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samedi 24 octobre 2020

Vienne : Porgy and Bess (Theater an der Wien)

 Je reviens au Theater an der Wien pour un opéra que je n'ai pas vu depuis une dizaine d'années, Porgy and Bess



Même s'il fait vivre les descendants de George Gershwin (qui ont même déposé le nom de famille comme une marque) depuis des années, Porgy and Bess n'est finalement pas si souvent donné chez nous. L'Opéra de Lyon l'avait monté mais je ne l'avais pas vu. En fait, je n'ai assisté qu'à trois représentations : une tournée dans les années 1980, une version à Londres et une à Berlin. C'est donc seulement ma quatrième, c'est peu.


Le Theater an der Wien réussit à bien remplir sa salle en respectant les nouvelles règles ; distanciation, gel, masque pour tout le monde. Il me faut faire réimprimer mon billet, une nouvelle place m'ayant été attribuée, mais ce n'est pas grave. 

Une bonne solution qui sauve le monde culturel, et bien acceptée par le public. 

Nouvelle production de Matthew Wild

Matthew Wild envisage l'opéra d'un œil dénué de parti pris et renouvelle vraiment la perception de l’œuvre. La difficulté à monter Porgy, c'est l'alternance de scènes de grand ensemble et de gros plans sur les personnages, avec une action qui se démultiplie sans cesse (je trouve que c'est un texte très cinématographique, qui évoque effets de caméra et de montage à la lecture). 

Il exploite l'astucieux décor de Katrin Lea Tag, fait de conteneurs empilés comme les cubes d'un jeu de construction et peints uniformément, qui deviennent les logements des personnages. Un réverbère au centre suffit à s'ancrer dans la ville.

La fameuse tournette du Theater an der Wien fonctionne comme toujours, mais pour une fois avec parcimonie et pertinence.  Les deux faces des conteneurs ne sont pas identiques mais elles créent des espaces différents, et pour une fois ouverts sur le public. Les décors précédents que j'avais vus montraient toujours une cour, qui enfermait l'action.

Les éclairages savants (Bernd Purkrabek) permettent d'élaborer de convaincantes scènes nocturnes et de resserrer l'intimité. C'est réussi.


La grande difficulté donc pour un metteur en scène est d'envisager ce double aspect d'oeuvre chorale et d'opéra intime, et Wild y parvient grâce à une mise en place impeccable où s'insère la chorégraphie de Louisa Ann Talbot et à une direction d'acteurs très soignée. Les scènes autour de Bess, objet du désir pour les mâles de l'oeuvre sont aussi efficaces que les interventions de la pétulante Maria.

Les costumes et la scénographie renvoient à notre époque, mais je ne dirais pas qu'il s'agisse vraiment d'une transposition. K.L. Tag nous présente nos codes contemporains pour que nous les identifiions, mais le propos, me semble-t-il, vise surtout à universaliser la thématique plus qu'à la contextualiser. Programmer cet opéra fut sans doute décidé il y a plusieurs années, mais en 2020, cru marqué par Black lives matter, cela fait particulièrement sens.


La distribution

Opéra choral donc, vingt-deux personnages plus les choristes et danseurs ; une troupe nombreuse, caractérisée par la haute qualité générale. Chaque rôle est véritablement incarné par un artiste engagé. D'ailleurs, dans les scènes d'ensemble, où qu'on regarde, il se passe toujours quelque chose, ne serait-ce que sur les visages.

Sani Muliaumseali'i, Ronald Samm, Calvin Lee, Themba Mvula, Sarah Jane Lewis, Felicity Buckland, April Koyejo-Audiger, Njabulo Madlala, Msimelelo Mbali, Siphesihle Mdena composent ce village de personnages avec conviction et engagement.

Impossible de ne pas souligner les qualités vocales de tous ces chanteurs qui participent à la réussite de l'ensemble.


J'ai entendu plusieurs fois Ryan Speedo Green (les dernières, dans Semiramide au Met et Macbeth au Staatsoper) et il confirme ses qualités ; grande voix de basse, chaude et très timbrée, dons d'acteur, un bel interprète.

Brandie Sutton incarne Clara, la jeune maman qui interprète à plusieurs reprises le tube de l'opéra Summertime. Elle le fait avec grâce et naturel et ses aigus éthérés apportent beaucoup de charme.

J'ai également entendu à plusieurs reprises Tichina Vaughn (notamment dans l'Elektra du Met). Sa voix puissante et sa gouaille conviennent bien au personnage, qu'elle anime avec beaucoup de personnalité. Inoubliable !

Belle réussite également pour le Sportin' Life de Zwakele Tshalabala, élégant timbre de ténor au service d'un personnage félin et haut en couleurs.

Je ne connaissais pas Mary Elizabeth Williams et c'est une belle découverte. Elle met son timbre cuivré et riche de soprano dramatique au service des grands rôles pucciniens et verdiens (Tosca, Leonora, Lady Macbeth ou Abigaille) où j'aimerais bien l'entendre. Sa Serena est magnifique d'intensité et de dignité.


Crown, c'est le baryton Norman Garrett, lui aussi convaincu et convaincant dans un des personnages de l’œuvre que je trouve les plus délicats à aborder.

J'avais vu Jeanine de Bique il y a plusieurs années dans de petits rôles (Giannetta, Barbarina) au Wiener Staatsoper et elle a depuis étoffé sa carrière avec Rodelinda, Jephta ou Poppea. Très belle incarnation, extrêmement vivante et sensible, avec un timbre uni et coloré.

Eric Greene se coule dans un émouvant et intense Porgy, visiblement très concerné par son personnage. Je trouve que ce rôle d'infirme n'est pas un cadeau et qu'il faut le doser avec modération. Metteur en scène et artiste se sont apparemment concertés pour une interprétation sobre mais dense, pour en faire un être blessé à vif qui décide de suivre son destin, Bess en l'occurrence.


Chœurs originaires du Cap et Wiener Kammerorchester, augmenté pour l'occasion de saxophones, banjo et batterie, font merveille. Il faut reconnaître que c'est un expert qui est  la baguette, le britannique Wayne Marshall qui connaît cette musique à fond et la traite avec amour et conviction. Je l'avais entendu il y a vingt ans à la Philharmonie de Berlin dans un concert Gershwin, déjà !


Sarah Jane Lewis


Mary Elizabeth Williams

Zwakele Tshalabala


Jeannine de Bique

Eric Greene, Tichina Vaughn

Brandie Sutton

avec Tichina Vaughn, Eric Greene, Brandie Sutton

Wayne Marshall


Avec April Koyejo-Audiger

Calvin Lee


1 commentaire:

  1. Great performance! I'd like to watch this opera!
    Thanks for your great and inspiring post.
    Annie

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