à Vallauris

Et justement, cette peinture de Vallauris me rappelle beaucoup les vues qu'il exécuta de son colombier.

Pablo Picasso, Femme dans un fauteuil

Un souvenir d'Antiquité pour ce portrait réalisé pendant un séjour romain.

Pablo Picasso, Fernande à la mantille noire

Sans cesse Picasso part dans d'autres directions… Portrait un peu triste mais sensible d'une des femmes de sa vie, Fernande Olivier. Les peintures grises de Picasso sont moins connues que les bleues ou les roses mais on en voit régulièrement.

Pablo Picasso, Femme aux cheveux jaunes

Et pour terminer, une peinture très simplifiée avec une courbe sensuelle, qui évoque le style de Matisse. Les deux artistes ont mené des chemins parfois identiques, parfois opposés, mais chacun connaissait bien le travail de l'autre.

8 commentaires:

  1. Having read this I thought it was really enlightening.
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  2. Our national collection in your area! Outstanding!
    I especially love the Picassos.
    Thanks for your great article.
    Annie

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    1. These Picasso's paintings are very different and very interesting, I agree with you!
      Thanks Annie.

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  3. Magnifique série de chefs-d'œuvre. Un superbe article ! Grand merci pour cette riche publication.
    Pierre

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    1. Grand merci à vous pour ce commentaire enthousiaste, Pierre !

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  4. Article très intéressant, bien plus complet que tous ceux que j'avais trouvés. Très bonne idée de mettre des photos du Guggenheim.
    Magnifique blog !

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    1. Très aimable message, cher Anonyme. J'ai fait de mon mieux pour compléter les articles épars.
      Un grand merci !

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