Translate

mardi 20 octobre 2020

Rome : La Farnesina, expositions, petites salles et jardin

 


Dernière partie de la visite de la Villa Farnesina à Rome : une toile d'après Léonard de Vinci, une exposition sur les frises végétales, la salle des grotesques et la pompéienne, et un petit aperçu du jardin.

D'après Léonard

anonyme, La Joconde nue

 

La salle Chigi expose actuellement ce tableau un peu mystérieux dans le bureau d'Agostino Chigi. Baptisé La Joconde nue, il s'agit d'une peinture d'après un dessin au fusain rehaussé de blanc conservé au musée Condé, à Chantilly. Ledit dessin était attribué à Léonard de Vinci d'après le témoignage du secrétaire du cardinal d'Aragon, mais on pense maintenant qu'il s'agit d'une des nombreuses copies du dessin original du maître.


anonyme, La Joconde nue

 

La peinture exposée est donc la réalisation picturale d'un inconnu d'après la copie d'un dessin qui semblerait avoir été de la main de Léonard de Vinci. Vous suivez ?

Malgré cette distance avec l'original, la tête rappelle effectivement certains visages léonardesques, surtout les yeux ; je pensais à Ginevra de' Benci mais après avoir regardé une reproduction je suis moins convaincu. Le Saint-Jean-Baptiste, peut-être... Mais La Joconde, certainement pas !

De toute façon, cela évoque également les œuvres des peintres de l'atelier, comme Giovanni Boltraffio.

Le paysage à l'arrière-plan est bien dans le style de Léonard, mais vraiment trop uniforme, me semble-t-il, et d'un relief moindre que les originaux.

En tout cas, c'est une œuvre que je ne connaissais pas, de belle qualité, et superbement restaurée.


La salle d'angle


Rome, La Farnesina : la salle d'angle

 

Juste au-dessus de la loggia de Galatée, la pièce semble un peu vide avec sa seule décoration de faux marbres et de volets peints. C'est là qu'on constate soudain qu'on ne voit aucun meuble durant la visite.


Rome, La Farnesina : la salle d'angle

La galerie des grotesques

 

Cette petite galerie reliait la salle des perspectives aux chambres de Francesca Ordeaschi, la nouvelle épouse du banquier Chigi, et de ses enfants.


Rome, La Farnesina : la galerie des grotesques
 
Au milieu du XVe siècle, on découvrit sur l'Oppio, à proximité des Thermes de Trajan, la Domus Aurea (maison dorée) de Néron. Pas encore identifiée, on la prit pour une grotte, ce qui donna l'adjectif grottesco en italien et bientôt grotesque en français, terme qui vivrait un riche parcours. Le cryptoportique était décoré de fresques antiques avec des personnages fantasques dans des cadres géométriques?

Les jeunes artistes de la Renaissance tels que Michel-Ange, Pinturicchio ou Raphaël la visitèrent rapidement et ce dernier incorpora rapidement ce nouveau vocabulaire dans ses réalisations au Vatican. Malgré les moqueries de certains (Vasari ne s'en privait pas), la mode était lancée et durerait longtemps, bien au-delà de l'Italie.

Rome, La Farnesina : la galerie des grotesques avec le Triomphe de Galatée

 

A l'époque d'Auguste, déjà Vitruve s'était plaint de ces motifs "absurdes qui nuisaient à l'architecture" (De Architectura). Chigi et son maître d’œuvre Baldassare Peruzzi semblent avoir tenu compte de ces reproches et la vision des grotesques ici proposée reste très sage.  Ils sont d'ailleurs disséminés discrètement dans toute la villa : dans les faux pilastres de la loggia de Galatée, dans les arcs de celle d'Amour et Psyché, au plafond des salles de la frise ou des Noces d'Alexandre et de Roxane.


Rome, La Farnesina : la galerie des grotesques

 

Sur le fond blanc qui évite toute surcharge, des personnages peu fantasques deviennent candélabres.

En outre, il me semble qu'ici plus que dans de nombreux palais on perçoit particulièrement la référence à l'antique.


Rome, La Farnesina : la galerie des grotesques

 

Frises végétales

 

Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales

 

Les toiles préparatoires de la loggia d'Amour et Psyché bénéficient d'une intéressante exposition temporaire ; il s'agit de projets de Raphaël réalisés par son élève Giovanni da Udine.

 

Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales

Outre le plaisir de voir ces documents rares, c'est intéressant de pouvoir s'approcher et vérifier l'extraordinaire diversité des motifs.


Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales

 

La décoration en festons renvoie à la tradition antique de tresser ensemble fleurs, feuilles et fruits pour les suspendre aux autels et aux arches des temples en signe de prospérité. A la Renaissance, le thème retrouva un succès nouveau ; Mantegna en peignit également de célèbres.

 

Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales

 

Ici la diversité est exceptionnelle ; on a compté cent soixante-dix espèces différentes, ce qui constitue un ensemble sans équivalent dans l'histoire de l'art. De plus, on peut noter qu'à ce moment, en 1518, soit quelques années cependant après la découverte du Nouveau Monde, plusieurs plantes américaines sont déjà présentes. En fait, il s'agit même de leur première peinture européenne.


Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales

 

C'est donc la première fois qu'on peint en Europe des épis de maïs, par exemple.

 

Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales

Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales

Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales

On constate que les végétaux proviennent d'Amérique, d'Afrique ou d'Asie. Plus qu'une décoration, c'est une véritable encyclopédie qui nous est livrée.


le blanc de Saint-Jean (à partir de chaux éteinte), le noir d'ivoire et la terre verte
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales

 

L'exposition complète ces rares panneaux par une présentation des pigments employés. Je suis désolé pour mes pieds sur les photos, je n'ai pu les éviter ! Voilà le blanc de Saint-Jean (à partir de chaux éteinte), le noir d'ivoire et la terre verte.

 

la terre de Sienne (brûlée ou non), les ocres, le jaune de Naples
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales

 

Puis la terre de Sienne (brûlée ou non), les ocres, le jaune de Naples qui était d'abord le soufre du Vésuve et ensuite de l'antimoniate de plomb. Ce dernier servit également de poison !

 

Le cinabre, un sulfure de mercure, et le lapis-lazuli.
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales

 

Le cinabre, un sulfure de mercure, et le lapis-lazuli.

 

L'azurite et le bleu d'émail que les Egyptiens utilisaient déjà.
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales

 

L'azurite et le bleu d'émail que les Egyptiens utilisaient déjà. 

 

La malachite et d'autres terres vertes.
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales

 

La malachite et d'autres terres vertes.

 

Rome, La Farnesina : volet peint

 

La salle pompéienne

 

Rome, La Farnesina : la salle pompéienne

 

Au rez-de-chaussée, Chigi disposait de petites salles privées pour ses bureaux et celui de son secrétaire privé, Cornelio Benigno. La décoration n'avait rien de commun avec ce qu'on en voit aujourd'hui. Ces salles, qui paraissent un écho à la galerie des grotesques, furent aménagées par le duc de Ripalta, propriétaire espagnol de la villa au XIXe siècle.

 

Rome, La Farnesina : la salle pompéienne
 
Les fouilles de Pompéi sont alors des travaux archéologiques où on cherche plus à étudier qu'à piller, comme c'était le cas auparavant (à la Villa Adriana par exemple, où les collectionneurs n'avaient plus qu'à faire leur marché). Mais les fabuleuses découvertes font sensation et créent un engouement nouveau, comme les motifs égyptiens qui s'insinueront dans le style Empire chez nous.

Rome, La Farnesina : la salle pompéienne

 

Au fond, sur la lunette (le demi-cercle formé par la voûte), deux cygnes côtoient deux paons, oiseau sacré de Junon et symbole d'immortalité.

 

Rome, La Farnesina : la salle pompéienne

Jardins

 

Rome, La Farnesina : le jardin

Du jardin de l'époque de Chigi ne demeure qu'un fragment, alors que cette création importante dans l'architecture des jardins faisait l'admiration de l'époque. De toute façon, lors de ma visite, tout le jardin sur lequel s'ouvre la loggia d'Amour et de Psyché est fermé.


Rome, La Farnesina : le jardin

Un problème de Covid, paraît-il. Ca me paraît un argument fallacieux. On peut visiter l'intérieur (certes en petit nombre, merci pour cette visite tranquille) mais pas le jardin en plein air !

Rome, La Farnesina : le jardin
Donc voici les seules photos que je peux proposer du jardin "de derrière" qui était autrefois celui "de devant" quand on pénétrait par la loggia. Je les ai prises depuis l'étage.
 
Rome, La Farnesina : le jardin

Les plantes paraissent souffrir, comme dans toute la ville, de la sècheresse estivale.

Rome, La Farnesina : les agrumes

 

Cependant on peut se promener dans le jardin de l'entrée actuelle en suivant un itinéraire établi, sans croisement. Il offre surtout une jolie collection d'une trentaine de variétés d'agrumes, dont certains plutôt rares comme la main de Bouddha.

 

Rome, La Farnesina : les agrumes

Rome, La Farnesina : les agrumes

 

Et d'ailleurs, certains portent déjà leurs fruits !

 

Dernière image de la villa. J'y suis retourné avec un infini plaisir et je me suis vraiment régalé à détailler toutes ses splendeurs peintes. D'ailleurs, les recherches ne sont pas terminées, il faudra que je règle ce problème du Parnasse qui me résiste...

Je ne saurais trop conseiller cette visite dans un séjour à Rome, c'est réellement une des plus belles villas Renaissance qu'on puisse voir, et les restaurations attentives lui ont rendu sa magnificence !

7 commentaires:

  1. Bravo pour votre exceptionnelle série d'articles sur la Farnesina. Sans équivalent sur le Web et largement mieux que le fascicule en vente.
    Passionnant.
    A recommander largement !
    Bravo pour ce travail remarquable.
    Mathis

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup, Mathis, pour ce chaleureux commentaire !

      Supprimer
  2. Très belle série d'articles. Bravo, quel travail.
    Léonard ou pas, j'adore ce portrait !
    Françoise

    RépondreSupprimer
  3. Merci pour ces articles approfondis sur la Farnesina. JJe pense qu'on ne trouve pas d'équivalent sur le Web, et c'est le seul site où j'ai pu trouver le détail des fresques.
    Si vous êtes toujours à Rome, pourriez-vous faire un article sur la Pinacothèque du Vatican ? On trouve très peu de renseignements hormis quelques peintures phares ?
    D' avance merci.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'article sur le Vatican est prévu, mais je ne sais pas quand j'aurai le temps de le rédiger. J'ai un réel retard !
      Merci beaucoup pour votre commentaire chaleureux.

      Supprimer
  4. Merci beaucoup pour vos photos et vos commentaires qui m'ont replongée dans ma visite très récente de cette si belle villa.

    RépondreSupprimer

Un grand merci de prendre le temps de laisser un commentaire. Je promets de le lire aussi vite que possible.
N'hésitez pas à signer votre message, ce sera encore mieux : je n'ai AUCUN moyen de connaître votre nom, votre e-mail, ou votre blog.
Si vous préférez que vos coordonnées n'apparaissent pas, mais que je vous réponde en privé, utilisez le formulaire de contact, accessible sur la version web du blog.