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vendredi 25 septembre 2020

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)

Eglise baroque de la Via del Corso, transformée par Rainaldi. Encore une devant laquelle les touristes passent sans y entrer, quel dommage !


Suite à une réforme dans l'ordre des Augustins, une partie d'entre eux avaient créé à Naples un ordre mendiant qui recherchait une vie plus modeste ; ils seraient à la fois moines contemplatifs et prêtres dans les paroisses. Malgré le souhait d'humilité, il fallait une maison-mère, un siège à Rome, dans lequel ils établiraient leur séminaire. La famille Orsini possédait une villa sur la via lata, l'ancienne Via del Corso, avec du terrain, ce qui semblait idéal pour l'ensemble des constructions.

Une première chapelle s'avéra insuffisante et l'architecte milanais Carlo Buzio se chargea de construire une véritable église.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)

L'église resta inachevée pendant trente ans, sans façade ni extrémité de la nef. Carlo Rainaldi, l'architecte de Santa Maria in Campitelli notamment, acheva les travaux pour l'inauguration, en 1675. Le choix de la façade de travertin n'est pas unique à Rome car il s'agit d'un matériau du Latium, mais on lui préféra souvent le marbre, plus prestigieux. Colonnes corinthiennes, entablement avec inscription, fronton circulaire... Le souvenir des façades de temples antiques, comme on pouvait en voir au Panthéon ou au Forum Boarium, était encore bien vivant.

L'intérieur


Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)

La nef ne correspond guère à l'idée d'un ordre mendiant. En fait, elle avait reçu un don substantiel qu'il eût été malséant de refuser de Giorgio Bolognetti, évêque de Rieti et nonce apostolique (sorte d'ambassadeur du Vatican) en France en même temps que Mazarin.
Elle est unique, percée de chapelles, et le choix des couleurs montre combien Rainaldi se souciait d'unité. L'historien de l'art Rudolf Wittkower parle de la "dernière grande symphonie de couleurs de l'art baroque".

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Giacinto Brandi, L'Assomption de la Vierge

Giacinto Brandi fut élève de l'Algarde et il se lia à Rome avec Lanfranco et à Naples avec Mattia Preti. Il exécuta un autre plafond dans une église toute proche, la basilique des saints Ambroise et Charles, mais aussi des retables à Saint André du Quirinal ou, à Santa Maria in via lata. Son plafond combine trompe-l'œil et tableaux : au centre, une Assomption de la Vierge où se repèrent clairement les différentes parties. Sur les côtés, des évangélistes et sans doute d'autres saints aux extrémités.

Les corniches servent d'appui aux anges, prophètes et sans doute des personnages de l'Ancien Testament. Le blason porté par deux anges m'intriguait, d'autant que je ne trouvais rien à ce sujet dans mes recherches. Il s'avère finalement que c'est celui de Giorgio Bolognetti, le généreux donateur ; la bande de fleurs de lys provient-elle de sa fonction à Paris ?

 

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)

Une virtuose marqueterie de marbre décore le sol. Cette fausse horloge me semble tout à fait insolite. Plus que vers midi, l'aiguille semble poindre vers le blason. Est-ce un symbole du temps qui passe, comme une Vanité ?

 

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Pietro Aprile, Monument funéraire de Pietro et Francesco Bolognetti

Les Bolognetti eurent droit à une série de monuments funéraires, dont l'architecture était dessinée par Rainaldi ; d'autres artistes étaient appelées pour la statuaire.
Pietro Aprile sculpta ce duo de Pietro et Francesco. Rien n'y évoque la mort, on est loin des tombeaux où une statue couchée montre un défunt. Ils semblent en train de deviser tranquillement.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Francesco Cavallini, Monument funéraire de Mario Bolognetti

La statue de Mario Bolognetti, drapé dans sa cape à l'antique, fut réalisée par le plus connu Francesco Cavallini, auteur par exemple des tombeaux Cybo à Santa Maria del Popolo. La main sur le cœur, le visage extatique, il semble plein de ferveur religieuse.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Girolamo Pesci, La Vierge, Sainte Anne et Saint Antoine abbé
 
Composition inusitée : la petite Marie est debout sur un globe, et sa mère Sainte Anne la tient par la main ; Saint Antoine abbé observe la scène, en bas à gauche. Girolamo Pesci est un peintre du XVIIIe siècle, et le trait a effectivement évolué depuis les représentations baroques.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
 
Je n'ai absolument rien trouvé sur ce Bain,  peut-être de la Vierge, avec un contraste lumineux tout à fait convenable. Mes sources sur les églises romaines, mes recherches sur internet ont été tout aussi vaines. Je pencherais pour une autre toile du XVIIIe siècle plutôt que du XVIIe à cause de la fermeté des contours. Le Bain de Jésus n'était plus représenté depuis un moment, et la proximité avec le retable précédent me semble un argument supplémentaire pour parler d'un Bain de Marie.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Giacinto Brandi, Le Couronnement de la Vierge

Le maître-autel est une réalisation complexe, conçue pour imposer sa richesse avec marbres et ors obligés. On retrouve Giacinto Brandi pour le Couronnement de la Vierge du retable et pour un Saint Esprit très dense dans la voûte. Les anges furent sculptés par Paolo Naldini et à nouveau par Francesco Cavallini.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Giuseppe Mazzuoli,  Saint Jean l'Evangéliste
 
Giuseppe Mazzuoli était grand admirateur du Bernin et il travailla auprès de son élève Ercole Ferrata. Ces influences restent perceptibles dans ses travaux, comme le Saint Philippe de Saint Jean de Latran, ou les deux Saint Jean (Baptiste et l'Evangéliste) présentés sur les côtés du maître-autel.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Pietro Labruzzi, La Madone du divin secours présentée à Saint Augustin et à Sainte Monique
 
Cette bien curieuse peinture est exposée dans la chapelle de la Vierge, sous l'inscription Madre del divino aiuto, la Mère du divin secours. C'est une mise en abyme, un tableau dans le tableau. Saint Augustin et sa mère Sainte Monique sont agenouillés et des anges leur présentent le tableautin.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Pietro Labruzzi, La Madone du divin secours
 
Une Vierge à l'Enfant, comme de bien entendu. L'oeuvre semble assez difficile à attribuer mais on pencherait aujourd'hui pour Pietro Labruzzi.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
 
Le monument funèbre de Flavia Bonelli fut achevé en 1691 ; Giulio Cartari, encore un élève du Bernin, réalisa le beau buste de la défunte.
 
Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
 
A cause du reflet et du contre-jour, ce n'est guère commode de détailler le retable.
 
Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Giacinto Brandi, La Sainte Famille

 J'ai dû chercher sur la toile une image correcte de cette Sainte Famille de Giacinto Brandi. La position de l'Enfant est tout à fait inhabituelle, et je vois un net souci de réalisme. L'ange qui supporte le nuage semble faire la courte échelle et vérifier que chacun soit bien d'aplomb ! 

 
Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)

 La tribune d'orgue de la contre-façade attire l'œil tout d'abord, mais on constate qu'elle est bien remplie. En bas, de part et d'autre, les monuments funéraires de Giulio et Camillo del Corno, un oncle et son neveu.

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Ercole Ferrata, Monument funéraire de Giulio del Corno
 
Ercole Ferrata exécuta celui de Giulio, avec le Temps qui déploie une bannière avec une inscription.
 
Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Domenico Guidi, Monument funéraire de Camillo del Corno

Pour le monument de Camillo, Domenico Guidi présenta une autre allégorie avec ce squelette qui fixe un sablier. Le symbole est encore plus limpide !

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Girolamo Gramigliola, Moïse
 
Je n'ai qu'une seule référence pour ce Moïse, donc je livre l'information avec prudence ; il s'agirait d'une sculpture de Girolamo Gramigliola, sur lequel je n'ai pas trouvé davantage d'information. Les cornes traditionnelles y semblent devenues des oreilles de lapin et il semblerait que le malheureux souffre de strabisme !

L'ange qui s'accroche aux tables de la loi est plus réussi, un vrai bambin. Mais la sculpture m'a assuré un bon moment de franche gaieté !

Rome : l'église Jésus et Marie (Gesù e Maria)
Michel Maille, Le Roi David

Je n'ai pas vu combien ma photo était floue ! Je serais volontiers retourné pour la refaire. Et je n'ai pas trouvé mieux sur la toile. Ce Roi David avec sa harpe fut réalisé par Michel Maille, un Français qui travailla dans la chapelle San Pietro d'Alcantara à l'Aracoeli.

Une visite compliquée qui m'a demandé pas mal de recherches, mais c'est encore une église qui mérite un arrêt ! Elle est souvent ouverte, en outre, et bien placée sur la via del Corso.

2 commentaires:

  1. Tu donnes l'impression que Rome est un terrain de jeu géant pour retrouver les auteurs et les scènes de tableaux... L'église ne me plaît pas plus que ça, mais j'aime beaucoup ton article.
    Françoise

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    Réponses
    1. C'est vrai, il y a de ça. L'iconographie, ça me passionné de plus en plus !

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