Mon troisième Oniegin de l'année, après celui de Moscou en février... Me voici au Staatsoper pour la nouvelle production de ce merveilleux opéra.
J'ai assisté à plusieurs représentations d'Evgeny Oniegin au Staatsoper, dont une fabuleuse avec Dmitri Hvorostovsky et Anna Netrebko, mais aussi un inoubliable trio Simon Keenlyside-Tamar Iveri-Ramon Vargas, dirigés par Ozawa, entre autres... La production était efficace et pas inintéressante mais visuellement très sombre et elle avait fini par perdre de son pouvoir. Il était temps d'en proposer une nouvelle.
Production de Dmitri Tcherniakov
Présente dès avant l'ouverture, la scène montre une vaste salle à manger qui m'évoque celle de Tolstoï à Moscou.
Un décor XIXe dans des tons crème, souvent montré dans cet opéra. Cependant la production est loin d'être une réplique de précédentes, tant s'en faut. La grande table ovale sera là jusqu'à la fin. Les convives autour sont les paysans qui chanteront le magnifique chœur du premier acte, invités par Mme Larina. Tatiana se met volontairement à l'écart : elle est à part de cette société, hors de ce monde, comme étrangère.
L'arrivée de Lenski et d'Oniegin montre le déséquilibre entre les deux : Lenski, modeste et sensible, et Oniegin, bel indifférent au port olympien.
Elle s'anime pendant la scène de la lettre et grimpe sur la table pendant que le vent agite les rideaux. Une vraie scène de romantisme pur (je parle du mouvement artistique et non de son sens galvaudé), qui propose une clef intéressante pour le personnage de Tatiana, qui ne supporte pas la société et s'épanouit dans cette nuit romantique.
La réponse d'Oniegin met fin à ses attentes. Définitivement. Elle reste prostrée, de nouveau à l'écart, ce que la scène de l'anniversaire va confirmer.
Le duo Oniegin / Tatiana est glaçant : chacun est au bout de la table, la désinvolture du jeune homme les met à distance physiquement. Les chaises vides deviennent des marqueurs sociaux.
Ô surprise, pas de Triquet mais c'est Lenski qui endosse le rôle et chante ses couplets, en russe d'ailleurs. Lenski est arrivé avec une pochette de textes manuscrits et tout le monde se moque de lui, Olga la première et il se retrouve complètement écarté. Quant à Tatiana, une fois qu'elle a reçu le cadeau d'Oniegin, elle demeure immobile, debout sur une chaise, le cadeau dans les mains.
Je trouve excellent ce parallèle entre Lenski et Tatiana, deux "écrivains", deux personnages "différents", deux proches finalement. Tcherniakov suggère en filigrane que les couples logiques, ce seraient plutôt Lenski/Tatiana et Oniegin/Olga.
Le duel se déroule dans la même pièce, avec ce qu'il reste de convives plus ou moins avinés. Une vieille dame semble manifester de l'intérêt pour Lenski et son témoin Zaretski s'endort sur le canapé. Une seule carabine que se disputent Lenski et Oniegin. Le coup part, Lenski est mort.
Je me demandais si ce serait une version sans entracte mais finalement il a lieu, pour pouvoir installer le magnifique palais de Gremine, un très chic rouge et blanc.
Autres lieux, même scène qu'au début. C'est cette fois Gremine qui reçoit ses invités et chante à table son splendide air. Le duo Tatiana/Oniegin les remet à distance autour de la table, en inversant les positions d'origine puisque le refus viendra cette fois de Tatiana.
Tcherniakov est souvent controversé et c'est logique car il bouleverse les idées reçues et s'emploie à analyser l’œuvre au-delà des stéréotypes, raison pour laquelle j'avais apprécié ses Troyens à Bastille ou, dans une moindre mesure, sa Carmen aixoise. Mais il connaît aussi à fond le répertoire russe et j'ai été captivé par ses propositions dans Snegurotchka, Kniasz Igor (Le Prince Igor) ou Sadko. Celle-ci est une réussite éclatante, et je me réjouis de la retrouver durant plusieurs années.
Distribution parfaite
Dan Paul Dumitrescu |
Le très fidèle Dan Paul Dumitrescu, que j'ai vu dans tant de rôles importants (Banquo, Oroveso, Bartolo, Sarastro, Brogni...) ne fait qu'une bouchée de Zaretski, avec une voix toujours aussi marquante.
Larissa Diadkova |
Filippyevna, c'est la grande Larissa Diadkova, une des plus belles mezzos russes de ces trente dernières années, une inoubliable Marfa, une grande Konchakovna, une formidable Azucena... A soixante-huit ans, elle reste une immense chanteuse. La voix a évidemment mûri, ce qui convient parfaitement au rôle, mais elle a conservé sa chaleur inimitable, sa puissance, sa palette. Et quelle présence scénique !
Merveilleuse artiste, que je suis toujours enchanté de pouvoir réentendre !
Helene Schneiderman, Larissa Diadkova |
Helene Schneiderman est une efficace Larina, avec la vocalité du rôle et une indiscutable conviction scénique.
Dimitry Ivashchenko |
Splendide basse, Dimitry Ivashchenko est un parfait Gremine : timbre de bronze, legato impérial, émotion exprimée sans débordement, douceur et autorité conjuguées.
Anna Goryachova |
Anna Goryachova possède une voix magnifique (elle doit être une Carmen rayonnante !) et compose avec précision le personnage d'une Olga légère et cruelle, méprisante envers sa sœur.
Bogdan Volkov, Anna Goryachova |
C’est justement en Lenski que j'avais découvert Bogdan Volkov, lors d'un Evgeny Oniegin venu du Bolchoï au Festival d'Aix. Il a fait bien du chemin depuis et la voix a gagné en harmoniques. Il n'a pour autant rien perdu de sa délicatesse, de son élégante palette vocale, et de son style épuré. Son Lenski, passionnément interprété, à fleur de peau, est aussi bouleversant que musicalement somptueux.
Nicole Car, Bogdan Volkov |
Anna Goryachova, Andrè Schuen, Nicole Car |
Helene Schneiderman, Larissa Diadkova, Dan Paul Dumitrescu |
Nicole Car |
Helene Schneiderman |
Tomáš Hanus |
Larissa Diadkova |
Dimitry Ivashchenko |
Andrè Schuen |
Bogdan Volkov |
Dan Paul Dumitrescu |
Tu as assisté à une représentation exceptionnelle d’Evgeny Oniegin à l’opéra de Vienne où les opéras sont toujours de grande qualité. Le Chef d’Orchestre dirige merveilleusement les chanteurs qui ont des voix parfaites pour interpréter cet ouvrage qui réclame une grande sensibilité.
RépondreSupprimerLe metteur en scène, très réputé, a fouillé l’ouvrage intelligemment, ce qui me rend l’opéra passionnant. Ainsi, grâce à toi, c’est presque comme si j’y étais.
Un très grand merci. Bisous. Mam.
Merci beaucoup ! J 'espère qu'il sera possible de le voir en ligne pour en profiter !
SupprimerGros bisous.
Je viens de l'écouter en ligne. Quelle belle représentation, que d'émotions même sur l'ordi, j'imagine en direct!
RépondreSupprimerBises. Mjo
Tant mieux que le lien ait pu fonctionner...
RépondreSupprimerJe m'étais effectivement régalé et le revoir m'a permis de profiter des gros plans!
Merci beaucoup, gros bisous.