De retour à l'Opéra de Vienne (Wiener Staatsoper) pour Un Ballo in Maschera, Un Bal Masqué de Verdi, avec Ramon vargas, Elena Pankratova et Roberto Frontali.
Après les opéras allemands et français, c'est l'autre grand pan du répertoire qui est illustré ce soir, l'italien. Et c'est mon troisième Ballo in Maschera de l'année, après Paris et Moscou !
Un Ballo in Maschera est un opéra avec une merveilleuse musique, des ensembles inoubliables (E scherzo od'è follia par exemple, mais le quatuor avec choeur n'est pas mal non plus), des airs admirables (La rivedrai nell'estasi, Morro ma prima in grazia, Eri tu...). Hélas, ce n'est pas le meilleur livret du monde, même s'il fut utilisé par plusieurs compositeurs. L'histoire, simplette, tient en trois lignes, et le personnage du roi (ou comte, selon la version) est bien trop lisse pour être exploitable.
Il y a bien quelques points forts qu'on pourrait retenir, comme la force du destin qui agit ici au moins autant que dans l'opéra éponyme : le hasard de l'arrivée de Renato chez Ulrica, puis de son arrivée au gibet, celle d'Amelia dans le bureau de son mari, juste au bon moment pour tirer... le nom de son mari. Cela pourrait être aisément souligné (avec des dés, peut-être).
Rattacher éventuellement Ulrica aux sorcières de Macbeth...
La scène la plus intense me semble précisément celle du bureau, où Renato donne libre cours à sa vengeance pour priver son épouse de son statut de mère.
Facile à souligner, avec un portrait du fils, ou un de la mère que Renato décrocherait...
On trouve bien un conflit entre la sphère privée et la scène publique, entre les sentiments et les devoirs du souverain, mais Verdi creusera cela tellement plus profond avec Don Carlos (même histoire de jalousie, à part que c'est le roi qui souffre, et qui intériorise davantage ses sentiments).
Tout cela fait qu'on a rarement des mises en scène satisfaisantes de cet opéra, et celle de Moscou constitue une passionnante exception à plus d'un titre.
Depuis que je viens au Wiener Staatsoper, j'ai toujours vu la même. Le décor de toiles peintes n'est pas un problème, un décor ne fait pas une mise en scène (contrairement à l'opinion de nombreux spectateurs), et c'est, quelque part, rafraîchissant de voir ce témoignage du passé.
Le vrai souci est qu'ici le théâtre est totalement absent. Les chanteurs se plantent à l'avant-scène pour venir chanter leurs airs et se tournent les pouces quand ils se taisent. On assiste même à la résurrection de gestes éculés, une main sur le front, l'autre bras tendu à la verticale. La pauvre Amelia se trouve limitée à tourner sur la scène comme une poupée mécanique ; je vais à cour, je m'arrête avant les coulisses, je fais demi-tour, et hop, c'est parti vers jardin.
C'est navrant. La direction d'acteurs est nulle, au sens propre. Zéro, nada, nichts.
Il serait temps qu'une scène de cette importance se décide à une production vraiment intéressante.
Le chef Giampaolo Bisanti est à son affaire dans cet opéra. Une direction très animée, extrêmement vive parfois (les couplets d'Oscar pris à vive allure), mais qui sait respirer et insuffler de grands phrasés amples, vraiment intéressante donc.
La troupe est largement mise à contribution : efficace Giudice du vétéran Peter Jelosits, remarquable Silvano (ici Christian, on donne la version suédoise) du jeune Igor Onishchenko.
On remarque aussi de bien sonores Samuele et Tom de Sorin Coliban et Alexandru Moisiuc, deux fidèles de la maison.Une inconnue, Bongiwe Nakani, incarne une excellente Ulrica, avec des graves riches comme le rôle l'exige.
Maria Nazarova, une autre inconnue, s'offre un beau succès avec un gracieux Oscar aux piqués bien nets.
Roberto Frontali possède son Renato depuis de longues années, et il sait en déjouer les pièges. Un peu de tendance à chanter forte, mais d'appréciables piani sont aussi présents.
Elena Pankratova est une cantatrice versatile, qui alterne un répertoire archi-lourd, comme Elektra, avec du Rossini. Elle a les qualités requises pour Amelia, des registres bien soudés, une voix égale des racines à la canopée, suffisamment de puissance pour passer un orchestre parfois très sonore, une expressivité soignée. C'est du beau travail, qu'on aimerait apprécier dans une autre mise en scène.
C'est à Ramon Vargas qu'échoit Riccardo (donc Gustavo), un rôle réellement lourd et long, hérissé d'aigus, avec d'innombrables difficultés techniques, comme le fameux saut de treizième. Il doit, ce soir, mettre en œuvre toute sa technique pour discipliner un instrument rebelle. Quelques aigus blanchis, d'autres étroits, la voix qui manque parfois de basculer sur le passage. Il ne ménage pas sa peine et le résultat est digne d'admiration. On retrouve l'élégance dont il peut faire preuve mais j'ai eu le sentiment de sa préoccupation pour donner toutes les notes sans accident. C'est la vie du direct, et cela n'ôte rien à son mérite.
Le grand hall d'entrée |
Le moment magique du lever de rideau |
Mise en scène : un saut dans le passé
Un Ballo in Maschera est un opéra avec une merveilleuse musique, des ensembles inoubliables (E scherzo od'è follia par exemple, mais le quatuor avec choeur n'est pas mal non plus), des airs admirables (La rivedrai nell'estasi, Morro ma prima in grazia, Eri tu...). Hélas, ce n'est pas le meilleur livret du monde, même s'il fut utilisé par plusieurs compositeurs. L'histoire, simplette, tient en trois lignes, et le personnage du roi (ou comte, selon la version) est bien trop lisse pour être exploitable.
Il y a bien quelques points forts qu'on pourrait retenir, comme la force du destin qui agit ici au moins autant que dans l'opéra éponyme : le hasard de l'arrivée de Renato chez Ulrica, puis de son arrivée au gibet, celle d'Amelia dans le bureau de son mari, juste au bon moment pour tirer... le nom de son mari. Cela pourrait être aisément souligné (avec des dés, peut-être).
Rattacher éventuellement Ulrica aux sorcières de Macbeth...
La scène la plus intense me semble précisément celle du bureau, où Renato donne libre cours à sa vengeance pour priver son épouse de son statut de mère.
Facile à souligner, avec un portrait du fils, ou un de la mère que Renato décrocherait...
On trouve bien un conflit entre la sphère privée et la scène publique, entre les sentiments et les devoirs du souverain, mais Verdi creusera cela tellement plus profond avec Don Carlos (même histoire de jalousie, à part que c'est le roi qui souffre, et qui intériorise davantage ses sentiments).
Tout cela fait qu'on a rarement des mises en scène satisfaisantes de cet opéra, et celle de Moscou constitue une passionnante exception à plus d'un titre.
Depuis que je viens au Wiener Staatsoper, j'ai toujours vu la même. Le décor de toiles peintes n'est pas un problème, un décor ne fait pas une mise en scène (contrairement à l'opinion de nombreux spectateurs), et c'est, quelque part, rafraîchissant de voir ce témoignage du passé.
Le vrai souci est qu'ici le théâtre est totalement absent. Les chanteurs se plantent à l'avant-scène pour venir chanter leurs airs et se tournent les pouces quand ils se taisent. On assiste même à la résurrection de gestes éculés, une main sur le front, l'autre bras tendu à la verticale. La pauvre Amelia se trouve limitée à tourner sur la scène comme une poupée mécanique ; je vais à cour, je m'arrête avant les coulisses, je fais demi-tour, et hop, c'est parti vers jardin.
C'est navrant. La direction d'acteurs est nulle, au sens propre. Zéro, nada, nichts.
Il serait temps qu'une scène de cette importance se décide à une production vraiment intéressante.
La distribution de la soirée
Roberto Frontali, Elena Pankratova, Ramón Vargas, Sorin Coliban, Alexandru Moisiuc |
Le chef Giampaolo Bisanti est à son affaire dans cet opéra. Une direction très animée, extrêmement vive parfois (les couplets d'Oscar pris à vive allure), mais qui sait respirer et insuffler de grands phrasés amples, vraiment intéressante donc.
Alexandru Moisiuc, Tom, et Maria Nazarova, Oscar |
La troupe est largement mise à contribution : efficace Giudice du vétéran Peter Jelosits, remarquable Silvano (ici Christian, on donne la version suédoise) du jeune Igor Onishchenko.
Sorin Coliban, Samuele, et Alexandru Moisiuc, Tom |
On remarque aussi de bien sonores Samuele et Tom de Sorin Coliban et Alexandru Moisiuc, deux fidèles de la maison.Une inconnue, Bongiwe Nakani, incarne une excellente Ulrica, avec des graves riches comme le rôle l'exige.
Maria Nazarova, Oscar |
Maria Nazarova, une autre inconnue, s'offre un beau succès avec un gracieux Oscar aux piqués bien nets.
Roberto Frontali possède son Renato depuis de longues années, et il sait en déjouer les pièges. Un peu de tendance à chanter forte, mais d'appréciables piani sont aussi présents.
Elena Pankratova, Amelia |
Elena Pankratova est une cantatrice versatile, qui alterne un répertoire archi-lourd, comme Elektra, avec du Rossini. Elle a les qualités requises pour Amelia, des registres bien soudés, une voix égale des racines à la canopée, suffisamment de puissance pour passer un orchestre parfois très sonore, une expressivité soignée. C'est du beau travail, qu'on aimerait apprécier dans une autre mise en scène.
Ramón Vargas, Gustavo |
C'est à Ramon Vargas qu'échoit Riccardo (donc Gustavo), un rôle réellement lourd et long, hérissé d'aigus, avec d'innombrables difficultés techniques, comme le fameux saut de treizième. Il doit, ce soir, mettre en œuvre toute sa technique pour discipliner un instrument rebelle. Quelques aigus blanchis, d'autres étroits, la voix qui manque parfois de basculer sur le passage. Il ne ménage pas sa peine et le résultat est digne d'admiration. On retrouve l'élégance dont il peut faire preuve mais j'ai eu le sentiment de sa préoccupation pour donner toutes les notes sans accident. C'est la vie du direct, et cela n'ôte rien à son mérite.
Giampaolo Bisanti, Elena Pankratova |
avec Giampaolo Bisanti |
Maria Nazarova |
Roberto Frontali |
avec Ramon Vargas |
Elena Pankratova |
Thanks for this brilliant post! You wrote a clever text about the stagings.
RépondreSupprimerAnnie
Thanks Annie for your kind message!
SupprimerLe texte du début est très intéressant, même si on ne connaît pas l'opéra !
RépondreSupprimerMerci et bravo.
Pierre
Merci à vous Pierre pour ce chaleureux message !
SupprimerJ'ai perdu le fil. Il y a un million de nouveaux articles ! Très intéressant, çuilà.
RépondreSupprimerTu reviens avant la fin des vacances, tout de même ?
Bises
Michèle
Je n'ai pas chômé !
SupprimerJe rentre vendredi. Ça passe vite !
Bisous itou.
Je suis bien d’accord avec toi, sans mise en scène, même avec de bons chanteurs on ne parvient pas à rendre une représentation intéressante, surtout aujourd'hui. Dommage car la distribution était dans l’ensemble de bonne qualité, ainsi que l’orchestre. La musique de cet opéra est divine. En tout cas tu as fait une très fine analyse avec tact.
RépondreSupprimerBravo, Merci. Bises. Mam.
Totalement d'accord ! Le duo In qual soave brivido, c'est absolument divin !
SupprimerUn grand merci et gros bisous.
Ce type de production est aujourd'hui insupportable !
RépondreSupprimerClaire
C'est mon avis également, mais je ne suis pas certain que chaque spectateur pense de même. Merci pour ce commentaire, Claire !
SupprimerApparemment une bonne distribution mais une mise en scène comme plus personne n'oserait en proposer. Il est temps de mettre tout cela à la poubelle !
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup lire vos critiques de spectacle, j'espère que vous en avez beaucoup en prévision !
Sandra
Merci beaucoup Sandra ! Je n'ai pas prévu d'interrompre mes critiques, soyez rassurée.
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