Pour commencer ma série de représentations à l'Opéra de Vienne, un classique que je vois souvent, Elektra de Richard Strauss.
J'ai déjà chroniqué ici des représentations à Lyon, Barcelone et New York. C'est aussi un opéra que j'ai vu plusieurs fois ici, depuis ma première représentation avec Deborah Polaski et Agnès Baltsa.
La production fut créée pour la prise de rôle de Nina Stemme. L'action se déroule dans les sous-sols du palais, avec des murs carrelés où les servantes nettoient au jet et à l'éponge des femmes nues ensanglantées, image forte qui ouvre l'opéra. Un tas de charbon s'amasse à gauche, des chiens viendront y fouiller. Une paire d'ascenseurs permet d'accéder du palais, c'est là qu'arriveront Klytämnestra et sa suite, AEgisth plus tard. D'autres entrées se font depuis la droite.
Elektra y est condamnée à une certaine immobilité, vêtue en veste et pantalon. C'est Orest qui va la transformer en découvrant sa robe, une des plus belles scènes de la représentation. A la fin, tout un ballet se forme et envahit la scène. Elektra est emportée sur les bras tendus pendant que Krysothemis demeure seule. Après le meurtre hors scène, les ascenseurs sont envahis de cadavres dégoulinant de sang, dont celui de Klytemnästra.
C'est donc une proposition avec beaucoup d'idées et un talent certain pour la mise en images, imparfaite sans doute, mais bien plus intéressante que ce que les critiques en ont rendu compte.
Le premier grand gagnant de la soirée est l'orchestre, qui peut montrer son opulence et l'excellence de ses musiciens dans une œuvre composée pour cent dix instrumentistes. Le chef Michael Boder fait des miracles, variant sans cesse la palette et la dynamique, faisant sans cesse de l'orchestre un protagoniste du drame.
Les seconds rôles sont essentiels dans cet opéra à la distribution nombreuse, et le Staatsoper n'a pas de mal à puiser dans l'Ensemble, la troupe permanente. La plupart de ces solistes-là sont des membres de longue date. On entend aujourd'hui Wolfgang Bankl (un ancien Baron Ochs), Simina Ivan (jadis Eudoxie dans La Juive), Zoryana Kushpler (excellent Orlofsky), Benedikt Kobel (toujours percutant dans de nombreux seconds rôles), Marcus Pelz (un très fidèle), Monika Bohinec (une Ulrica, entre autres), Margarita Gritskova (Cenerentola...), Margaret Plummer (Hänsel), Lydia Rathkolb (je l'ai surtout entendue en Ida de Fledermaus), Ildikó Raimondi (vue très souvent, et plusieurs fois en Rosalinde), Ulrike Helzel (une ancienne du Staatsoper Berlin, un remarquable Cherubino avant de s'attaquer à Marcellina), Donna Ellen, toujours efficiente.
Remplaçant Herbert Lippert, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke fait une composition remarquée en Aegisth. La scène est courte et il faut l'exploiter au maximum, sans tirer pour autant vers le grand-guignol.
René Pape est évidemment un Orest de luxe. Si les graves demandent aujourd'hui de réels efforts, le registre aigu s'épanouit avec ces sonorités cuivrées et moelleuses dont le chanteur régale son public depuis trente ans. Il est formidable de présence, d'autorité, et toujours d'intelligence du chant.
Anna Gabler incarne Krysothemis, rôle toujours délicat, auquel cette production assigne un rôle différent. Je m'attendais à une interprétation plus lyrique, mais la chanteuse s'investit beaucoup dans son personnage auquel elle évite toute mièvrerie. Elle chante avec la puissance nécessaire et ne perd pas pied dans les échanges avec sa sœur.
Iris Vermilion nous change des Klytämnestra décaties et aphones qu'on entend parfois. La voix est toujours colorée, avec des graves sonores et des aigus toujours en place. J'ai applaudi pour la première fois cette chanteuse à Aix, il y a trente ans, en Dorabella aux côtés de Karita Mattila !
Composition vigoureuse qui laisse entrevoir des abîmes d'angoisse, le contrat est bien rempli.
Je découvre aujourd'hui Lise Lindstrom, chanteuse californienne qui fait une belle carrière avec des rôles solides (Turandot, Brünnhilde, Salomé, Ariadne…) et jouit de flatteuses critiques.
C'est une splendeur. Très beau timbre d'une voix unie, variété de la dynamique, maîtrise du vibrato, puissance phénoménale (et il en faut à Vienne pour passer au-dessus de l'orchestre, avec une fosse profonde mais entièrement ouverte : on a tout l'orchestre devant soi). Tous ces moyens impressionnants sont toujours mis au service de l'interprétation, le texte articulé avec une netteté qu'on aimerait toujours entendre est mis en avant et commande le chant.
Formidable Elektra, et une dame d'une exquise gentillesse. Je suis conquis !
Production d'Uwe Eric Laufenberg
La production fut créée pour la prise de rôle de Nina Stemme. L'action se déroule dans les sous-sols du palais, avec des murs carrelés où les servantes nettoient au jet et à l'éponge des femmes nues ensanglantées, image forte qui ouvre l'opéra. Un tas de charbon s'amasse à gauche, des chiens viendront y fouiller. Une paire d'ascenseurs permet d'accéder du palais, c'est là qu'arriveront Klytämnestra et sa suite, AEgisth plus tard. D'autres entrées se font depuis la droite.
Elektra y est condamnée à une certaine immobilité, vêtue en veste et pantalon. C'est Orest qui va la transformer en découvrant sa robe, une des plus belles scènes de la représentation. A la fin, tout un ballet se forme et envahit la scène. Elektra est emportée sur les bras tendus pendant que Krysothemis demeure seule. Après le meurtre hors scène, les ascenseurs sont envahis de cadavres dégoulinant de sang, dont celui de Klytemnästra.
C'est donc une proposition avec beaucoup d'idées et un talent certain pour la mise en images, imparfaite sans doute, mais bien plus intéressante que ce que les critiques en ont rendu compte.
Les interprètes
Le premier grand gagnant de la soirée est l'orchestre, qui peut montrer son opulence et l'excellence de ses musiciens dans une œuvre composée pour cent dix instrumentistes. Le chef Michael Boder fait des miracles, variant sans cesse la palette et la dynamique, faisant sans cesse de l'orchestre un protagoniste du drame.
Les seconds rôles sont essentiels dans cet opéra à la distribution nombreuse, et le Staatsoper n'a pas de mal à puiser dans l'Ensemble, la troupe permanente. La plupart de ces solistes-là sont des membres de longue date. On entend aujourd'hui Wolfgang Bankl (un ancien Baron Ochs), Simina Ivan (jadis Eudoxie dans La Juive), Zoryana Kushpler (excellent Orlofsky), Benedikt Kobel (toujours percutant dans de nombreux seconds rôles), Marcus Pelz (un très fidèle), Monika Bohinec (une Ulrica, entre autres), Margarita Gritskova (Cenerentola...), Margaret Plummer (Hänsel), Lydia Rathkolb (je l'ai surtout entendue en Ida de Fledermaus), Ildikó Raimondi (vue très souvent, et plusieurs fois en Rosalinde), Ulrike Helzel (une ancienne du Staatsoper Berlin, un remarquable Cherubino avant de s'attaquer à Marcellina), Donna Ellen, toujours efficiente.
Remplaçant Herbert Lippert, Wolfgang Ablinger-Sperrhacke fait une composition remarquée en Aegisth. La scène est courte et il faut l'exploiter au maximum, sans tirer pour autant vers le grand-guignol.
René Pape est évidemment un Orest de luxe. Si les graves demandent aujourd'hui de réels efforts, le registre aigu s'épanouit avec ces sonorités cuivrées et moelleuses dont le chanteur régale son public depuis trente ans. Il est formidable de présence, d'autorité, et toujours d'intelligence du chant.
Anna Gabler incarne Krysothemis, rôle toujours délicat, auquel cette production assigne un rôle différent. Je m'attendais à une interprétation plus lyrique, mais la chanteuse s'investit beaucoup dans son personnage auquel elle évite toute mièvrerie. Elle chante avec la puissance nécessaire et ne perd pas pied dans les échanges avec sa sœur.
Iris Vermilion nous change des Klytämnestra décaties et aphones qu'on entend parfois. La voix est toujours colorée, avec des graves sonores et des aigus toujours en place. J'ai applaudi pour la première fois cette chanteuse à Aix, il y a trente ans, en Dorabella aux côtés de Karita Mattila !
Composition vigoureuse qui laisse entrevoir des abîmes d'angoisse, le contrat est bien rempli.
Je découvre aujourd'hui Lise Lindstrom, chanteuse californienne qui fait une belle carrière avec des rôles solides (Turandot, Brünnhilde, Salomé, Ariadne…) et jouit de flatteuses critiques.
C'est une splendeur. Très beau timbre d'une voix unie, variété de la dynamique, maîtrise du vibrato, puissance phénoménale (et il en faut à Vienne pour passer au-dessus de l'orchestre, avec une fosse profonde mais entièrement ouverte : on a tout l'orchestre devant soi). Tous ces moyens impressionnants sont toujours mis au service de l'interprétation, le texte articulé avec une netteté qu'on aimerait toujours entendre est mis en avant et commande le chant.
Formidable Elektra, et une dame d'une exquise gentillesse. Je suis conquis !
Benedikt Kobel, flou |
Monika Bohinec |
Ulrike Helzel |
Simina Ivan, floue |
Marcus Pelz |
Donna Ellen |
Michael Boder |
Margaret Plummer |
Iris Vermillion |
Anna Gabler |
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke |
René Pape |
Lydia Rathkolb |
Wolfgang Bankl |
avec Lise Lindstrom |
J'ai fini par écouter Elektra sur YouTube comme vous en parlez souvent. Je n'ai rien compris mais la force de cette musique et la puissance de ces voix m'ont sidéré. J'ai lu un résumé et j'ai compris pourquoi, vu cette histoire de vengeance et de mort. Je vous remercie pour la pertinence de vos analyses pointues qui élargit mes horizons.
RépondreSupprimerPierre
Bravo pour votre curiosité et surtout un grand merci pour la gentillesse de vos commentaires !
SupprimerYou seem to love this opera.it is still a great pleasure to read a review from a great connoisseur!
RépondreSupprimerAnnie
Thanks Annie, it is a real compliment
SupprimerSuper ! Ca donne envie d'aller à l'opéra ! Un
RépondreSupprimerprogramme comme tu les aimes !
Bises
Michèle
C'est vrai, j'adore Elektra. L'opéra de Richard Strauss que j'ai vu le plus !
SupprimerBisous, bien évidemment !
SupprimerGreat performance ! I know Lise Lindstrom and she is an incredible singer ! Thanks
RépondreSupprimerK.L.
That's true !
SupprimerThanks, K.L. !
Un décor tout à fait parlant. D’entrée on est dans l’ambiance, folie et lieu faisant penser à une geôle, cul de basse fosse. Moi aussi je trouve les idées de décor et de mise en scène très intéressantes. Une représentation soignée qui ne peut que ravir son auditoire. De grands chanteurs très gentils, même René Pape, un exploit. Une belle soirée à laquelle tu nous convie. Bisous. Mam.
RépondreSupprimerJe suis entièrement d'accord ! Merci pour ce commentaire détaillé.
SupprimerGros bisous.