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mercredi 30 septembre 2020

Tivoli : La Villa Adriana ou villa d'Hadrien (1)

A Tivoli, l'empereur se fit construire un des plus fabuleux de l'Antiquité. Première partie de ma visite de la Villa Adriana (villa d'Hadrien), avec le Pecile, les Cento Caramelle, le nymphée, les thermes, le Canope avec le Sérapéum.


La Villa Adriana, c'est avec Ostie, le grand site antique autour de Rome. Et cela attire les touristes ! La file d'attente n'est pas d'une longueur effrayante, mais avec la distanciation, la prise de température... On attend presque aussi longtemps qu'au Panthéon.

La reconstitution et le plan permettent de prendre les mesures de cette "villa" aux dimensions d'une ville, aux multiples bâtiments dont beaucoup restent mystérieux. L'empereur Hadrien, homme cultivé et grand voyageur, se fit aménager cette immense résidence pour accueillir toute la cour impériale et y évoquer ses périples dans les contrées de l'empire. Les Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar demeurent plus littéraires qu'archéologiques, mais quel merveilleux livre pour saisir cette personnalité si complexe !

La Villa Adriana fut complètement laissée à l'abandon pendant des siècles, à l'écart de tout. Même si nous sommes ici peu éloignés de Rome.

Les monuments ont beaucoup souffert et sont assez peu documentés, rendant l'identification difficile. D'ailleurs, la plupart des noms traditionnels des différents lieux ne correspondent plus aux hypothèses actuelles ; le prétoire, le vivier...

En outre, la magnificence du lieu a favorisé un pillage sauvage, même s'il était exécuté selon les formes du XVIIIe siècle, où une belle pièce valait davantage que l'intégrité d'un bâtiment. Les musées allemands ou russes en ont bien bénéficié, à une époque où décorer un palais d'antiquités était une preuve de bon goût.

Hadrien, né en Espagne d'une famille romaine, fut orphelin très tôt et Trajan fut rapidement nommé son tuteur ; ce dernier l'envoya étudier à Rome où il se passionna pour les arts et la littérature. Il s'instruisit parallèlement dans les techniques militaires et devint commandant de légion pendant les guerres contre les Daces. Ses succès lui valurent d'obtenir le grade de gouverneur de la Pannonie, l'Europe centrale, puis de consul. Trajan mourant le désigna comme son successeur, et il régna vingt-deux ans. Il en profita pour cesser d'étendre l'empire, réorganiser sa bureaucratie, réformer son armée et développer la diplomatie. Il se vantait d'avoir réglé davantage de problèmes par l'inactivité de ses légions que ses prédécesseurs par leurs prouesses militaires.

Profondément amoureux de la culture grecque, il peignait, sculptait, composait des vers et des traités philosophiques. Il favorisait les tentatives les plus audacieuses, comme le Panthéon ou le mausolée devenu Château Saint-Ange. Doté d'une mémoire prodigieuse, on raconte aussi qu'il se rappelait le nom de tous les hommes qui avaient été sous ses ordres.


Grand voyageur, on le trouve partout dans ce qui est aujourd'hui l'Italie et la France (Nîmes et Lyon ont bénéficié de ses constructions), en Grande-Bretagne où il édifia un célèbre mur de protection, en Espagne, en Syrie, en Asie, en Grèce, en Égypte... Incroyable compte tenu des transports de l'époque, et encore plus quand on sait qu'il avait la réputation de marcher énormément.

On ne peut nier, d'autre part, un caractère parfois ombrageux, une ambition certaine, une tendance à l'égocentrisme. Difficile de démêler vrai et faux tant ses biographes ont manqué d'impartialité. De toute façon, un homme d'état amoureux des arts et de la littérature me plaît beaucoup, et je préfère une vraie personnalité avec ses défauts à un "saint de vitrail" comme disait Balzac.

Les vestiges découverts couvrent une superficie de soixante hectares, et on pense que la villa était au moins cinq fois plus vaste. Il semble que les canons généraux de l'architecture grecque et romaine aient été abandonnés par un empereur très impliqué dans la construction, qui révolutionna l'urbanisme antique. Le principe majeur est l'adaptation du bâtiment à la configuration topographique, idée essentiellement développée jusque-là dans les théâtres qui utilisaient des collines pour s'y adosser.

L'autre particularité est le nombre de bassins et de pièces d'eau, qui étaient reliés par des péristyles. Grâce aux galeries couvertes, on pouvait aisément passer de l'un à l'autre tout en restant protégé.

Le Pecile

Les textes de Spartianus permirent de penser que les bâtiments renvoyaient à des lieux célèbres visités en Egypte et en Grèce ; si cela semble exact pour le Canope et le Serapeum, tout le reste est sujet à caution.

On a baptisé ce lieu Pecile (ou Poecile dans les versions françaises) car on pensait qu'il faisait allusion à la Stoa Poekile, une galerie couverte sur l'agora d'Athènes, décorée de peintures. On sait que cela ne peut être le cas car l'original antique n'avait ni ces dimensions, ni cette forme. 

De toute façon, cela reste le plus vaste des édifices dégagés, avec presque deux cent cinquante mètres de long. Le bassin en son centre mesure cent dix mètres.

Aujourd'hui on ne sait guère si cette construction servait simplement de promenade dans des jardins ; dans ce cas,  son péristyle doublé au nord, permettait de se promener en demeurant à l'abri du vent. Autre possibilité, le Pecile aurait été aménagé en hippodrome et dans ce cas le bassin en aurait été l'axe. On sait avec certitude que plusieurs hippodromes étaient construits dans des palais impériaux.


Les Cento Caramelle (les cent chambres)

 

On a nommé Cento Caramelle cet ensemble de nombreuses pièces, distribuées sur quatre étages ; chacune d'elles avait la dimension d'une chambre. Aucune d'entre elles ne communiquait avec la suivante. L'accès se faisait par une série d'escaliers à côté de latrines. L'exposition était la meilleure du lieu et un dispositif ingénieux d'interstices à l'arrière évacuait l'humidité et garantissait l'assainissement.




Même si on ne peut accéder qu'à l'extérieur, je trouve que c'est un des meilleurs endroits pour évaluer le gigantisme du lieu et la nombreuse population qui y vivait.

Les pièces du bas, invisibles depuis les bâtiments de prestige, servaient sans doute d'écuries et de garage pour les véhicules (char, carriole, et autres voitures à cheval).


 

Le nymphée


Autrefois la partie semi-circulaire dessinée à une extrémité avait fait penser à un stade, lieu des courses athlétiques dans l'Antiquité. ici, la forme la plus visible de nos jours est rendue par la Piazza Navona qui a conservé le contour de la structure ancienne.




 

En fait, la forme avait donné lieu à une fausse interprétation ; on sait à présent qu'il s'agissait d'un grand nymphée, un sanctuaire dédié aux nymphes, des divinités aquatiques. Les nymphées étaient donc toujours des bassins.


Ici avait été découverte au XVIIIe siècle une statue d'Antinoüs en Osiris, le dieu égyptien, aujourd'hui au Vatican.

Lorsqu'on approfondit les fouilles, on  découvrit une structure complexe de deux bâtiments rectangulaires, avec une partie semi-circulaire à colonnes ; le nymphée comportait niches et fontaines. On mit à jour une statue de Ramses II assis, que l'empereur avait sans doute rapportée de Memphis.

On ignore si l'ensemble était conçu comme un mémorial ou comme un mausolée pour accueillir la dépouille du jeune amant, mais la dédicace à Antinoüs est maintenant certaine.





Toute cette partie continue, aujourd'hui même, à être fouillée par les archéologues.

Les thermes



Les grands établissements thermaux sont une constante de la construction romaine ; à Rome, plusieurs empereurs en construisirent (ceux de Dioclétien, de Trajan et bien sûr de Caracalla sont célèbres). Même une petite ville comme Ostie en comportait de nombreux. Les grandes villas romaines avaient les leurs, privés, comme celle de Capo di Bove. Donc un immense palais impérial se devait d'avoir ses ensembles thermaux.



Aujourd'hui, seules les parties en briques ont résisté au pillage et aux assauts du temps, mais il faut imaginer de luxueuses salles couvertes de marbre et fastueusement décorées de statues.





L'ensemble se divisait en une série de parties selon les différentes fonctions. Les praefurnia, les fourneaux, étaient nécessaires pour alimenter les parties chauffées : les caldaria, salle d'eau chaude, ressemblaient aux hammams de la culture arabe, et on pouvait se tremper dans l'eau brûlante ou s'asperger d'eau.


Les étuves, proches du sauna, permettaient de se débarrasser des impuretés ; le laconicum était une salle sèche et le sudatorium une salle humide. Le tepidarium, la salle d'eau tiède, servait à passer en douceur d'une température chaude à une plus fraîche. Dans la natatio, on pouvait faire trempette dans une eau à température ambiante. Enfin le frigidarium était un plus bain froid. Tous ces mots ont laissé des traces dans notre vocabulaire, mais le principe même du système thermal en découle directement.

Ces complexes comprenaient également des masseurs et médecins et on pouvait y faire de la gymnastique ; plusieurs auteurs antiques comme Hippocrate les recommandent vivement. Leur fonction sociale comme lieu de rencontre (ce qu'on peut voir aujourd'hui encore à Budapest, sans parler évidemment de tous les hammams) était bien établie.

On ne peut exclure que c'était un lieu privilégié de propagation de maladies, la tuberculose et la lèpre notamment, qui proliféraient dans la Rome antique. Je suppose que ces thermes à destination de l'empereur évitaient les personnes malades !

Le Canope




La vallée du Canope où coulait le Nil permettait de se rendre depuis Alexandrie dans la ville de Canope, réputée pour ses fêtes et son temple de Sérapis. Hadrien avait dédié la ville à son bien-aimé Antinoüs.

Les Grecs soutenaient qu'on y adorait une divinité représentée sous la forme d'une cruche ou d'un pot. Les fouilles opérées en Egypte au XIXe siècle permirent de retrouver dans les tombeaux des vases contenant les viscères du défunt ; au Nouvel Empire, on sculptait les bouchons à partir de son visage mais, plus tard, on les décora avec les têtes des fils d'Horus (homme, babouin, chacal et faucon). Ces "vases canopes", bien représentés dans les collections égyptologiques, n'ont que le nom de commun avec cette création d'Hadrien.


La création de l'empereur consiste en un bassin bordé d'une colonnade avec des statues, restituée à une extrémité avec une partie remontée et des copies de statues.




Cette villa si luxueuse, abondamment garnie de statues, fut tellement pillée que les statues, paraît-il en très grand nombre, y sont rares aujourd'hui. C'est donc un des rares endroits de la villa qui parvient à en transmettre le mieux le souvenir.



Les caryatides avaient été copiées sur celles de l'Erechteion d'Athènes, un temple de l'Acropole particulièrement fameux pour ces statues.



Prendre de la hauteur permet de mesurer que le bassin est encaissé ; c'est qu'il s'agissait de reconstituer la géographie égyptienne : le Nil qui s'écoule dans la vallée et qui s'élargit dans son delta, symbolisé par le Sérapéum.

Le Sérapéum



Si, à l'origine, un sérapéum était un cimetière souterrain où on enterrait les bovins sacrifiés au dieu-taureau Apis, dans la période romaine c'était devenu un temple dédié à Sérapis, une divinité unissant Apis, le dieu funéraire Osiris qui jugeait les âmes et Hadès, celui des Enfers dans la mythologie grecque.

Celui reconstitué dans la villa était un nymphée avec un bassin triangulaire. Il était couvert mais aménagé pour des cérémonies de plein air.


On y découvrit aussi bien des statues égyptiennes que d'autres représentant Antinoüs, ce qui confirme l'hypothèse de la dédicace mixte. Je compte publier bientôt celle d'Antinoüs dans des articles sur les Musées du Vatican.


Il est probable que la structure, à l'intérieur, permettait d'y recevoir des banquets.


On n'a aucun doute sur les féeries aquatiques ; des fontaines jaillissaient des rigoles et un immense jet d'eau se dressait à l'avant.


J'avais lu autrefois que lors de cérémonies, l'empereur se déguisait en dieu Sérapis ; l'hypothèse me rappelait les participations théâtrales de Louis XIV, mais je ne sais pas si elle est toujours étayée aujourd'hui. Dans tous les cas, les cultes égyptiens étaient largement diffusés à Rome et l'univers de ce pays conquis s'était solidement établie. Les traces nombreux temples d'Isis attestent de la vivacité de son culte, quoiqu'atténué par le succès de celui de Mithra et par le développement du christianisme, et les nombreux obélisques romains (comme celui de Sethi Ier, Piazza del Popolo, ou celui de la Trinité des Monts) évoquaient ce pays au cœur de Rome.







10 commentaires:

  1. Un endroit paradisiaque dans mon souvenir! Ton commentaire m'y a fait replonger!

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    1. Merci Régine ! Je sais que tu l'aimes beaucoup aussi je me suis dépêché de publier cet article.
      C'est vrai aussi que je recule un peu devant la masse à publier concernant le Vatican (logiquement le suivant dans l'ordre chronologique)!

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  2. What a great place! Thanks for your amazing pictures and, of course, your accurate texts.
    Congrats
    Annie

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  3. J'ai visité la villa d'Hadrien l'an dernier et j'ai été très déçue. Il ne reste quasiment rien et le peu de vestiges est tellement problématique. C'est très frustrant de visiter sans savoir ce qu'on voit. Pour moi la plus grande déception de mon séjour romain. Cela dit, votre article est bien fait et très complet. On en apprend beaucoup moins sur place.
    Kristine

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    1. J'ai fait le maximum pour apporter des informations sans entrer dans l'article de spécialiste de l'archéologie ! C''est vrai que le site demeure un vaste champ d' hypothèses.
      Merci, Kristin, pour ce commentaire !

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  4. Comme Kristine j'ai visité cette "villa" la semaine dernière et j'ai été très déçue. Beaucoup de ruines incertaines, on ne sait jamais ce qu'on voit vraiment. C'était sans doute très beau. Oui, mais il y a longtemps. Heureusement j'ai visité la villa d'Este qui, elle, est magnifique ! Cela dit, vous avez fait le maximum dans vos articles.
    Clara

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    1. Les archéologues continuent à y travailler. Peut-être de nouveaux vestiges verront-ils le jour...
      Merci beaucoup Clara !

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  5. Je l'ai visité cet été et j'ai été également très déçu. Hadrien était un grand personnage mais il reste peu de choses de sa villa. Les panneaux montrent bien qu'il n'y a que des hypothèses. Comme le dit Clara, vous avez vraiment fait le maximum.
    Jordi

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