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lundi 1 août 2016

Juillet 2016 à Montpellier : un mois de festivalier (3)





Bertrand Chamayou



 



 Festival Radio-France – Montpellier – Languedoc Roussillon


Je suis fidèle au Festival Radio-France depuis la première année. Je lui dois beaucoup de découvertes, beaucoup de soirées mémorables, et d'y avoir entendu des artistes légendaires : Leyla Gencer, Giuseppe di Stefano, Nikita Magaloff... Pendant longtemps j'y ai passé des journées entières, à courir d'un concert à l'autre, et parfois avec des températures torrides. L'Opéra Comédie non climatisé était autrefois redoutable ! Il y avait une vraie ambiance, on y rencontrait des passionnés et le cercle des habitués était chaleureux.
Je me suis limité maintenant aux concerts de l'après-midi et de soirée, et la qualité est souvent au rendez-vous, même si on constate, comme ailleurs, un budget plus restreint (un ou deux opéras contre cinq jadis). C'est sans doute un des plus gros festivals qui soient, avec plus de 100 000 spectateurs, des concerts partout dans la région...

19 juillet : Kristīne Balanas, Vassilis Varvaresos, Quatuor Varèse

le Quatuor Varèse
Cette année, compte tenu de mon agenda aixois, je commence assez tard mes visites à Montpellier. Le thème de l'année est l'Orient, bien illustré par nombre de concerts, mais le rapport avec Brahms est plus tiré par les cheveux. Il s'agit apparemment d'une proposition de Michel Dalberto, ami de longue date de Jean-Pierre Rousseau, le directeur du Festival, qui s'est vu proposer l'opportunité d'une journée thématique. Je ne vois pas tous les concerts de la journée mais je profite des trois derniers.
Celui de 16.00 me permet de découvrir deux compositeurs allemands du XIX° siècle : Friedrich Gernsheim, dont la première sonate est jouée très proprement par Kristīne Balanas au violon et Vassilis Varvaresos au piano, puis Robert Volkmann dont le Quatuor Varèse donne une interprétation très vivante. Ce n'est pas du Brahms mais on est bien dans la période, et ces oeuvre intéressantes méritaient d'être exhumées. Ca donne envie d'en connaître d'autres des mêmes compositeurs.

19 juillet : Trio Hadès, Nils Monkemeyer


le Trio Hadès et Nils Monkemeyer

A partir du concert de 18.00 on est vraiment dans la thématique, Brahms non stop. Le Trio Hadès interprète d'abord le troisième trio, qui me déçoit un peu. Ce sont de bons instrumentistes mais je trouve qu'on a plus l'impression d'avoir trois personnalités qu'un vrai trio qui marche ensemble.
Geoffroy Couteau
le violoncelliste Raphaël Perraud
L'altiste Nils Monkemeyer  les rejoint pour le magnifique quatuor avec piano, joué avec ferveur, et cette fois tout me semble bien marcher. 

19 juillet : Aimez-vous Brahms ?

Le concert de 20.00 me rappelle ces disques thématiques où les éditeurs tentent de dessiner le portrait d'un compositeur à travers une foule d'extraits. Cette pratique est plus rare en concert.
L'affaire commence avec une Sonate pour violoncelle et piano, où le jeune Charles Hervet défend vaillamment sa partie de violoncelle face à Michel Dalberto. Leur interprétation montre beaucoup de force et d'engagement.
Stephan Genz rejoint ensuite le pianiste pour les Vier ernste Gesänge (les Quatre chants sérieux). C'est un beau moment de musique, avec un baryton très attentif aux climats de l'oeuvre ; on sent un vrai compagnonnage avec Dalberto. C'est dommage que l'oeuvre ne soit pas plus longue !
Amaury Coeytaux vient jouer le célèbre et redoutable Caprice n°24 de Paganini au violon, avec toute la virtuosité requise et une belle musicalité.Bien logiquement,  Michel Dalberto propose ensuite les variations sur un thème de Paganini, page tout aussi impressionnante ; j'apprécie sa vision, très structurée, avec une belle palette de couleurs, et qui  révèle bien la musicalité sous la virtuosité.
C'est enfin le prolixe Thomas Enhco qui propose des Improvisations sur les Danses hongroises de Brahms. Son travail stupéfie par le matériau harmonique et cette liberté bien cadrée qui fait les improvisations réussies. Un sacré pianiste !
On change encore de répertoire avec une partie consacrée aux chœurs, tout un pan brahmsien moins connu mais vraiment plein de splendeurs. C'est dommage que les chorales, souvent limitées dans leur répertoire par la difficulté de se produire avec orchestre, ne puisent pas davantage dans ces splendides recueils. L'excellent Chœur de la Radio Lettone, vieux fidèle du festival, montre toutes ses qualités (beauté des timbres, précision rythmique, intensité de la musicalité) dans ces bijoux : An die Heimat, Der Abend, et plus encore les Liebeslieder Walzer accompagnés avec beaucoup de soin par Michel Dalberto et Thomas Enhco.
C'est un concert-fleuve avec deux entractes, qui se termine tard, mais quelle belle soirée !

Stephan Genz
avec Michel Dalberto, Thomas Ehnco, Charles Hervet

20 juillet Quatuor Diotima

le Quatuor Diotima
Le Quatuor Diotima est réputé pour la qualité de ses interprétations de musique contemporaine. Le programme de leur concert de 18.00 est apparemment éclectique mais sait tracer des ponts entre les oeuvres. On commence fort, avec une éblouissante version du Quatuor  « Ainsi la nuit » de Dutilleux, suivi par Distant Voices de Hosogawa tout aussi prenant. Pour terminer le concert, les Diotima ont choisi un classique du répertoire, le quatuor de Ravel, et leur ordre de concert permet d'en apprécier toute la modernité. Les couleurs japonisantes du Hasogawa trouvent aussi des échos ici. Et quels musiciens ! Quelle intensité !

20 juillet : Chez Felix

Natalie Dessay

Philippe Cassard

Un peu moins que la veille, le concert de 20.00 est un patchwork consacré essentiellement à un compositeur, le merveilleux Mendelssohn dont j'écoute souvent la musique.
Pour se mettre en appétit, une découverte : l'ouverture de Turandot, non de Puccini mais d'un romantique allemand, Franz Danzi. Pas de génie mais beaucoup de plaisir, et de très agréables harmonies de bois.
On passe ensuite à Mendelssohn avec quatre lieder interprétés par Philippe Cassard et Natalie Dessay. J'ai beaucoup entendu la célèbre soprano, depuis ses tout premiers rôles sur scène (Barbarina à Marseille), mais je ne l'ai plus écoutée depuis son concert Debussy, il y a quelques années. Je suis donc très curieux de savoir où en est sa voix.
On retrouve le timbre inimitable et les aigus sonnent très bien. L'artiste est plus prudente avec les graves, mais on sent une vraie complicité avec le pianiste et sa vision de cette musique romantique est tout à fait idoine. Le Nachtlied est particulièrement réussi.


Pour la deuxième partie, on retrouve Philippe Cassard dans le superbe premier concerto, si rarement joué ; sa vision bien architecturée montre une belle virtuosité, malgré quelques scories dans les traits rapides.


Enfin Douglas Boyd donne avec son Orchestre de Chambre de Paris (l'ancien Ensemble Orchestral) une élégante première symphonie, avec des thèmes bien mis en valeur. Un vrai plaisir.


23 juillet : Egyptien et Symphonie lyrique 

Bertrand Chamayou
Encore un programme insolite pour le concert de l'Orchestre National de France, un fidèle du festival. Mais, pour inusité qu'il soit, l'appariement des œuvres reste bien dans la thématique du festival.
Tout d'abord, l'excellent Bertrand Chamayou est chargé du concerto n°5  de Saint-Saëns, «L’Égyptien», qu'il joue brillamment, avec beaucoup de clarté et d'équilibre. 
La Symphonie lyrique de Zemlinsky utilise des textes de Rabindranath Tagore, on est donc bien toujours dans l'Orient. Les deux solistes, Malin Hartelius, belle voix au service d'une vibrante expressivité, et Christian Immler, mieux que dans Zoroastre (on mesure ici davantage ses qualités de Liedersänger), sont dirigés par John Neschling. Ce chef brésilien, ce que son nom ne révèle pas, ne réussit pas également tous les numéros de l’œuvre, mais le National brille par la richesse de ses timbres et la qualité des instrumentistes. Luc Héry, le premier violon, a droit à un solo extrêmement émouvant.


Bertrand Chamayou

Bertrand Chamayou et
John Neschling
John Neschling et Malin Hartelius


Christian Immler

26 juillet Eric Le Sage

Eric Le Sage
Pour le dernier concert de 18.00, Eric Le Sage a conçu un passionnant programme autour de Brahms, Clara et Robert Schumann, personnages liés par des relations complexes. Les œuvres de Clara figurent rarement au programme et c'est bien regrettable, à entendre la délicieuse ballade en ré mineur. De Brahms, Eric Le sage a logiquement choisi les variations sur un thème de Schumann, et c'est avec les si difficiles Études symphoniques opus 13 de Robert qu'il conclut le concert.
Eric Le Sage est un chambriste convaincu et cela s'entend dans le piano de ce soliste. J'ai été bluffé par sa maîtrise des études symphoniques, dans sa manière de garder droit la ligne sans se laisser impressionner par la complexité du discours. Un grand interprète.

26 juillet Iris

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La couverture de la partition d'Iris présente un amusant phénomène optique : pour lire le titre de l'œuvre, il faut fixer le jaune et non le blanc dans la partie supérieure !
Ce n'est pas un scoop, je ne suis guère sensible à la musique vériste et les "révélations" du Festival de Radio-France (Cristofero Colombo, Risurrezione, etc) ne m'ont pas toujours séduit. Je ne suis pas du tout un fan de Madama Butterfly, pas vraiment du dyptique Cavalleria / Pagliacci, mais je suis curieux de découvrir cette Iris de Mascagni, qui jouit d'une excellente réputation dans les livres. On a souvent souligné la qualité de cette musique symboliste, et cette oeuvre japonisante me paraît toute indiquée à une semaine de mon départ pour Tokyo !
A l'écoute, je constate aisément que l'orchestration est beaucoup plus soignée que dans Cavalleria et que les harmonies sont vraiment plus riches. Cela dit, je reste assez étranger à l'ampleur de cette musique, et je trouve que son écriture révèle plus de sentimentalisme que de sentiment. Malgré le talent des interprètes, je suis rarement ému et je m'ennuie parfois.
A côté de bons seconds rôles (particulièrement Paola Gardina, la geisha, qui réussit un beau duo avec Yoncheva), le père aveugle est chanté par Nikolay Didenko avec des accents expressifs mais une voix parfois étouffée. Gabriele Viviani, bien plus à sa place que dans l'Enrico de Lucia à Turin, se montre un Kyoto autoritaire et énergique, avec une voix de baryton bien conduite. Andrea Carè, Osaka, a lui aussi une voix superbe ; c'est dommage qu'il soit parfois contraint de la brutaliser dans les aigus tendus, mais ce ténor a visiblement un réel potentiel et j'espère bien le réentendre.
S'il y avait une seule raison à venir à Montpellier ce soir, ce serait bien Sonya Yoncheva. Elle n'a pas du tout la voix du rôle (chanté par Petrella ou Olivero, c'est tout dire), mais elle se joue des difficultés de son écriture. Vocalement, c'est une splendeur, avec des pianissimi impalpables (dès sa toute première intervention, sur un grave évanescent), des harmoniques riches. Elle offre un portrait complexe qui utilise justement sa voix : fraîche et légère au début, de plus en plus sombre au fur et à mesure que progresse le drame. Et elle est capable de doser l'émotion au plus juste, sans verser dans le sentimentalisme. Le récit au père aveugle est un moment bouleversant.
A ses côtés, M. Yoncheva, Domingo Hindoyan (assistant de Barenboim à Berlin, où je l'ai vu diriger plusieurs fois) conduit beaucoup de métier, sachant obtenir de l'orchestre des teintes chambristes comme de vrais rugissements.
J'ai pris plus de plaisir avec la programmation du festival d'Aix, c'est indéniable, mais je ne peux nier la qualité de cette soirée.


Sonya Yoncheva
Sonya Yoncheva



Domingo Hindoyan et Sonya Yoncheva
Nikolai Didenko, Paola Gardina, Gabriele Viviani



Domingo Hindoyan et Sonya Yoncheva

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