Une riche journée avec de multiples visites, en passant par des fontaines fameuses dont celle du Triton du Bernin.
Le soleil brille toujours sur Rome et le thermomètre a déjà bien grimpé ce matin. Je suis d'attaque pour une grande journée où j'ai prévu un grand musée et plusieurs églises d'importance. Pour le moment, j'essaie de varier les itinéraires à partir de mon hôtel !
En 1592, le pape Clemente VIII (Ippolito Aldobrandini) fit construire un couvent avec l'église Sant’Andrea degli Scozzesi (Saint André des Ecossais). En 1962, le bâtiment fut transformé en bureaux et l'église, impossible à repérer, est devenue une salle de réunion.
Je passe par la Via delle Quattro Fontane, la rue des Quatre Fontaines. Cette fois-ci, j'ignore superbement San Carlino, la création de Borromini, que j'ai revue avec plaisir tout récemment ; ma journée devrait comprendre au moins deux riches églises où je vais me régaler !
La Fontaine du Triton
Rome a la réputation non usurpée d'être une ville de fontaines et, dès l'Antiquité, les multiples aqueducs apportaient dans le centre l'eau des alentours. Il s'agissait d'une nécessité à la vie quotidienne et les fontaines publiques étaient les seuls points d'eau.
Les possibilités décoratives offertes par le jet d'eau transformèrent peu à peu ces éléments de la vie de la cité en ornements et les fontaines devinrent le point principal de larges places, allant parfois jusqu'à s'y étendre largement comme à la Fontaine de Trevi. D'ailleurs, c'est au XVIIe siècle que les jeux d'eau, avec leur machinerie favorisée par le développement de l'ingénierie, se multiplièrent. Versailles en est sans doute un des exemples qui vient immédiatement en tête.
Le Bernin, la Fontaine du Triton |
La dernière touche apportée au Palais Barberini réclamait une fontaine d'importance. Le Bernin, déjà à l’œuvre dans ce bâtiment, obtint le contrat pour sa réalisation. Elle serait alimentée par l'aqueduc de l'Aqua Felice, tout comme la Fontaine du Moïse. Le quartier, dans l'Antiquité, était déjà celui d'immenses thermes qui réclamaient une abondante distribution d'eau.
Le Bernin, la Fontaine du Triton |
La conception du Bernin ressemble à celle de sa Fontaine des Fleuves, Piazza Navona, avec une base évidée. Cette fois, ce sont quatre dauphins qui supportent une large coquille sur laquelle se tient un triton agenouillé. Pas un batracien, mais un dieu marin aux jambes couvertes d'écailles, l'équivalent masculin d'une sirène. La position dynamique d'un personnage en train de boire donne beaucoup de force et on retrouve bien là la puissance de la sculpture du Bernin.
Le blason avec les abeilles est, évidemment, celui des Barberini.
Pour la petite histoire, c'est là que le peintre Valentin de Boulogne, un des meilleurs caravagesques français, périt noyé après une soirée de beuverie.
J'ai toujours ma liste d'églises non vues et je tente, à tout hasard. Beaucoup me restent obstinément fermées...
Vierge à l'Enfant dans le style des Della Robbia |
Au croisement des rues, voici une délicate Vierge à l'Enfant en céramique. Elle évoque nettement le travail des Della Robbia, une famille d'artistes florentins qui se spécialisèrent dans la terre cuite émaillée, allant jusqu'à réaliser de véritables sculptures. Ils exploitaient au maximum la palette étroite qui leur était offerte (blanc, bleu, jaune et vert, et un pourpre plus rarement utilisé) ; la frise décorative de fleurs et de fruits ajoutait au charme de leurs modelages délicats.
Je m'approche de la Scalinata di Spagna. Première visite prévue.
La Trinité des Monts ou Trinità dei Monti, fameuse église française, est une merveille d'art avec ses chapelles ornées de superbes fresques. Une visite que j'ai toujours adorée.
La Barcaccia |
La Place d'Espagne ou Piazza di Spagna fut baptisée ainsi quand l'ambassade d'Espagne auprès du Saint-Siège y prit ses quartiers. Toute la zone était devenue terre espagnole. Il paraît que les étrangers y étaient souvent enlevés pour être enrôlés de force dans l'armée espagnole ! La rivalité avec les Français, qui dominaient le haut de la place avec la Trinité des Monts et, plus loin, la Villa Médicis, était féroce.
Urbain VIII, le pape Barberini, aurait commandé cette autre Fontaine, la Barcaccia, la grosse barque, à Pietro Bernini, le père du célèbre Gian Lorenzo. Je ne la trouve pas particulièrement séduisante mais elle a toujours eu du succès !
La colonne de l'Immaculée Conception |
Comme jadis Siméon le stylite, à Rome de nombreux personnages se sont réfugiés sur des colonnes, transformation des colonnes triomphales de l'Antiquité (comme les plus célèbres de Trajan et de Marc-Aurèle). Celle-ci est une des plus tardive et fut érigée par Luigi Poletti en 1854. La colonne antique fut découverte au XVIIIe siècle ; la statue de la Vierge Marie y fut placée pour faire de la publicité au dogme de l'Immaculée Conception.
Le palais à gauche, propriété du Vatican, ne dissimule pas sa fonction : c'est celui de la Propaganda Fide, la Propagation de la Foi dans les pays non catholiques.
Comme il me reste du temps, j'en profite pour baguenauder dans le quartier, avec ses ruelles pavées aux murs ocrés.
Les palais se touchent les uns les autres et on parvient parfois à apercevoir leurs jardins intérieurs.
Le nom de cette Via Bocca di Leone, la rue de la Gueule du Lion, reste assez mystérieux. On ne sait pas trop si la voie romaine comportait une statue de lion ou s'il s'agissait de l'enseigne d'une auberge. Cela aurait pu désigner une bouche d'égout, comme la fameuse Bocca della Verità.
Cette grande église, via del Corso, est presque toujours ouverte. Inutile d'y pénétrer de nouveau : je l'ai également visitée il y a quelques jours, cette basilique des Saints Ambroise et Charles.
Je vais plutôt visiter l'église de Jésus et Marie, un peu plus loin. Visite intéressante mais qui me donnera du fil à retordre avec les œuvres qu'elle contient. Lorsqu'aucune indication n'est fournie, ce n'est pas toujours facile de dénicher des informations.
Je reprends ma promenade, profitant de cette verdure le long des murs qui demeure dans mon esprit indissociable de la ville.
L'église Saint Yves des Bretons |
Je tente, à tout hasard, l'église Saint Yves des Bretons, sans doute charmante, mais qui refuse obstinément de m'ouvrir ses portes. Cette autre église française, une des cinq de Rome, date du XIXe lorsqu'on démolit la précédente du XVe.
L'église Saint Antoine des Portugais |
Sant'Antonio dei Portoghesi (Saint Antoine des Portugais) ou in Campo Marzio (au Champ de Mars) fut reconstruite dans les années 1630 ; elle est dédiée à Saint Antoine de Padoue, dont on ne sait pas toujours qu'il était né au Portugal. Martino Longhi le Jeune y réalisa sa première façade, clairement baroque. La décoration la plus riche se trouve au sommet, avec le blason et la série de statues. Des anges trompettent fièrement sur les côtés.
Elle est fermée lors de mon passage, mais je l'ai visitée dans un précédent voyage ; elle contient une belle coupole de Rainaldi et un monument funèbre de Canova.
Un lion antique dévorant un cheval a été enchâssé dans une façade ; ce n'est pas celui de la Bocca di Leone précédente !
Si Rome a été largement modifiée à l'époque baroque, elle n'en a pas moins conservé quelques constructions médiévales. Voilà un élégant palais du XVe siècle.
A l'époque, on ouvre largement le palais sur la rue, en ménageant loggia et baies spacieuses.
Il semble bien que le niveau supérieur a préservé des traces de ses peintures murales. Jusqu'à la fin du Moyen-Age, il était courant d'orner les façades des demeures privées comme publiques.
Ce charmant palais avait même un portique, comme les premières églises romaines (allez, au hasard, San Giorgio in Velabro ou San Lorenzo fuori le Mura). Le blason familial y est placé sur le balcon.
Déjeuner
C'est l'heure ! Beaucoup de restaurants sont malheureusement fermés dans le quartier. Je finis par trouver une sympathique auberge ; la savoureuse bruschetta con pomodoro m'assure un peu de crudités mais la lasagna di carne, à la viande donc, a un aspect plus décevant. Une fois n'est pas coutume, elle est parfumée à la noix de muscade.
Un gelato !
Gelateria della Palma |
Via della Maddalena, la Gelateria della Palma affiche plus de cent cinquante parfums !
Gelateria della Palma |
C'est un vrai dilemme que de se décider ; je prends la peine d'inspecter les vitrines.
Gelateria della Palma |
A y être, autant goûter des parfums plus rares que fraise ou vanille...
Gelateria della Palma |
Gelateria della Palma |
Gelateria della Palma : glace basilic, courge et pesto de pistache |
C'est décidé : basilic à gauche, courge à droite et pesto de pistache, caché derrière. C'est un délice ! Une bonne adresse.
La Fontaine de Trevi |
Pour le plaisir, je passe par la Fontana di Trevi en remontant vers le Palais Barberini. Je ne m'arrête pas, cette fois ! Je suis proche de l'heure de ma visite maintenant.
Je vais passer la majeure partie de l'après-midi dans le Palais Barberini qui héberge les Galeries Nationales ; première série, de la peinture médiévale au baroque.
Seconde partie avec l'immense plafond de Pietro da Cortona et les artistes du XVIIIe siècle, dont les vedutistes vénitiens.
L'exposition Orazio Borgianni fait la lumière sur un intéressant peintre influent et méconnu.
Enfin, je me régale avec les merveilleux Caravage de la collection, dont l'extraordinaire Judith. Le musée les complète intelligemment avec une fructueuse série de toiles inspirées par le grand peintre.
Via Vittorio Veneto |
Plutôt que de redescendre vers la Via del Corso, j'emprunte la Via Vittorio Veneto vers le Pincio.
Porta Pinciana |
Parvenu à la muraille romaine d'Aurélien, décidément bien conservée, je me trouve face à la Porta Pinciana, une des nombreuses percées dans l'enceinte.
L'entrée du Parc du Pincio |
Je pourrais poursuivre dans le Parc du Pincio vers la Villa Borghese mais j'opte pour le Viale del Muro Torto, l'avenue du mur tordu, qui la longe. Cette partie date de l'époque républicaine mais elle fut ensuite englobée dans la muraille aurélienne.
Viale del Muro Torto |
L'étroit trottoir n'est pas vraiment adapté à la promenade mais c'est l'occasion de voir un bon morceau de cette muraille antique. Il paraît que cette partie forisportam, hors les murs, servait de sépulture au peuple frappé d’infamie, suicidés, voleurs ou prostituées.
Viale del Muro Torto |
En plein centre de Rome, j'ai l'impression de me trouver à l'extérieur de la ville. La Porte Saint Sébastien fait d'ailleurs le même effet. C'est toujours curieux de voir combien l'urbanisme antique demeure présent dans cette Ville Éternelle.
Deux constructions jumelles en néo-antique m’accueillent au bas de l'avenue, près de la Piazza del Popolo.
C'est ma seconde grande visite d'église de la journée ; Santa Maria del Popolo est un véritable musée, avec même deux fabuleux tableaux du Caravage.
Piazza del Popolo |
Au XIXe siècle, pendant l'occupation napoléonienne, Giuseppe Valadier, architecte du Saint-Siège, créa ici une des plus vastes places de la ville. Il eut la prudence de conserver les édifices principaux, les églises jumelles, l'obélisque et la porte, tout en l'articulant avec le Pincio qui descend jusque-là.
La fontaine de la déesse Rome |
Au bas de cette terrasse du Pincio, la Fontana della Dea Roma, la fontaine de la déesse Rome, présente donc une vision allégorique ; les deux statues qui entourent la déesse symbolisent deux cours d'eau, le Tibre et l'Aniene.
La fontaine de Neptune |
En pendant à la précédente, voici un habitué des fontaines, le Dieu Neptune, accompagné de deux tritons ; les deux ensembles furent réalisés par Giovanni Ceccarini en même temps que la nouvelle place.
L'Obélisque Flaminio de Sethi Ier, Piazza del Popolo |
L'église Santa Maria dei Miracoli (Sainte Marie des Miracles)
Au moment de ma visite seule Santa Maria dei Miracoli est ouverte ; deuxième église de Carlo Rainaldi de la journée après celle de Jésus et Marie ! Outre la contrainte du terrain, il dut composer avec la nécessité de réemployer les colonnes imposées dans le contrat du pape Sixte V. Ce n'étaient pas n'importe lesquelles, elles provenaient des clochers que le Bernin avait construit à Saint Pierre, détruites dans la transformation de la basilique. Leur taille relativement modeste imposa des adaptations : marches à l'avant, tympan étroit pour conserver l'impression d'élévation, haut tambour pour obtenir malgré tout un intérieur spacieux.
L'église fut terminée par Carlo Fontana et on ajouta au XVIIIe siècle les statues des saints franciscains réalisées par les sculpteurs habituels de la Rome baroque, en particulier Ercole Ferrata, Michel Maille et Cosimo Fancelli. Et ce n'est qu'au XIXe siècle que la toiture fut refaite en ardoises.
Santa Maria dei Miracoli, l'intérieur |
Voici donc une église ronde, avec seulement de petites chapelles qui l'animent. Les statues sur les murs sont l'oeuvre de l'élève du Bernin Antonio Raggi (le Danube de la Fontaine des Fleuves, c'est lui). L'ensemble me paraît un peu grisonnant et peut-être un bon nettoyage serait-il appréciable.
Santa Maria dei Miracoli, la coupole |
Les hautes fenêtres avec la lanterne sont l'unique source de lumière de l'église, et elles semblent suffire. Quant à l'impression de hauteur recherchée, on n'est pas déçu.
Santa Maria dei Miracoli, le maître-autel |
Carlo Fontana conçut cet autel en 1677 ; on y plaça une copie de 1599 de Notre Dame des Miracles, une icône très populaire, qui donna donc le nom à l'église.
Santa Maria dei Miracoli, Notre-Dame des Miracles |
Une légende très connue à Rome prétend qu'en 1525, une dame, semblable à la Vierge de l'icône, était apparue pour sauver un enfant qui se noyait dans le Tibre. Il n'en faut pas plus pour assurer des pélerinages...
Santa Maria dei Miracoli, Monument funéraire de Benedetto Gastaldi |
Sur les côtés, au-dessus des portes, sont encastrés les monuments funéraires des Gastaldi, également élaborés par Carlo Fontana. Sous le buste de Benedetto, les statues de l'Espérance et de la Foi par Girolamo Lucenti flemmardent sur les consoles.
Le Palazzo Montecitorio |
Ma journée n'est pas finie ! J'ai encore un grand morceau de marche avant d'atteindre le Cirque Maxime pour ma représentation du soir. Je me faufile dans les ruelles et débouche avec surprise sur le Palazzo Montecitorio, la chambre des députés italienne. Le Bernin en dessina les plans et ce palais apostolique fut achevé par Carlo Fontana, une fois de plus.
Opération pizza
J'ai besoin de reprendre des forces avant mon dernier segment. Pizza con prosciutto, bière (la fameuse Nastro Azzurro, autrefois la plus courante en Italie) et café glacé à mon menu. 17 €.
Dernière étape donc ; je contourne le Capitole vers le Tibre, de loin le chemin le plus rapide vers le Cirque Maxime.
Emouvant témoignage d'une église détruite, quelques fragments de frise : dans l'arcature, un Agnus Dei au milieu des symboles des Evangélistes, et face à nous une Mise au Tombeau plutôt rare.
C'est la meilleure heure pour prendre des photos ! Au-delà de la cordonata capitolina, l'escalier, la place du Capitole est dorée.
Sur le flanc de Sant'Omobono (église désespérément close à chaque voyage !!!), les fouilles permirent de retrouver l'emplacement de plusieurs temples et de découvrir de belles statues.
L'arc de Janus |
L'arc de Janus a perdu les siennes mais demeure impressionnant.
Et pour terminer cette riche journée, rien de tel qu'une belle représentation du Barbiere di Siviglia au Cirque Maxime !
Such a Nice walk in beautiful Rome! Captivating because of your great texts. Congrats!
RépondreSupprimerAnnie
Thanks a lot, dear Annie!
SupprimerUne journée géniale ! Ce magnifique article ne donne qu'une envie, se précipiter à Rome.
RépondreSupprimerMerci pour toutes ces passionnantes informations.
Françoise
J'espère bien ! C'est une ville qui a tellement à offrir aux amateurs d'art. Merci Françoise !
Supprimer