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dimanche 25 octobre 2020

Vienne : Don Pasquale (Wiener Staatsoper)

Quasiment un an après Macbeth, je retrouve l'Opéra de Vienne pour un de ses grands succès, Don Pasquale

 

Les opéras bouffes font partie de la tradition du Staatsoper, théâtre de répertoire qui en truffe abondamment ses saisons. Barbiere di Siviglia, Elisir d'amore sont donnés chaque saison et depuis sa création, cette production est reprise chaque année. Je l'avais vue à l'époque, en 2015, avec Michele Pertusi, Valentina Nafornita et Juan Diego Flórez.

La production d'Irina Brook

Irina Brook, qui avait donné l'an dernier un Midsummer Night's Dream très réussi, avait imaginé un vaste bar terne comme cadre de l'action. Malatesta y vient masser Don Pasquale (scène hilarante) et lors de la réfection des lieux sur les souhaits de Dorina, le décor se pare de rose et de tapis zébrés.

Pour la scène du jardin, des palmiers également roses viennent s'y ajouter et ce décor d'un mauvais goût assumé rencontre toujours un grand succès.

La direction d'acteurs est excellente, même pour les figurants (les serviteurs de Don Pasquale sont impayables) et la mise en scène est truffée de gags efficaces. Cependant je trouve toujours que, hormis pendant l'ouverture où  on voit une clientèle éméchée quitter les lieux avec difficulté, l'idée du bar n'est pas suffisamment exploitée et, finalement, ne change guère de l'habituel intérieur du barbon.

On rit beaucoup, on passe une bonne soirée et c'est déjà beaucoup ! Irina Brook est suffisamment fine pour ne pas proposer des caricatures et laisser deviner des parts d'ombre, le contrat est rempli.

Distribution soignée

Adam Plachetka, Dmitry Korchak, Slávka Zámečníková, Nicola Alaimo

Quelques modifications dans la distribution n'ont pas posé de problème. Dans le rôle du notaire, je découvre un très jeune chanteur allemand qui semble sortir du collège ; Roman Astakhov n'a que vingt-et-un ans et la voix se polira sans doute ultérieurement, mais elle est déjà bien projetée et colorée. A suivre !

Adam Plachetka

Boris Pinkhasovich était initialement programmé et c'est finalement Adam Plachetka que j'entends en Malatesta, le docteur qui manigance le stratagème. Je l'ai souvent entendu, ici ou ailleurs (et même au Met) et il a chanté plusieurs fois le rôle dans les saisons précédentes. C'est un bon artiste, tant acteur que chanteur. Je suis surpris de l'évolution de sa voix, plus sombre, et j'ai le sentiment qu'il pourrait envisager d'élargir son répertoire. Il incarne parfaitement un Malatesta tourbillonnant et phrase son Pura siccome un angelo avec un style bien maîtrisé.

La voix de Dmitry Korchak, de retour en Ernesto, a également bien évolué depuis que je l'ai vu la première fois, dans un Barbiere di Siviglia à Marseille. Je l'ai suivi assez régulièrement et l'ai souvent entendu sur cette scène. Werther et Hoffmann conviennent sans doute aujourd'hui davantage à sa vocalité mais c'est un bel artiste, doté d'une séduisante voix lumineuse, et un excellent technicien qui sait alléger ses aigus, enchanter le public de belles messe di voce ; il construit l'interprétation de ses airs avec science, d'où un élégant Cerchero lontana terra.

Slávka Zámečníková

La jeune Slávka Zámečníková est une nouvelle recrue de la troupe et j'ignorais jusqu'à son nom encore récemment. C'est une vraie pépite, une jeune fille ravissante et gracieuse à la voix fruitée et fraîche, émise avec franchise sur toute la tessiture. Elle aborde le suraigu avec prudence et elle a raison ; ses aigus purs et sa musicalité nous valent un Quel guardo il cavaliere justement applaudi. Et ses transformations nous montrent un vrai potentiel comique ! Je préfère toujours dans Norina une voix équilibrée qu'une colorature aux aigus dardés, et je suis servi.

Nicola Alaimo

A l'origine, Erwin Schrott était annoncé, et j'ai le plaisir de retrouver Nicola Alaimo qui campe un barbon de première classe. Certes, il est loin des soixante-dix ans du rôle, mais ce solide interprète de Paolo Albiani, de Rigoletto ou de Guillaume Tell a plusieurs cordes à son arc. Il maîtrise parfaitement les ficelles de l'opéra bouffe et se déjoue du sillabando rapide dont son rôle est émaillé. La franchise de l'émission et la santé de sa voix nous éloigne des interprètes décatis qui ne proposent qu'un parlando rythmé et il sait révéler les fêlures derrière sa composition bouffe. Vraiment une très belle interprétation.

Marco Armiliato

La réussite de la soirée tient beaucoup au chef Marco Armiliato, qui dirige avec amour cette musique, se montre toujours à l'écoute des chanteurs, choisit des tempi impeccables et les tient sans laisser la machine s'emporter. L'orchestre est parfait, avec toujours un beau pupitre des vents si exposé dans cette musique.

Une très belle soirée donc !


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