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lundi 26 octobre 2020

Vienne : Die Zauberflöte (La Flûte Enchantée) au Volksoper

 

Aujourd'hui, c'est World Opera Day, la journée mondiale de l'opéra. J'ai de la chance : alors que tant de maisons sont fermées, je peux assister à un spectacle. J'ai vu plusieurs représentations de Die Zauberflöte, La Flûte Enchantée, au Volksoper de Vienne, mais c'est aujourd'hui la toute nouvelle production qui est proposée, inaugurée il y a quelques jours seulement.

 

La nouvelle production de Henry Mason

 

Henry Mason a visiblement longuement travaillé son projet et il déborde d'idées. Sa conception repose sur l'utilisation de marionnettes originales (des animaux inhabituels, les trois garçons qui finiront par prendre chair, et même la flûte ailée). Le serpent animé par les marionnettistes, toujours à vue, est particulièrement convaincant.

 


 

Sarastro est une sorte de dictateur africain à qui on obéit au doigt et à l’œil, qui apparaît entouré de ses fidèles et d'ivoires gigantesques. L'alternance de décors est réalisée avec une tournette, qui tourne un peu trop comme c'est souvent le cas, mais qui permet l'alternance rapide des scènes. L'opposition entre l'univers lumineux et doré, clinquant, et le monde nocturne qui deviendra peu à peu un jardin, est clairement exprimée.



 

Des idées à la pelle donc. Les Dames, corps armé de la Reine, qui agitent leurs mitraillettes. La Reine elle-même, qui devient une déesse Kali pendant sa scène de la vengeance. Les Dames qui interviennent pour ramener Pamina alors que celle-ci refuse. Tamino qui "accompagne à la flûte" sa bien-aimée pendant le Ach, ich fühl's. Les épreuves, des projections colorées sur les sbires du dictateur parmi lesquels circule le couple. D'ailleurs, dans la seconde, Pamina finit par saisir elle-même la flûte.


 

Papagena, d'abord vieillarde sortie par ses infirmiers, qui se reconstitue ensuite par morceaux en sortant d'une malle de théâtre... Très jolie image d'ailleurs. Leurs enfants qui se multiplient durant le duo plantent des fleurs partout sur scène, qui devient un jardin enchanté.


Peut-être trop d'idées donc tant parfois les scènes sont saturées de propositions, mais c'est très stimulant de voir que l'opéra a été ainsi réfléchi et analysé avec un regard neuf. Ce n'est pas la première fois que je vois un Sarastro négatif et je me demandais ce qu'il  allait devenir à la fin de l’œuvre. Finalement, c'est le jardin fleuri qui semble l'emporter sur les totalitarismes. Flower Power. Peut-être une métaphore de l'art.

Un rapprochement intéressant, même s'il  n'est pas nouveau, entre Tamino et Orphée ; il attire tout au long de l'opéra les animaux avec sa flûte. Alors qu'on cherche à renvoyer sa chérie dans la nuit, il obéit et l'entraîne sans se retourner. Il sait que la désobéissance peut être fatale à leur couple.

Dans une vision contemporaine de l’œuvre, je ne peux manquer des signes notables : plus de Noir pour Monostatos (Black Lives Matter a changé la perspective, sans doute définitivement) mais, assez intelligemment, un anti-Papageno au costume inversé. Le rôle de la femme, particulièrement souligné avec une Pamina finalement maîtresse de son destin.

 

Une distribution épatante

 

 

A Vienne, les garçons sont toujours interprétés par des solistes des Wiener Sängerknaben, les légendaires Petits Chanteurs de Vienne. Au fil des années et des représentations ici, les garçons changent, mais toujours une exceptionnelle qualité comme on en entend rarement. Le soprano 1 a une projection étonnante et l'alto une très belle couleur dans les graves, mature et sonore.


Daniel Ohlenschläger, David Sitka

 

La riche troupe du Volksoper est mise à profit dans cette œuvre à la large distribution, et c'est toujours l'occasion de vérifier sa santé. Impeccables Prêtres de Daniel Ohlenschläger et de David Sitka.


Yasushi Hirano, Alexander Pinderak
 

Yasushi Hirano, Prêtre et deuxième Homme armé, est parfait comme toujours ; le second Homme armé est le fidèle Alexander Pinderak, que j'avais jadis vu ici en Tamino, il y a... quinze ans ? Davantage ? On constate qu'il n'a rien perdu de sa vivacité et de sa puissance ! Et le timbre a conservé toute sa couleur.

 

Karl-Michael Ebner

 

Karl-Michael Ebner, un spécialiste du rôle, propose un Monostatos hystérique très réussi.


Juliette Khalil

 

Papagena, c'est un rôle en or. Quelques scènes seulement, un seul duo, mais l'occasion d'une composition mémorable et toujours un grand succès à l'applaudimètre. Bravo à Juliette Khalil !


Rosie Aldridge, Manuela Leonhartsberger, Cornelia Horak

 

Les trois Dames, d'âge différent (une bonne idée), forment un trio efficace et équilibré. Cornelia Horak, Manuela Leonhartsberger et Rosie Aldridge se partagent les lauriers.


Stefan Cerny
 

Je suis ravi d'entendre Stefan Cerny, repéré depuis longtemps dans la troupe, dans un rôle à sa mesure. C'est une basse plus lumineuse que sombre (ce qui convient aussi à Sarastro) à la voix très projetée et surtout sonore sur la totalité de la tessiture, alors que les graves de sa partition sont parfois émis par d'autres de manière plus confidentielle. Beau legato aussi, indispensable à ses deux airs d'une grande noblesse. Gratuliere, Stefan !


Anna Siminska

 

La Reine de la Nuit tente toutes les coloratures et c'est aussi un rôle remarquablement payant pour peu qu'on ait le contre-fa assuré. Cependant on y propulse parfois des jeunes filles à la voix fraîche davantage taillées pour Zerbinette. Pour que j'ai mon content, il me faut un peu de dramatisme dans la voix. Ah, et je suis intraitable sur le gruppetto avant les piqués, je veux entendre toutes les notes  ! Mais ce soir, je suis servi avec Anna Siminska, parfaite de précision et d'efficacité, pas du tout décontenancée par la chorégraphie qu'elle doit exécuter pendant son Der hölle Rache.


Jakob Semotan

 

Je pense à Schikaneder avec Jakob Semotan. Pas la plus grande ni la plus belle voix du monde, mais un comédien-né, drôle et attendrissant, qui fait de la salle son complice et emporte l'unanimité. Très juste de ton et d'expression.


Martin Mitterrutzner

 

Décidément, je n'aurai entendu Martin Mitterrutzner que dans des rôles mozartiens ! Après son Don Ottavio viennois, son Ténor solo aixois, le voilà idéal dans un Tamino sans mièvrerie,  élégant et beaucoup plus mature qu'à l'ordinaire. Vocalement, c'est magnifique de bout en bout, avec jeu subtil de colorations, noblesse de phrasé et longueur de voix.

 

Rebecca Nelsen

 

Rebecca Nelsen chante Pamina avec style et musicalité, et se coule dans cette vision qui affirme le personnage. Son air est particulièrement bien architecturé, dans une progression constante.

 

Anja Bihlmaier

 

Anja Bihlmaier fait de son orchestre un vrai protagoniste de l'action, princier quand il le faut, agité, vivant, remué de soubresauts. Ces accords qui claquent pendant Der hölle Rache, on ne les entend pas souvent ! 

Les forces de la maison sont, comme toujours, sans l'ombre d'un reproche, chœurs unis, orchestre coloré. Un vrai plaisir.

Bref, une passionnante représentation.


Daniel Ohlenschläger, David Sitka, Alexander Pinderak

Yasushi Hirano, Karl-Michael Ebner

Stefan Cerny, Anna Siminska

Stefan Cerny, Juliette Khalil

Cornelia Horak, Manuela Leonhartsberger, Anna Siminska

Jakob Semotan, Rosie Aldridge, Rebecca Nelsen

Juliette Khalil

Alexander Pinderak, Yasushi Hirano


Martin Mitterrutzner

Rosie Aldridge

David Sitka

Manuela Leonhartsberger

la joueuse de Glockenspiel, Manuela Leonhartsberger, Anja Bihlmaier

Rebecca Nelsen

Daniel Ohlenschläger

Jakob Semotan

4 commentaires:

  1. I am jealous. What a performance!
    You are a lucky man!
    Thanks for your excellent post.
    Sophia

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  2. Wonderful. Mozart 's Magic Flûte in Mozart' s Town, what a great affair!
    Excellent post, thanks!
    Annie

    RépondreSupprimer

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