Jean-François Guilliet, Geneviève Casile |
Festival Off d’Avignon
Cette année est particulièrement prolixe pour le
Off avec plus de 1400 spectacles. On retrouve cependant les images
habituelles, la foule qui court dans les rues d’Avignon d’un spectacle à
l’autre, les spectateurs qui font la queue en scrutant le gros catalogue pour
chercher la perle rare, les troupes qui « tractent » (distribuent des
tracts).
Dans les queues à l’entrée, on s’échange les bonnes idées,
on parle de ce qu’il faut voir, de ce qu’on a vu et qu’on ne recommande pas…
C’est très stimulant de constater que les amateurs de théâtre sont encore
nombreux ! Cependant, on ne peut ignorer que beaucoup sont consacrés à de
la grosse farce ou à des stand-up de qualité très hétérogène et que certaines
pièces se jouent devant dix personnes. Et que, sans doute, beaucoup de
comédiens ne sont pas rémunérés et même économisent pour pouvoir payer les
frais de location élevés dans les salles, même si certaines ne sont que des
garages ou des placards à balais aménagés.
Cette année, j’y vois quatre spectacles, tous très
différents.
Le bateau pour Lipaia
Il y a une trentaine d’années, j’ai assisté à une
représentation de cette jolie pièce sur l’amitié de seniors dans un sanatorium,
une dame russe fantasque qui noue des liens avec son médecin. Edwige Feuillère
et Guy Tréjan m’ont laissé un excellent souvenir. Cette fois, c’est la grande
Geneviève Casile qui s’y colle, passant avec grâce de la fantaisie à la profondeur
des sentiments. Jean-François Guilliet incarne le médecin en bougonnant comme
il se doit, avec beaucoup d’élégance et de dignité. Jean-Pierre Hané dirige avec sensibilité
cette pièce dans des décors assez minimalistes mais astucieux ; un
accessoire suffit à transporter l’action.
Un délicieux moment de théâtre.
Geneviève Casile |
Roméo moins Juliette
Ce seul en scène est basé sur un argument original :
le camion transportant les décors de Roméo et Juliette est détruit, le bus de
la troupe a eu un accident, il ne reste que le metteur en scène. Qu’à cela ne
tienne, il va faire de son mieux pour assurer le spectacle tout seul. C’est un
vrai hommage au théâtre, à l’imagination et à l’inventivité. L’excellent
comédien, Florent Chesné, se sert d’accessoires inusités pour évoquer ce qui
manque : un escabeau devient le balcon de Juliette, un balai se transforme
en personnage.
C’est évidemment très drôle et il s’agit avant tout d’une
comédie, souvent hilarante, mais qui va plus loin et met le public dans le jeu
pour participer à la création.
Florent Chesné |
Adieu Monsieur Haffmann
Charlotte Matzneff, Gregory Baquet, Julie Cavanna, Alexandre Bonstein, Franck Desmedt |
Théâtre Actuel, tourneur réputé depuis des années, a
ouvert une salle pour présenter quelques spectacles destinés à voyager à
l’avenir (en 2017 semble-t-il). Jean-Philippe Daguerre, que je connaissais
seulement comme metteur en scène, a écrit une pièce originale : pendant la
seconde guerre mondiale, un bijoutier juif demande à son employé de le cacher
dans la cave pendant que celui-ci dirigera la boutique. Le second profite de
cette opportunité pour obtenir qu’il couche avec sa femme, ne pouvant avoir
d’enfant avec elle. Ce point de départ astucieux est déjà un beau sujet de
théâtre, avec toutes les conséquences délicates qui peuvent en découler. Mais
cela est corsé par une scène qui sera le point culminant de la pièce :
l’employé devenu patron invite son principal client, un dignitaire nazi chargé
de la récupération des œuvres d’art. Le bijoutier accepte, à condition de
participer au dîner. Et la fin offre un beau coup de théâtre.
Cette excellente pièce est servie par de remarquables
comédiens, très investis dans leur interprétation : Gregory Baquet, qui
joue avec beaucoup de finesse, Julie Cavanna, la femme toute en délicatesse et
en sobriété, Alexandre Bonstein, un sensible bijoutier juif, Franck Desmedt, efficace
officier allemand, Charlotte Matzneff, qui tire le maximum d’un rôle court avec
un vrai talent comique.
A ne pas manquer.
Gregory Baquet |
Alexandre Bonstein et Julie Cavanna |
Franck Desmedt |
Barber Shop Quartet opus 3
Le Barber Shop Quartet |
Essaion est une salle située rue de la Carreterie qui
propose cette année neuf spectacles ; on m’a vanté celui de 14.20, La
Reine de Beauté de Leenane, avec à nouveau Gregory Baquet et Catherine Salviat.
C’est à celui de 19.10 que j’assiste, un spectacle musical. Le Barber Shop
Quartet se compose de deux hommes et de deux femmes dans des habits rétro, qui
devant leur micro chantent, imitent des instruments, se livrent à des bruitages
confondants. Les arrangements sont soignés, le quatuor chante juste, avec un
souci visible de marier les voix. On rit autant à cause des textes que grâce à
l’interprétation très précisément dosée.
Cela devrait se jouer à Paris jusqu’en décembre, il faut
en profiter. On peut aussi jeter un œil au site web du quatuor : http://www.barber-shop-quartet.net/
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