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mardi 27 octobre 2020

Vienne : Die Enführung aus dem Serail (L'Enlèvement au Sérail) au Staatsoper



Nouveau spectacle de la rentrée, cet  Enführung aus dem Serail (L'Enlèvement au Sérail) nous offre un magnifique plateau mozartien.

Je n'avais pas vu la précédente production de 2006, avec la toute jeune Diana Damrau, et c'est un opéra que je vois pour la première fois au Staatsoper. J'aime beaucoup cette œuvre, la beauté de ses airs, le message de clémence et de tolérance qu'elle délivre. 

 

Nouvelle production de Hans Neuenfels

 

Le décor unique représente apparemment un théâtre à la peinture inachevée, signe éventuel de l'intérêt de Bassa Selim pour l'Europe, et je me dis au début que cela pourrait être une piste sur la notion de sincérité et de jeu, pourquoi pas intéressante entre la franchise intangible de Konstanze et les tromperies de Blondchen. Au début, on voit sur cette scène un magnifique morpho, ce papillon aux ailes bleues, pourquoi pas une métaphore de l'évolution de Bassa Selim ou de l'évasion généralisée ?

Les costumes des personnages accentuent largement les origines de chacun, ce n'est pas une mauvaise idée. J'aurais même pu aller plus loin et faire de Belmonte un Zorro auquel son costume m'a fait tout d suite penser !

 

La grande idée de Neuenfels repose cependant sur des doubles-acteurs, idée qui remonte aux origines du théâtre mais avec laquelle je suis toujours mal à l'aise. Ici, non seulement les acteurs disent certains dialogues des chanteurs mais s'entretiennent avec eux. Belmonte 1 et Belmonte 2 (indiqués ainsi sur le surtitrage) confèrent ensemble en s'appelant chacun par son prénom !


 

Inutile de dire que le texte a été, du coup, largement réécrit... Blondchen en vient à faire état du Panthéon anglais avec Miss Marple et Winston Churchill !


 

Quelques belles images (comme le Traurigkeit où Konstanze émerge du néant de la scène sous une fausse neige) mais beaucoup d'afféteries, voire de nonsense comme ces références à Star Wars avec un robot et ...

Dark Vador !

Et quelle curieuse idée de faire répéter à Belmonte les gestes de Selim, apportant des torches. Belmonte, sultan du harem ? Tous les hommes, des phallocrates autoritaires ? 

Non seulement cela n'apporte pas grand-chose mais on y perd le message de l’œuvre sans que j'en voie un plus probant apparaître. Dommage.


Interprétation parfaite

 

 

Les comédiens-doubleurs (Emanuela von Frankenberg, Stella Roberts, Christian Natter, Ludwig Blochberger, Andreas Grötzinger) sont excellents et leur performance ne saurait être remise en cause...

 

Christian Nickel

 

Christian Nickel est apparemment une célébrité, ma voisine (à un fauteuil de moi) n'est venue que pour lui. Il est le seul à ne pas être redoublé et il compose un personnage dangereux qui s'humanise finalement et termine en lisant un beau poème de Mörike.


Michael Laurenz

 

Pedrillo est parfois confié à des ténors à la voix petite et cela a tendance à déséquilibrer les ensembles. Rien de tel avec Michael Laurenz, parfait dans la romance In Mohrenland gefangen war.

 

Regula Mühlemann

 

Tout aussi dangereux est le rôle de Blondchen, où il faut absolument éviter une voix de soubrette et délivrer des suraigus nets mais pas stridents. Regula Mühlemann y est parfaite, équilibre de la voix, pureté du style mozartien, un vrai plaisir, y compris dans le redoutable Durch Zärtlichkeit und Schmeicheln qui ne semble pour elle qu'une formalité.


Goran Jurić

 

Osmin est un rôle-clef pour une basse profonde, semé d'embûches, réclamant puissance, endurance et maîtrise de toute la tessiture, avec des graves appuyés qui doivent bien sonner.  Et une énergie inépuisable pour venir à bout du  Ha! wie will ich triumphieren. Goran Jurić est absolument parfait, avec la voix du rôle, et un bon comédien pour évoquer à la fois la menace, le désir de vengeance, et la bêtise du personnage.

Daniel Behle

 

Les deux grands rôles de l'opéra sont de véritables parcours du combattant. Belmonte chante duo, trio, quatuor, et quatre grands airs virtuoses (Hier soll ich dich, Konstanze ! Konstanze ! dich wiederzusehen, Wenn der Freude, Ich baue ganz) qui réclament une voix longue et splendide, sachant vocaliser, avec à la fois la beauté du timbre mozartien.

Daniel Behle a fait merveille dans son disque où il donnait notamment les airs de Belmonte et il renouvelle ces qualités-là sur scène, sans paraître épuisé après un Ich baue ganz superbe de tenue, de variété de nuances et de couleurs, avec des vocalises précises et claires. Et quel enchantement que ce timbre ! Remarquable de bout en bout.

Un beau parcours pour un artiste que j'ai découvert en 2007, au Volksoper, en Tamino aux côtés du Papageno de Daniel Schmutzhard.


Lisette Oropesa

 

A Konstanze reviennent trois airs exceptionnels de difficulté et de beauté, des splendeurs de l'histoire de la musique, Ach ich liebte, Traurigkeit, et le périlleux Martern aller Arten. Je préfère les deux derniers au premier, mais c'est une affaire de goût. En tout cas, il y faut une solide technicienne, grande interprète pour apporter toutes les nuances des sentiments exprimés.

Je n'avais encore jamais entendu Lisette Oropesa dans Mozart et je m'incline devant la qualité de son interprétation, la projection maintenue en permanence, même dans les chaînes de vocalises. La noblesse du style, la musicalité, la variété des couleurs, tout est à saluer ici. Une grande interprétation, sans doute une des trois meilleures que j'ai entendues dans ce rôle.


Antonello Manacorda

 

Antonello Manacorda bénéficie d'un plateau idéal et d'un orchestre de rêve, mais il reste bien l'artisan du succès dans la vie permanente qu'il apporte au dialogue avec les chanteurs, le dosage de la turquerie et surtout la transparence de sa trame orchestrale. On entend tout, j'ai le sentiment d'un diaporama où on verrait les motifs superposés sans être jamais surexposés. C'est un travail magnifique, et quel magnifique orchestre que le sien ! Les chœurs sont également très bien, mais ce n'est évidemment pas cet opéra qui profite le mieux de leurs qualités...


Michael Laurenz

Daniel Behle

Goran Jurić

Lisette Oropesa

Emanuela von Frankenberg (Konstanze 2)

Antonello Manacorda

Regula Mühlemann


1 commentaire:

  1. Mise en scène chichiteuse. Des gadgets. Les chanteurs sauvent le spectacle et Lisette Oropesa est formidable

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