Conversation avec Tetsuro
Je suis d’abord seul et observe le paysage aux multiples rizières.
Sans surprise, il me demande si j’aime le Japon. Je lui explique combien j’apprécie cette contrée lointaine au confort si élevé, la propreté de tout, même des engins de chantier qui semblent sortir de l’usine, l’omniprésence des toilettes, et leur gratuité, la disponibilité incroyable des gens.
Lui me rétorque que, s’il avait le choix, il vivrait bien à l’étranger. Le souci de pureté des Japonais lui sort des yeux. Il me dit qu’ici, il n’y a que des Japonais (ça saute effectivement aux yeux que les yeux bridés dominent largement), qu’on ne se marie pas avec les étrangers et qu’à cette allure, la consanguinité aura vite fait de tuer le Japon. L’obsession du travail lui est insupportable. Il rêverait de voyager comme moi et, dans son entreprise, il a été mal vu parce qu’il prenait une semaine entière de vacances – la première en trois ans ! En outre, il est nommé dans une ville différente tous les quatre-cinq ans. Selon lui, les Japonais sont réservés, méfiants, et se lient difficilement. En restant « si peu » de temps au même endroit, il n’arrive qu’à se faire deux ou trois amis, et tous des collègues de travail. Et, pour nouer des liens amoureux, c’est encore pire. Il rêverait de venir habiter en France… Bref, l’herbe est toujours plus verte dans le jardin du voisin.
A Kyoto
Nous arrivons dans l’impressionnante gare de Kyoto, un monument à elle seule, avec un théâtre, un musée, plusieurs galeries marchandes…Je galère un bon moment pour trouver mon hôtel. J’ai deux bons points de repère, la tour très élevée et le temple gigantesque Higashi-ongan-ji.
Installation : Chita Guesthouse
Mais l’hôtel n’est pas bien positionné sur le plan et j’erre dans la rue parallèle en traînant mon sac qui semble peser cinquante kilos, par un soleil de plomb. Heureusement une gentille famille me tire de mon pétrin (je suis bien content de maîtriser « à gauche », « à droite » et « tout droit »).La gérante de la Chita Guesthouse me guide, avec un anglais impeccable, dans le labyrinthe de la demeure, tout en escaliers raides et en couloirs étroits. Je m’installe dans une chambre minimaliste qui fera parfaitement mon affaire. Je jette un coup d’œil au miroir : il n’est pas mon ami et me montre un visage rougeaud ; j’ai l’air d’avoir participé au marathon olympique. Je file donc à la douche, absolument indispensable.
Higashi hongan-ji
Je m’accorde une visite rapide de l’énorme templeHigashi hongan-ji ; le Goei-do est le deuxième plus grand bâtiment de bois du Japon. Il a été créé par le shogun Tokugawa Ieyasu qui souhaitait faire de l’ombre à la concurrence et donc affaiblir son influence. Ça n’a pas marché ! Finalement, c’est le temple qu’il a construit qui est tombé dans l’escarcelle de son rival, l’école Jodo Shin-su.Vu la taille du bâtiment, c'est difficile de le faire tenir en entier sur la photo.
Un déjeuner à Yodobashi
Sur les conseils de Tetsuro, je monte au sixième étage du grand magasin Yodobashi. L’habituelle galerie de restaurants avec leurs vitrines aux plats en plastique me permet de manger un excellent teppanyaki (sur plaque chauffante) avec salade croquante et l’inévitable trio tsukemono-riz-soupe miso. 1310 yens, une douzaine d’euros. Qui dit mieux ?Temples et sanctuaires !
Kyoto, c’est la ville des temples (plus de 1600) et des sanctuaires (plus de 400) ! J’ai un certain nombre d’incontournables à mon programme, il est temps de s’y mettre sérieusement. Le soleil tape toujours autant et la chaleur est torride, sans doute à son maximum depuis le début du voyage. Je pensais qu’avec un peu d’altitude, il ferait frais, mais Kyoto est une cuvette, situation géographique toujours propice à l’effet chauffage central. Je repasse derrière la gare, me dirige à vue de nez car le GPS refuse obstinément de me localiser.Au bout de quelques kilomètres dans une zone urbaine (l'immeuble de Nintendo est d'ailleurs dans le coin), je longe une rivière plus paisible, et enfin j’atteins un quartier bourré de temples. Le premier est tout mignon, un rescapé du XVIe siècle bien entretenu.
Le Tofuku-ji
Dissimulé derrière une longue enceinte, le Tofuku-ji se compose de multiples superbes édifices et d’un célèbre jardin zen. La guichetière me fait comprendre qu'il va bientôt fermer, il vaut mieux que je revienne le voir.Au XIIIe siècle, le moine Enni, ou Shoichi Kokushi, était allé étudier en Chine auprès d'une sommité, le moine Wuzhun Shifan. Il en rapporta une branche du bouddhisme Rinzai, le Shoichi. Il obtint les ruines d'un temple, le Hossho-ji, pour pouvoir y édifier un nouvel ensemble qui hébergerait son monastère. Le Tofuku-ji fut donc construit tout exprès pour accueillir ce courant de la pensée zen.
C'est le quatrième des cinq grands temples de Kyoto, les gozan, avec le Tenryu-ji, le Shokoku-ji, le Kennin-ji, et le Manju-ji. Je ne suis pas certain de parvenir à tous les voir dans mon voyage ! Il me faudra peut-être revenir.
Plusieurs incendies détruisirent les bâtiments de bois mais il fut reconstruit à chaque fois. Les dirigeants politiques s'impliquèrent toujours dans ces opérations : les Fujiwara, famille qui avait fait édifier le premier temple, puis les grands noms de l'histoire japonaise, Toyotomi Hideyoshi et Tokugawa Ieyasu notamment. Ce que l'on voit a largement été restauré au XIXe siècle.
J'ai été très impressionné par cet ensemble, et le peu que j'ai vu des jardins m'a enchanté. Je regrette de n'avoir pu admirer le jardin sec, réalisé au XXe siècle par Shigemori Mirei, l'artiste à l'origine du renouveau du jardin sec.
Le Fushimi-inari Taisha
Je me demande si je ne me suis pas encore égaré en suivant une longue rue sans l’ombre d’un touriste. Je les retrouve bientôt, ils sortent du métro ! Et, de fait, c’est bientôt une foule compacte qui obstrue la ruelle menant au Fushimi-Inari Taisha. C’est un des sanctuaires que j’avais le plus à cœur de voir. Je me rappelle un documentaire sur Arte où j’avais été fasciné par cette longue suite de torii rouges, ces portiques habituellement présents aux seules entrées des sanctuaires (alors que ce sont les portes, de grands bâtiments à double entrée, qui ouvrent sur les temples). Le renard dont on voit de nombreux exemplaires ici serait le messager d’Inari, déesse des céréales puis des affaires, qui siègerait sur (ou à qui on aurait dédié, je ne suis pas sûr) la montagne où est sis le sanctuaire. Ce lien avec les affaires a amené à ce qu’on lui consacre un torii, puis deux, etc. Il y en aurait aujourd’hui plus de dix mille qui tracent plusieurs sentiers dans la montagne. Lorsqu’on redescend, on voit les noms des donateurs inscrits au verso.Si vous êtes tenté, c'est une histoire de 15000 euros.
Malgré la foule dense (quoique de plus en plus clairsemée au fur et à mesure qu’on grimpe), cette succession de portiques a vraiment de l’allure et j’ai vraiment pris plaisir à cette balade en forêt. La vue d’en haut constitue la coutumière récompense !
Gion
Retour dans la ville pour le quartier de Gion, celui des geishas. Les Japonaises déguisées dans la rue n’en sont évidemment pas mais une école pour en former existe toujours et un spectacle a lieu quotidiennement. Je trouve beaucoup de ressemblance avec celui de Kanazawa, et, sacrilège ! Moins de charme. En tout cas, les touristes s’y pressent davantage.La galerie Leica
La galerie Leica, outre des accessoires à prix sidéraux, présente une expo sur le dernier concert des Beatles.Rapide aperçu du Kennin-ji
Un dernier temple pour boucler la journée, le Kennin-ji, un des cinq grands avec le Tofuku-ji ; fondé en 1202 par le moine Eisai, c’est le plus vieux temple zen de Tokyo. Il est bien conforme au sens de ce mot en occident : un vrai îlot de quiétude sereine au sein d’un quartier agité. Et quelles toitures superbes ! Je n'ai pas le temps de visiter les pavillons principaux (fermés à cette heure) mais la pérégrination dans l'enceinte est plaisante. Je le garde pour plus tard, voire pour un autre voyage !Une mini-forêt au centre abrite, sur un tapis de mousse, pins, tsubas, érables. Ces derniers commencent à rougeoyer. J’aimerais bien en voir de vrais rouges avant de partir.
Je repasse la rivière Kamogawa et surprend, presque au-dessous des restaurants illuminés de Pontocho, un héron solitaire de belle taille.
Dîner
Sur l’interminable boulevard Kawaramachi, j’avise un restaurant à ticket ; tonkatsu (porc pané), curry de légumes, riz, flanc de soja au matcha : 680 ¥, environ 6 €. Avons-nous cela en France ? J’ai oublié d’en parler à Tetsuro. Et j’aurais pu aussi lui citer le prix de l’essence. Ici, moins d'un euro ! Et il faut se rappeler qu'au Japon, le diesel a été banni depuis plusieurs années...
Station essence : le prix le plus élevé est inférieur à un euro. |
Extraordinary temples ! Wonderful pictures ! Great blog !
RépondreSupprimerThnx
Jacob
Thank you, Jacob !
SupprimerDo we know together ? A friend of mine in NYC is called Jacob.
C'est un article très intéressant. J'ai voyagé plusieurs fois au Japon mais je n'ai jamais eu de conversation avec des Japonais dans les trains. Comment faites-vous ?
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup votre blog !
Thomas (Lille)
Bonjour Thomas et merci pour vos compliments.
SupprimerJe ne sais trop comment répondre à votre question. Je ne cherche pas vraiment, je profite de toutes les occasions de discussion qui se présentent. Souvent il suffit de demander un renseignement et de se présenter pour que la conversation soit lancée.
En voyageant souvent en solo, je vois aussi que ça favorise beaucoup plus les échanges, avec des autochtones ou des voyageurs du monde entier.
Cordialement !
Great post with outstanding pics!
RépondreSupprimerCongrats
Mike
Thanks Mike, for your nice review!
Supprimer