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mardi 2 avril 2019

Lyon : Opening Night avec Isabelle Adjani (Théâtre des Célestins)




Le Théâtre des Célestins


Le Théâtre des Célestins, le grand théâtre de la ville de Lyon, fut créé à la place d'un couvent fondé par les Templiers mais vite repris par l'ordre des Célestins au XVe siècle. C'est en 1789 qu'on décida de construire à sa place une salle de spectacle, inaugurée en 1792. Cela en fait un des trois plus anciens de France, avec l'Odéon et la Comédie Française à Paris. Les incendies coutumiers dans ces salles éclairées à la bougie amenèrent transformations et rénovations et le bâtiment actuel date de 1880.




Le vénérable édifice a été mis aux normes modernes de sécurité et d'électricité, et on y a ajouté quelques touches de modernité comme ce lustre doré.



Les notes de rouge et de doré, courantes à la fin du XIXe siècle, se retrouvent dans les espaces publics (les foyers notamment) aussi bien que dans la grande salle à l'italienne.


Je viens toujours avec plaisir dans ce théâtre dirigé par la metteure en scène Claudia Stavisky, où j'ai toujours assisté à d'excellentes représentations.

Opening night


Cette fois, ce n'est pas vraiment une pièce de théâtre traditionnelle mais plutôt un spectacle théâtral, construit autour du film Opening night de Cassavetes. Dans ce célèbre film, Gena Rowlands interprète Myrtle Gordon, une comédienne qui assiste à l'accident mortel d'une admiratrice en quête d'autographe. Cette expérience et le sujet de la pièce, la perte de la jeunesse, lui font connaître doute et trouble profond. Le film est une splendeur, mettant en abyme le jeu théâtral d'une comédienne (la propre épouse de Cassavetes) interprétant une comédienne.


Le metteur en scène Cyril Teste a imaginé de prolonger la mise en abyme avec une troisième dimension, celle de la représentation qui se déroule devant nos yeux. Au début, on voit les comédiens répéter le texte de la pièce "zéro", et ils sont appelés par leur prénom réel. On entend ainsi le metteur en scène appeler "Isabelle". Il apostrophe directement la régie, demande aux spectateurs d'éteindre leur téléphone, interagit avec eux, se plaint de ceux qui dorment.
Il dirige donc aussi le comédien qui interprète le metteur en scène et qui dirige à son tour les acteurs.
Et le décor comporte un écran central qui présente une vidéo, tournée en direct, parfois de la salle, tantôt de la scène, quelquefois même des coulisses (je présume que cette partie est aussi en direct, mais il pourrait s'agir ici d'images pré-enregistrées). Le spectacle est donc directement influencé par le temps présent, et je présume que plus encore qu'ailleurs chaque représentation est différente. C'est une forme en chantier permanent.


Cette multiplicité de dimensions en devient vertigineuse. On ne sait pas toujours dans quelle dimension nous nous trouvons. De la pièce "zéro" reste essentiellement une scène entre le mari et la femme, où elle lui avoue qu'elle ne l'aime pas, et qui est travaillée en détail jusqu'aux moindres inflexions. Passionnante leçon de théâtre ! Ce plan-là est quasiment toujours discernable. Mais entre les deux dimensions suivantes, entre Myrtle et Isabelle, ce n'est pas systématiquement perceptible et j'ai bien senti que le metteur en scène se délectait à nous perdre dans un jeu de miroirs.


L'aspect intellectuel du spectacle me paraît essentiel, et pourtant on reste bien au théâtre, le lieu où on rend les affects perceptibles, et l'émotion ne manque pas.



Il faut saluer la performance des comédiens, du metteur en scène DE la pièce devenu aussi acteur (Cyril Teste), au metteur en scène DANS la pièce (Morgan Lloyd Sicard) à l'excellent Frédéric Pierrot, très crédible dans le rôle d'un mari plongé dans le désarroi.



Isabelle Adjani

J'ai eu la chance de déjà voir Isabelle Adjani à trois reprises au théâtre, dans La Dame aux Camélias et La Dernière Nuit pour Marie Stuart à Marigny, et dans l'étonnant Kinship au Théâtre de Paris. A chaque fois, son jeu intense, son engagement m'ont ébloui. Ici, c'est à nouveau à corps perdu qu'elle se jette dans cette expérience, offrant tour à tour froideur et bouleversement, toujours impressionnante de présence physique. Et finalement très fidèle à Cassavetes, qui n'a jamais cherché à montrer la perfection mais, au contraire, à mettre en avant la fragilité, la vie avec ses scories et ses obstacles.

Je conçois totalement que ce work in progress ne peut pas plaire à tout le monde. Mais pour qui se laisse embarquer, quelle traversée !

Frédéric Pierrot

Morgan Lloyd Sicard


Sur la façade, une muse veille...

8 commentaires:

  1. I visited several websites but the audio feature for audio songs
    present at this web page is actually marvelous.

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    1. Thank you, but I don't know what you are speaking about...

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  2. I know very well the movie, I can't imagine a french play about it. Thanks for this detailed post!
    Annie

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    1. I didn't write it, but I also attended a play based upon Faces, by the same Cassavetes.
      Thanks Annie!

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  3. Je crois que cela passe aussi à Paris. Ce captivant article donne bien envie d'aller voir ce singulier spectacle !
    Pierre

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    1. Je vous le conseille, c'est vraiment un spectacle hors-normes !
      Grand merci, Pierre!

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  4. Ca passe a Marseille et votre article me donne envie d'aller le voir
    Christian Martin

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    1. Merci beaucoup, Christian Martin, j'espère que vous pourrez obtenir des places !

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