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vendredi 11 septembre 2020

Rome : les Galeries Nationales, Palais Barberini (1)

  Les Galeries Nationales de Rome, installées dans le Palais Barberini, renferment une prestigieuse collection de chefs-d’œuvre. Première partie, des merveilles médiévales au début du XVIIe siècle.


 

Devenu le pape Urbain VIII, Maffeo, de la puissante famille romaine Barberini, fit transformer ce palais par Carlo Maderno. Le grand architecte est resté célèbre aussi bien pour ces demeures prestigieuses, telles que le Palais du Quirinal que pour des églises comme Santa Maria della Vittoria ou Sant'Ignazio, réalisée en collaboration avec Grassi. Maderno inventa une forme en H complètement novatrice : c'était le longiligne bâtiment en - qui prévalait jusque-là.

 

Le Bernin succéda à Maderno à la direction du chantier, et ajouta une loggia à arcades.




Selon le goût du moment, les espaces de circulation sont peu colorés : murs blanchis, encadrements de pierre. Les statues antiques vraies ou fausses, sont chargées de la décoration.


L'intérieur est bien celui d'un palais, avec ses plafonds décorés de fresques. Celui des oiseaux est particulièrement heureux. C'est un exemple de trompe-l'œil di sotto in sù, qui donne à l'observateur l'impression d'un ciel élevé. 


Une balustrade en trompe-l’œil s'y ouvre vers un ciel à peine teinté. Impossible de ne pas penser à la chambre des époux à Mantoue, où Mantegna nous offre une des perfections du genre. 



La peinture du Moyen-Age


Anonyme de Lucca, XIIIe siècle, Croix peinte


Ce grand crucifix évoque un polyptyque avec sa multiplicité de scènes ; au-dessus du Christ, à la cimaise, le Christ bénit entre deux anges. Sur les branches de la croix s'affiche le tétragramme avec les symboles des évangélistes.

Dans la partie centrale, les deux personnages principaux de la Crucifixion, la Vierge et Saint Jean, occupent leur place traditionnelle.

Anonyme de Lucca, XIIIe siècle, Croix peinte

Plus rares, les deux larrons sont également figurés devant une proposition de Jérusalem fortifiée. C'est vraiment un modèle de crucifix original, je ne crois pas en avoir vu de semblable.

Simeone et Machilone, Croix peinte, 1256

La croix signée par les deux artistes présente également un programme complexe : l'Ascension à la cimaise ; la Vierge et Saint Jean l’Évangéliste sont cette fois distribués dans les branches ; le donateur est également représenté, au pied de la croix.

La figure du Christ sur la croix a connu différentes versions : le Christus triumphans, triomphant donc, qui s'est perpétué tout au long du Moyen-Age ; le Christus patiens, un Christ mort, aux yeux fermés, venu de la peinture byzantine ; et en fin le Christus dolens, invention des artistes du Trecento, dans leur grand mouvement d'humanisation des personnages. C'est évidemment ici la seconde version qui est proposée, alors que la première montrait un Christus Triumphans.

Maestro del Bigallo, Croix peinte, XIIIe siècle

Christus triumphans à nouveau ici, avec toujours un programme complémentaire : à l'extrémité des branches, des anges avec le rameau fleuri ; à la cimaise, un tondo avec un Christ bénissant et au-dessous, l'Ascension de la Vierge entre deux anges. Au pied de la Croix, le Reniement de Pierre. Le coq est une allusion à la phrase que l'évangile place dans la bouche du Christ, « Avant que le coq chante, tu m'auras renié trois fois ».

Giovanni da Rimini, Scènes de la vie du Christ, XIIIe siècle

Giovanni da Rimini, sans être vraiment un élève de Giotto, le rencontra et assimila les prodigieuses inventions de son aîné, qu'il réinterpréta dans un style personnel. La composition des scènes et la gamme chromatique lui rendent ici un hommage direct.

Six moments choisis dans la vie du Christ résument tout le récit : Nativité, Crucifixion, Déploration, Descente aux limbes, Résurrection et Jugement dernier. Ce type de panneau me semble toujours l'ancêtre de la bande dessinée avec ses vignettes et son organisation narrative.

Giovanni Baronzio, Scènes de la Passion, vers 1345

Autre représentant de l'école de Rimini, Baronzio se concentre ici sur les scènes de la Passion : Descente de croix, Déploration, Résurrection, Descente aux Limbes entourent la Pentecôte, au niveau supérieur. J'aime beaucoup ce panneau, avec une vraie recherche de vraisemblance dans la mise en espace, les détails (les soldats endormis, en bas) et une éclatante palette dominée par des roses très frais. Baronzio récupéra vraisemblablement aussi l'héritage de Giotto !

Simone dei Crocifissi, Tryptique avec la Vierge à l'Enfant, XIVe siècle

Simone dei Crocifissi est un des plus anciens peintres de Bologne, qui allait produire inlassablement de grands maîtres dans l'histoire de l'art. Tout un programme encore : Vierge à l'Enfant avec anges au centre, l'Annonciation répartie sur le haut des deux panneaux ; en prime, Saint Augustin et sa mère, infatigable accompagnatrice, Sainte Monique.

Et, pour une fois, l'oeuvre est signée : l'inscription Semon pincxit (Simon l'a peint) est bien visible, en bas.

Maître de la Madonna du Palazzo Venezia, Vierge à l'Enfant, XIVe siècle

Le peintre n'est pas identifié mais il a peint d'élégants personnages, avec une carnation fraîche mise en volume avec beaucoup de délicatesse.


Au plafond, Saint Georges se régale de pourfendre le dragon.

Niccolo di Pietro, Le Couronnement de la Vierge, XIVe siècle

Egalement au contact de la peinture de Bologne, Niccolo est pourtant un peintre vénitien qui, avec les Veneziano, perpétue le style byzantin. Il s'inscrit cependant, à sa manière, dans le gothique international. Ici il reprend une scène liée au développement du culte de Marie, le Couronnement de la Vierge.

Filippo Lippi, L'Annonciation, XVe siècle

Le grand Filippo Lippi fut un jeune novice qui mena une existence peu monacale ; il séduisit une religieuse, l'enleva, et eut un fils (connu sous le nom de Filippino Lippi). Ses ennuis avec la justice le conduisirent à la prison et à la torture... Cette existence mouvementée (j'imagine un Caravage du Quattrocento) ne l'empêcha pas de produire une passionnante peinture, enrichie de multiples influences comme celles de Masaccio ou de Fra Angelico, et d'être un des tout premiers à appliquer dans ses tableaux les principes de la perspective élaborés par Brunelleschi et Alberti. Son élève Botticelli sera le maillon suivant...


Sa lumineuse Annonciation respecte la tradition : ange à gauche, vierge à droite, lys, symbole de pureté. On voit même la colombe de l'esprit saint.

Filippo Lippi, L'Annonciation, XVe siècle (détail)

Les donateurs demandèrent à être présents sur le tableau (c'était le moyen le plus noble de se faire tirer le portrait, lorsqu'il n'y avait guère de peinture que religieuse) ; pour éviter de les mettre sur le même plan que la scène sacrée, Filippo a créé un étonnant espace tridimensionnel, à partir de cette tribune, qui se prolonge sur un palais dont on voit une statue dans une niche et une coûteuse chambre avec rideau et couvre-lit. Florence était une ville de tissus !
 
Filippo Lippi, L'Annonciation, XVe siècle (détail)

L'espace se poursuit encore avec un charmant paysage arboré.

Ma photo rapprochée permet aussi de vérifier la délicatesse des voiles de la Vierge !

Filippo Lippi, La Madone de Tarquinia, XVe siècle


Style complètement différent pour cette Madone de Tarquinia, qui impose le modèle ancien de la Vierge sur le trône. Malgré l'espace réduit, Filippo propose un maximum d'éléments modernes : un bébé bien vivant, un arrière-plan aussi creusé que possible, avec même une fenêtre avec vue sur la gauche, et il travaille une audacieuse palette bichromatique en noir et rose.


L'escalier à puits carré est, comme la loggia, l'œuvre du Bernin.






Je poursuis ma visite avec l'exposition Orazio Borgianni, pas immense mais très bien conçue, un vrai plaisir.


Andrea Sacchi a décoré le plafond sur le thème biblique du Livre de la Sagesse. L'allégorie de la Divine Sagesse est entourée de figures allégoriques : la Noblesse avec la couronne, l'Eternité avec un serpent qui se mord la queue, la Douceur avec la lyre, la Divinité avec le triangle, la Justice avec la balance (c'est la plus facile à reconnaître), la Force avec la massue, la Bienfaisance avec l'épi de blé...


Agnolo Bronzino, Stefano IV Colonna, 1546

Le grand représentant du maniérisme florentin (le vert et le violet en sont des couleurs caractéristiques) a peint ici un membre d'une grande famille romaine, présenté comme un guerrier en armure.

Lorenzo Lotto, Le Mariage mystique de Sainte Catherine d'Alexandrie, 1524

La scène du mariage mystique est issue de Saint Augustin ; c'est une expérience qui transcende celui qui la vit en lui faisant ressentir une union avec le Christ comparable à un mariage. Saint François d'Assise et les deux Saintes Catherine, celle de Sienne et celles d'Alexandrie, sont les plus souvent représentées. On montre le Christ enfant, non dans une quelconque visée pédophile, mais au contraire pour indiquer la pureté de cette union ; les saints masculins s'unissent le plus souvent aux vertus théologales.

La composition commandée à Lotto comprend Saint Jérôme avec sa cape et le lion, Saint Georges en armure, en pleine action, Saint Sébastien avec sa flèche (derrière l'épaule droite de Sainte Catherine), Saint Antoine abbé et Saint Nicolas de Bari. Je pense que Saint Antoine est représenté avec les clochettes des cochons qu'il élevait, et Saint Nicolas avec la crosse.

La Vierge qui nous plante un regard franc dans les yeux, la délicatesse du geste de Sainte Catherine, la fraîcheur des coloris sont entièrement redevables à Lorenzo Lotto, merveilleux peintre qui m'enchante toujours.


La chapelle



Le Bernin dessina les plans de la chapelle qui fut décorée par Pietro da Cortona et ses élèves. La Crucifixion est sans aucun doute de la main du maître. Un peu pâlichonne à mon gré... 


L'Adoration des bergers serait apparemment l'oeuvre d'un autre élève, Giovanni Francesco Romanelli.


Pietro Paolo Baldini, un des élèves, s'est vu confier L'Ascension ; elle est très réussie, avec un effet de lévitation souple rarement rendu. 


Dans une lunette, une Sainte Famille avec Sainte Anne.


Et dans une autre, un Repos durant la fuite en Egypte.


Sous la coupole, la colombe de l'Esprit Saint ; les putti folâtrent dans  trois parties mais la quatrième a bizarrement été laissée vide.

Cette chapelle fut longtemps fermée au public, avec des fresques invisibles. Elle a été somptueusement restaurée, on en profite !

Niccolo dell'Abate, Jeune Homme au chien, XVIe siècle

Niccolo dell'Abate fut un peintre voyageur ; formé à Modène, il perfectionna son style à Bologne, en s'imprégnant du style d'artistes émiliens comme Correggio (Le Corrège) ou Parmigianino (Le Parmesan). Henri II le fit venir en France où il termina sa vie, et il mourut à Fontainebleau.

On voit davantage de fresques que de tableaux, finalement assez rares ; mais c'est un peintre intéressant et novateur, qui peint avec souplesse et souvent propose de grandes zones colorées, comme Pontormo.

Son jeune homme mélancolique a le regard qui sort du tableau, mais c'est un lettré.

Niccolo dell'Abate, Jeune Homme au chien, XVIe siècle (détail)

On remarque bien plus le livre que le jeune chien aux yeux vifs, alors que c'est lui qui regarde le spectateur !

Bartolomeo Veneto, Portrait de gentilhomme, XVIe siècle

Bartolomeo Veneto, ou Veneziano, est un peintre rare, avec une petite quarantaine de tableaux connus. Ses premières œuvres sont moins célèbres que ses portraits ; son travail à Milan lui a donné une palette plus colorée et plus éclatante, et son dessin s'est fait plus minutieux au contact des réalisations de Dürer.

Il signe ici un portrait impeccable, plein de vivacité, avec des textures parfaites (fourrure, cheveux, étoffes) et son délicieux paysage semble venir tout droit de la peinture nordique.

Quentin Metsys, Erasme de Rotterdam, 1517

Un détour par le nord, précisément, avec le grand maître de la peinture anversoise au tournant du XVIe siècle, Quentin Metsys. Un peintre très méticuleux, dans la grande tradition des Bouts, van der Weyden ou van Eyck, avec de merveilleuses touches transparentes qui rendent le coup de pinceau invisible.

Il peint ici le portrait d'un des grands cerveaux de l'histoire de l'humanité, un vrai humaniste qui écrivait sur un nombre de sujets inépuisable, et rédigeait des lettres à destination de toute l'Europe intellectuelle ou politique.

Quentin Metsys, Erasme de Rotterdam, 1517 (détail)

En 1517 Erasme et Peter Gillis décidèrent d'envoyer leur portrait à Thomas More, un auteur et légiste de la cour d'Henry VIII. Ils s'adressèrent donc au plus grand peintre anversois du moment. Toute la correspondance préservée permet de suivre l'affaire, avec l'impatience de More de voir enfin les fameux tableaux.

Metsys a peint Erasme dans son bureau en suivant une des représentations courantes de Saint Jérôme ; allusion sans doute au livre sur le père de l'église qu'Erasme venait de publier. Dans la version conservée à Londres, les livres portent d'ailleurs des inscriptions et on peut lire Hieronymus sur celui-ci.

Le visage intelligent est adouci par l'expression pensive, ce qui semble donner accès à l'espace intérieur de l'écrivain. Un parfait cadeau pour un ami !

Hans Holbein, Henry VIII, début XVIe siècle

L'allemand Holbein fut nommé peintre du roi Henry VIII en 1536. Sa fonction lui imposa plusieurs portraits du souverain, dont une célèbre fresque pour la chambre royale, aujourd'hui détruite mais reproduite dans de multiples copies. On sait que Holbein dut exagérer la stature du roi, dont l'armure personnelle révélait une carrure bien moins imposante. Ses portraits atteignirent cependant leur but et c'est à eux qu'on doit l'image officielle d'Henry VIII, à tel point que c'est sur eux que se basa Charles Laughton pour sa composition dans The Private Life of Henry VIII, qui lui valut un Oscar.


Jacob de Backer, Le Christ mort supporté par un ange, vers 1580

Jacob de Backer n'est pas un peintre très connu ; représentant de l'école d'Anvers, il voyagea en Italie et son séjour à Rome est documenté. 

Le thème du Christ mort porté par des anges n'apparaît pas dans les Évangiles. A la base, il s'agissait d'une icône byzantine vénérée par les pèlerins qui venaient à Rome ; sur ses côtés, deux anges soutenaient le Christ mort, debout dans le tombeau. Cette image fut modifiée à la Contre-Réforme, passant par un Christ assis sur le sarcophage, et un Christ enseveli par les anges. 

Jacob de Backer choisit la version où il est enlevé au ciel avec un seul ange, pas la plus fréquente, et il la théâtralise avec un tissu pourpre. Le ciel est si abstrait qu'il semble une version baroque du fond doré des icônes.

Jan Massijs, Judith et Holopherne, vers 1550

Version érotique d'une Judith aux seins nus. Sa pose conquérante , le camp à gauche qui contextualise bien la scène, le geste de la servante pour attraper la tête me semblent des réussites, et le peintre emploie avec maîtrise une gamme de teintes froides pour valoriser ses rouges. 

Tout de même, je préfère de beaucoup la version du Caravage !

Jacopo Zucchi, Clelia Farnese, vers 1580

Clelia Farnese eut la réputation d'être la plus belle femme de Rome. Le serait-elle aujourd'hui ? 

Fille illégitime du cardinal Alessandro Farnese (!!!), elle fut intensément courtisée par le cardinal Ferdinand de Medicis. Décidément ! 

C'est sans doute lui qui commanda ce portrait à Zucchi, un maniériste florentin à son service.

Girolamo Muziano, Le Portement de croix, 1561

Le cadrage très serré fut souvent utilisé pour le Portement de Croix, permettant de ramasser l'espace, presque claustrophobique, et de dramatiser la scène par des oppositions de personnages. Muziano, infatigable peintre dans les églises romaines (l'Aracoeli, Saint Louis des Français, Santa Maria della Concezione et bien d'autres) montre un doux Christ au visage résigné en opposition avec la face rugueuse du second personange. 

Ma préférence va  l'extraordinaire version de Lorenzo Lotto, réalisée une trentaine d'années auparavant ! 

Marcello Venusti, Le Christ au jardin de Gethsemani, vers 1565

Je ne connais pas ce Venusti, un peintre de Côme, et le cartel m'informe que ce tableau est basé sur un dessin de Michel-Ange. Comme autrefois, le même personnage est répété dans les étapes du récit : le dialogue avec Pierre, pour l'exhorter à résister au sommeil, et la prière. Cette vaine tentative de garder Pierre éveillé est vue comme une illustration de la faiblesse humaine.

Ce qui est extraordinaire dans ce tableau, c'est l'utilisation de la palette maniériste dominée par des roses et des verts, mais exacerbés, presque fluo. 


Francesco Bassano, Le Christ au jardin de Gethsemani, vers 1590

Autant le contraste du Caravage m'enchante, autant ce noir épais des Bassano me séduit peu. Il me manque la chaleur des carnations, et ces verts et roses maniéristes me semblent bien peu heureux sur tout le noir.

Pourtant la composition est habile, avec une volonté évidente de varier les postures. Et l'idée de montrer au fond les torches des soldats qui arrivent déjà est une bonne idée narrative.

Le Titien et atelier, Vénus et Adonis, vers 1560

De nombreuses versions furent produites de cette scène célèbre, la plus célèbre restant celle pour Philippe II, exposée aujourd'hui au Prado de Madrid. C'est Ovide qui fournit le thème dans ses Métamorphoses, texte littéralement redécouvert à la Renaissance, mais le Titien propose une scène inédite où Adonis s'extirpe des bras de Vénus. Les chiens tirent sur la laisse pour partir à la chasse, et on sait qu'il n'en reviendra pas vainqueur : un sanglier le blessera mortellement. Adonis quitte l'amour pour la mort...

Le Tintoret, Le Christ et la femme adultère, vers 1549

Seconde gloire de la peinture vénitienne, l'infatigable Tintoret, recordman de la plus grande peinture à cette époque avec le Paradis du Palais des Doges, peintre virtuose et rapide...

Ici il illustre une des scènes célèbres de l’Évangile de Jean, lorsque Jésus défend une femme incriminée pour adultère avec la phrase "Que celui qui n'a jamais péché lui jette la première pierre. Le tableau suit le récit, avec la phrase inscrite dans le sol par le Christ.

L'action se déroule dans deux zones distinctes, celui dédié au dialogue du Christ, et un palais à colonnes, présenté avec une forte perspective, qui creuse l'espace.

Le Greco, L'Adoration des bergers / Le Baptême, vers 1596

J'ai vraiment du mal avec la peinture du Greco, un des rares peintres qui me font ressentir de la répulsion. Même les expressionnistes allemands (j'ai en tête Otto Dix) ne me donnent pas de semblables sensations. Je reconnais l'originalité de son œuvre, mais je ne parviens pas à dépasser ma réaction première. Je suis sans doute mécréant, mais je continue à trouver cette peinture atroce.

Giovanni Cariani, La Vierge à la couture, vers 1525

Scène de famille : la Vierge et Sainte Elisabeth, les deux parentes de la Visitation, et leurs petits, Jésus et Jean-Baptiste. La rencontre entre les deux enfants, bien avant le baptême, fut largement développée dans la littérature religieuse médiévale et le sujet est devenu bien classique au XVIe siècle. 

Cariani peint dans une Venise encore sous le charme de Bellini et de Giorgione, mais il me semble que c'est davantage l'influence de Lotto qui se ressent ici dans cette fraîche peinture aux bambins complices. Il a truffé sa toile de symboles liés à la maternité miraculeuse ; le cartel m'apprend que les perdrix, selon le bestiaire médiéval, pouvaient concevoir à travers l’ouïe ! Rien que ça ! 

Palma Le Jeune, Le Massacre des innocents, vers 1623

Voici un grand peintre de la peinture vénitienne, dont j'aime beaucoup les toiles en général. Celle-ci date de sa toute dernière période (il a alors soixante-quinze ans) et c'est intéressant de mesurer son évolution ; il abandonne ici la peinture méticuleuse pour passer à un pinceau rapide, sous l'influence conjointe du Titien et du Tintoret.

C'est un tableau réussi avec un espace resserré mais envahi, étouffant, dont l'horreur s'accentue avec les cadavres d'enfants qui jonchent le sol. C'est toujours étonnant de voir combien ce passage cruel fut abondamment traité à cette époque. L'horreur baroque, le sens du tragique cathartique, y trouvaient sans doute leur compte. 

Bartolomeo Passerotti, La Boucherie, vers 1580

Je pense instantanément à Joachim Beuckelaer, le peintre anversois spécialiste des scènes de marché. A la même époque, Passerotti donne la première peinture de boucherie de la peinture italienne. L'échoppe est bien fournie, quartiers de bœuf, morceau choisi, découpe de sanglier... Comme chez Beuckelaer, on cherche à renvoyer une image d'opulence.

A gauche en haut, sur la patère, le peintre a signé son oeuvre en peignant un passereau (Passerotti).

Franz Francken II (Le Jeune), Un Cabinet de collectionneur, 1616

Franz Francken II inventa un genre, des peintures représentant un cabinet de curiosités ou cabinet d'amateur. A cette époque curieuse de redécouvrir le monde, on collectionne des objets rares ou exotiques, tableaux, minéraux, fossiles, squelettes ou antiquités... J'ai toujours apprécié ce concept hétéroclite de la collection de collections. 

Sa toile va cependant plus loin ; elle est construite sur une stricte opposition entre l'intérieur, univers du savoir multiple, et l'extérieur, lieu du chaos.


Annibale Carracci, Triptyque portatif, 1603

 En voyant de loin ce petit triptyque, dédié à la dévotion privée, j'ai cru à une peinture flamande. Les bleus, la représentation de Marie-Madeleine. Je suis très surpris de découvrir une peinture d'un des Carrache, à qui je n'aurais absolument pas pensé.

Construction classique, une scène centrale et deux saints sur les volets. Au centre, une Déploration dramatique strictement ordonnancée dans la diagonale, avec une Vierge évanouie. A gauche, Sainte Cécile s'est postée devant un orgue positif pour qu'on puisse la reconnaître. Quant au personnage de droite... Il m'a fallu faire des recherches pour trouver son identité, et je n'avais aucune chance. 

C'est Saint Herménégilde, un Wisigoth du VIe siècle qui fut comte de Séville. Il abandonna l'arianisme pour le catholicisme, fut martyrisé mais c'est au XVIe siècle que Sixte V le canonisa, ce qui explique sans doute sa présence ici. Son prénom ne me semble pas très porté en France mais, en Italie et dans l'univers de la mode, Ermenegildo Zegna est un couturier célèbre. J'ai fait soudain le rapprochement !

Wikipedia m'informe aimablement qu'il est fêté le 13 avril, avec d'autres saints archi-célèbres aux prénoms partout portés : Carpe, Guinoch, Mars ou Ours !
 
La seconde partie de ma visite se trouve dans l'article suivant.

4 commentaires:

  1. Une très intéressante visite. Je ne connaissais pas ces différents noms des crucifix. J'aime beaucoup le portrait de Clelia !
    Merci pour ce magnifique article.
    Françoise

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    1. Merci beaucoup Françoise ! Un très intéressant musée en effet.

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  2. Great guided tour amongst beautiful paintings! I will know the different expressions of Christus.
    Still a wonderful blog to learn about art.
    Annie

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    1. Sorry for my late answer. Thank you for your kindest words, Annie!

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