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jeudi 22 octobre 2020

Bratislava : Exposition Martin Benka

La visite du Château de Bratislava est non seulement gratuite mais pleine d'expositions temporaires fort intéressantes. Voici une rétrospective conséquente consacrée à un peintre fort peu connu en France (du moins par moi), que je découvre avec curiosité. Un parcours riche avec des tendances différentes assez caractérisées.


Martin Benka dans son atelier
 

Martin Benka est né en 1888 à à Kostolište et il est considéré comme le premier peintre à s'être écarté de la traditionnelle reproduction fidèle. Sans aller jusqu'aux expérimentations de l'abstraction, il infléchit son parcours sur plusieurs voies très différentes. Certaines influences me viennent immédiatement à l'esprit mais les panneaux ne les mentionne pas. Je fais peut-être erreur mais je proposerai néanmoins ici mes hypothèses.

Son inspiration est essentiellement basée sur les paysages et la vie rurale de sa Slovaquie natale (même si le pays n'existe pas encore, tant s'en faut, et même pas encore la Tchécoslovaquie, mais le raccourci est facile à comprendre). Cette vision s'enrichit avec des éléments symboliques et, selon la documentation fournie, il "capture les connexions intérieures invisibles de l'extérieur". Il "perçoit davantage par les émotions que par les sens". Il fut un des premiers artistes de l'est à s'investir tant dans la peinture que dans le design et fut rapidement adoubé par ses contemporains. On le reconnaît aujourd'hui comme un père fondateur de la peinture slovaque.

Comme je l'ai annoncé en préambule, j'ignore tout de cet artiste et sans doute de la peinture slovaque. Ma visite à la galerie nationale de Prague m'avait prouvé, hélas, l'étendue de mes lacunes.

Les premières années

Martin Benka, Dessins, 1896

On voit qu'à huit ans, le petit garçon avait déjà un bon coup de crayon !

Martin Benka, En Moravie slovaque, 1910

Les premières peintures sont influencées par son professeur, le peintre impressionniste Alois Kalvoda. Je ne le connais pas davantage mais j'aurais pu croire qu'il avait vu des paysages de Monet par exemple.

Martin Benka, Cour de ferme, 1917

Durant cette période de conflit, Benka se déplace dans une campagne apparemment épargnée par la guerre. Il est attiré par la plaine plus que par le relief, et il peint à coups vigoureux un paysage de fermes séculaires.

Martin Benka, Près de Hodonin, 1910

Martin Benka, Fermes à Vrbica, 1917

Martin Benka, Au bord de la mare, 1915

La fascination que l'eau inspirait aux Impressionnistes ne se manifeste que brièvement chez Benka, mais il propose des versions tout à fait canoniques du thème.

Martin Benka, Un Coin tranquille de village, 1915

Martin Benka, Une Ferme, 1915

Martin Benka, Le Courant, 1914

Ce traitement du paysage de neige me fait complètement penser à Monet. Je renvoie à nouveau à l'exposition de l'Albertina qui en avait proposé une belle série.

Martin Benka, Salle de ferme à Ratiskovice, 1916

Cette fois-ci, j'aurais bien cru à un Bonnard !

Martin Benka, Ferme avec des arbres, 1916

Martin Benka, Automne dans les vignes, 1915

Une audacieuse proposition en couleurs intenses qui me plaît beaucoup. Superbe tableau lumineux.

Martin Benka, Dans le maïs, 1915

Une autre proposition, qui associe une palette tonique à la calligraphie des feuilles.

Martin Benka, Dans la plaine près de Bratislava, 1915

Martin Benka, Sur la rivière Vah, 1913

En 1913, Benka voyage dans les régions de l'Orava, de Liptov et de Turiec et le relief le surprend.

Martin Benka, Lavandières au moulin de Kiripolec, 1919

Il découvre l'Art Nouveau qui transforme sa peinture, plus graphique, et cernée par des lignes sombres. C'est du moins ce que révèle la documentation, ça ne me paraît pas si évident.

Martin Benka, Dans la région de Liptov, 1925

Mais j'ai une autre proposition : simplicité des formes, franchise des couleurs, je pense bien davantage à deux mouvements allemands : celui du Blaue Reiter, le Cavalier bleu (Macke, Marc, Kubin..) et surtout celui de Die Brücke, le Pont (Kirchner, Pechstein, Nolde...).

Martin Benka, Paysage avec une charrette, ca. 1925

Martin Benka, Dans la région de Spis, ca. 1920

Martin Benka, Vers le village (Huklievo), 1924

Martin Benka, L'Eglise de bois, ca. 1925

Ce ciel, cette manière de dissoudre la couleur comme si Benka travaillait à l'aquarelle, me font penser aux œuvres de jeunesse de Nikolai (Nicholas) Roerich. Un peintre russe très apprécié en Russie et aux Etats-Unis, presque complètement ignoré chez nous !

Martin Benka, Devant l'église, 1926

Martin Benka, Biely-Potok, ca. 1930

Martin Benka, Depuis Ľubochňa, ca. 1925

Martin Benka, Près de Chynadiyovo, ca. 1926

Les années 1930

Martin Benka, La Courbe, 1930

Dans les années 1930, Benka modifie sensiblement son style. Le détail disparaît au profit de l'abstraction et il atteint "une merveilleuse harmonie de composition et de couleurs". Ses paysans deviennent les héros d'un vaste projet pictural.

Martin Benka, Les Moissonneuses, 1931

Martin Benka, Sur les collines, 1931

Je ne suis pas toujours sensible aux peintures de ces années-là mais je ne peux m'empêcher de faire un parallèle avec la peinture russe qui se peuple soudain de paysans idéalisés, chez Kuznetsov par exemple.

Martin Benka, Deux Femmes, 1932

Martin Benka, Dans la vallée de Sliac, 1932

Martin Benka, Paysage de Terchova, 1936

Martin Benka, Grazing, ca. 1935

Martin Benka, L'Hiver, 1936

Après 1940

Martin Benka, Bûcherons au Ďumbier, ca. 1946

A partir de 1940, l'expression artistique de Benka se modifie. Les paysages se peuplent de personnages idéalisés. Les panneaux évoquent leur physique avantageux et affirment que les hommes reflèteraient la rationnalité humaine alors que les femmes symboliseraient l'émotion. Cette proposition serait une réaction à la guerre.

Martin Benka, Charretiers, 1940

Martin Benka, Agriculteurs à Pukanec, 1951

Martin Benka, Agriculteurs avec des râteaux, 1950-1960

Martin Benka, Paysage de neige, 1951

Très réussi paysage de neige voilé dans la brume.

Martin Benka, Strečno, 1959

En voyage

Martin Benka, Tableaux de voyage

Comme en contrepoint, les motifs slovaques de Benka sont contrebalancés par des peintures réalisées durant ses nombreux voyages, aux Pays-Bas, en Allemagne, en France, en Italie, en Yougoslavie, en URSS et même au Maroc.

Martin Benka, A Lopud, 1934

Ses travaux de voyage sont très variables, avec parfois des pointes d'exotisme.

Martin Benka, Tableaux de voyage

Il s'agit souvent de petits formats, une peinture intime pas forcément destinée à la vente.

Martin Benka, Tableaux de voyage

L'Adriatique est une de ses destinations favorites, avec ses horizons épanouis et la récurrence du bleu de la mer. On peut comprendre l'attrait de cette thématique pour un artiste né dans une contrée sans littoral !

Le chevalet de Martin Benka

Le violon de Martin Benka

Comme Ingres, Benka travaillait son violon. Un modèle tout à fait original ! Je me demande si le son en est différent.

Martin Benka, Tableaux de voyage

Martin Benka, Cartons et petits formats

Martin Benka, Combat de coqs, 1937

Martin Benka, Zavadka, 1937

Martin Benka, Une Femme de Sliače, 1933

Benka illustrateur

Martin Benka, Affiche, 1928

Tout au long de sa vie, parallèlement à ses peintures, Benka travaille à des illustrations commerciales ; en noir et blanc ou en couleurs, dans des styles très réalistes ou plus épurés, et pour une multitude de projets, affiches, couvertures, timbres, et même alphabets. Après tout, Hergé ou Magritte ont également travaillé pour la publicité !

Martin Benka, Projets graphiques

Martin Benka, Illustration de Krutnava, 1961

Martin Benka, Couple de paysans (dessin pour une illustration)

Martin Benka, Illustrations de couverture

Martin Benka, Projet graphique

Martin Benka, Projets graphiques

Martin Benka, Alphabets

La calligraphie et la typographie m'ont toujours intéressé. Je me rappelle une exposition parisienne sur les alphabets (à la Bibliothèque Nationale, il me semble) qui m'avait enchanté ! Les propositions de Benka sont extrêmement stylées et harmonieuses.

Martin Benka, Alphabet

Et ne manquent pas d'originalité !

Martin Benka, Projets graphiques

 Même si je n'ai pas été conquis par toutes les oeuvres, j'ai vraiment apprécié cette exposition qui me paraît très complète ; et j'ai découvert un peintre dont j'ignorais tout !

4 commentaires:

  1. Le peintre Martin Benka, né en 1880, est naturellement doué pour le dessin. A 8 ans il dessine comme Picasso au même âge. Il débute par des tableaux de paysages, peut-être inspiré par Monet. Ses œuvres sont plutôt impressionnistes, et les verts dominent du clair au sombre. Peu de temps plus tard il veut montrer la pauvreté de son pays. L’impressionnisme a disparu au bénéfice des fermes en mauvais état, et il utilise 2 ou 3 couleurs seulement. Puis son intérêt s’oriente vers les cultures, les couleurs des vêtements de travail et les montagnes inhospitalières. Une exception, le beau paysage de neige dans une belle lumière. Les verts ont disparu, ce sont les maisons qui ont le premier plan et qui donnent la priorité à la pauvreté.
    Changement complet. Le dessin est très différent, pour la première fois il peint une église.
    Autre changement, tableaux plus petits, plus clairs. Son nouveau choix est plus coloré, plus gai, plus lumineux, on sent que le peintre a du plaisir à peindre ainsi. Il change encore la palette : couleurs plus vives et revient à la ferme et aux travaux des champs. Très vite les verts sont revenus et le paysage est nu et triste, la montagne a remplacé la plaine.
    Cette fois ci grand changement : il ose des couleurs audacieuses et le sujet est bousculé. Puis il est attiré par la montagne déserte, sans âme sauf une église. Les coups de pinceau sont différents, plus fluides.
    Peu engageantes, à nouveau les couleurs ternes, les montagnes inhospitalières.
    Martin Benka part en voyage, où il profite de peindre de petits formats comme des cartes postales. Il en peint plusieurs dizaines. Le dernier tableau de format normal, est très soigné et beau.
    Ce peintre est difficile à suivre dans son parcours. Il a un certain talent, mais on ne le comprend pas toujours.
    Grosses bises. Mam.

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    1. Je vois que tu as regardé ces travaux minutieusement ! Merci beaucoup pour cette observation détaillée et ce riche commentaire.
      Gros bisous !

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  2. Thank you. That's a complete discovery also for me ! Between impressionism and XXth modernism !
    Amazing and inspiring post !
    Annie

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