Dernière partie de la visite de la Villa Farnesina à Rome : une toile d'après Léonard de Vinci, une exposition sur les frises végétales, la salle des grotesques et la pompéienne, et un petit aperçu du jardin.
D'après Léonard
anonyme, La Joconde nue |
La salle Chigi expose actuellement ce tableau un peu mystérieux dans le bureau d'Agostino Chigi. Baptisé La Joconde nue, il s'agit d'une peinture d'après un dessin au fusain rehaussé de blanc conservé au musée Condé, à Chantilly. Ledit dessin était attribué à Léonard de Vinci d'après le témoignage du secrétaire du cardinal d'Aragon, mais on pense maintenant qu'il s'agit d'une des nombreuses copies du dessin original du maître.
anonyme, La Joconde nue |
La peinture exposée est donc la réalisation picturale d'un inconnu d'après la copie d'un dessin qui semblerait avoir été de la main de Léonard de Vinci. Vous suivez ?
Malgré cette distance avec l'original, la tête rappelle effectivement certains visages léonardesques, surtout les yeux ; je pensais à Ginevra de' Benci mais après avoir regardé une reproduction je suis moins convaincu. Le Saint-Jean-Baptiste, peut-être... Mais La Joconde, certainement pas !
De toute façon, cela évoque également les œuvres des peintres de l'atelier, comme Giovanni Boltraffio.
Le paysage à l'arrière-plan est bien dans le style de Léonard, mais vraiment trop uniforme, me semble-t-il, et d'un relief moindre que les originaux.
En tout cas, c'est une œuvre que je ne connaissais pas, de belle qualité, et superbement restaurée.
La salle d'angle
Rome, La Farnesina : la salle d'angle |
Juste au-dessus de la loggia de Galatée, la pièce semble un peu vide avec sa seule décoration de faux marbres et de volets peints. C'est là qu'on constate soudain qu'on ne voit aucun meuble durant la visite.
Rome, La Farnesina : la salle d'angle |
La galerie des grotesques
Cette petite galerie reliait la salle des perspectives aux chambres de Francesca Ordeaschi, la nouvelle épouse du banquier Chigi, et de ses enfants.
A l'époque d'Auguste, déjà Vitruve s'était plaint de ces motifs "absurdes qui nuisaient à l'architecture" (De Architectura). Chigi et son maître d’œuvre Baldassare Peruzzi semblent avoir tenu compte de ces reproches et la vision des grotesques ici proposée reste très sage. Ils sont d'ailleurs disséminés discrètement dans toute la villa : dans les faux pilastres de la loggia de Galatée, dans les arcs de celle d'Amour et Psyché, au plafond des salles de la frise ou des Noces d'Alexandre et de Roxane.
Sur le fond blanc qui évite toute surcharge, des personnages peu fantasques deviennent candélabres.
En outre, il me semble qu'ici plus que dans de nombreux palais on perçoit particulièrement la référence à l'antique.
Rome, La Farnesina : la galerie des grotesques |
Frises végétales
Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales |
Les toiles préparatoires de la loggia d'Amour et Psyché bénéficient d'une intéressante exposition temporaire ; il s'agit de projets de Raphaël réalisés par son élève Giovanni da Udine.
Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales |
Outre le plaisir de voir ces documents rares, c'est intéressant de pouvoir s'approcher et vérifier l'extraordinaire diversité des motifs.
Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales |
La décoration en festons renvoie à la tradition antique de tresser ensemble fleurs, feuilles et fruits pour les suspendre aux autels et aux arches des temples en signe de prospérité. A la Renaissance, le thème retrouva un succès nouveau ; Mantegna en peignit également de célèbres.
Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales |
Ici la diversité est exceptionnelle ; on a compté cent soixante-dix espèces différentes, ce qui constitue un ensemble sans équivalent dans l'histoire de l'art. De plus, on peut noter qu'à ce moment, en 1518, soit quelques années cependant après la découverte du Nouveau Monde, plusieurs plantes américaines sont déjà présentes. En fait, il s'agit même de leur première peinture européenne.
Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales |
C'est donc la première fois qu'on peint en Europe des épis de maïs, par exemple.
Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales |
Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales |
Rome, La Farnesina : les peintures des frises végétales |
On constate que les végétaux proviennent d'Amérique, d'Afrique ou d'Asie. Plus qu'une décoration, c'est une véritable encyclopédie qui nous est livrée.
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales |
L'exposition complète ces rares panneaux par une présentation des pigments employés. Je suis désolé pour mes pieds sur les photos, je n'ai pu les éviter ! Voilà le blanc de Saint-Jean (à partir de chaux éteinte), le noir d'ivoire et la terre verte.
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales |
Puis la terre de Sienne (brûlée ou non), les ocres, le jaune de Naples qui était d'abord le soufre du Vésuve et ensuite de l'antimoniate de plomb. Ce dernier servit également de poison !
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales |
Le cinabre, un sulfure de mercure, et le lapis-lazuli.
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales |
L'azurite et le bleu d'émail que les Egyptiens utilisaient déjà.
Rome, La Farnesina : les pigments des peintures des frises végétales |
La malachite et d'autres terres vertes.
Rome, La Farnesina : volet peint |
La salle pompéienne
Rome, La Farnesina : la salle pompéienne |
Au rez-de-chaussée, Chigi disposait de petites salles privées pour ses bureaux et celui de son secrétaire privé, Cornelio Benigno. La décoration n'avait rien de commun avec ce qu'on en voit aujourd'hui. Ces salles, qui paraissent un écho à la galerie des grotesques, furent aménagées par le duc de Ripalta, propriétaire espagnol de la villa au XIXe siècle.
Rome, La Farnesina : la salle pompéienne |
Au fond, sur la lunette (le demi-cercle formé par la voûte), deux cygnes côtoient deux paons, oiseau sacré de Junon et symbole d'immortalité.
Rome, La Farnesina : la salle pompéienne |
Jardins
Rome, La Farnesina : le jardin |
Du jardin de l'époque de Chigi ne demeure qu'un fragment, alors que cette création importante dans l'architecture des jardins faisait l'admiration de l'époque. De toute façon, lors de ma visite, tout le jardin sur lequel s'ouvre la loggia d'Amour et de Psyché est fermé.
Rome, La Farnesina : le jardin |
Un problème de Covid, paraît-il. Ca me paraît un argument fallacieux. On peut visiter l'intérieur (certes en petit nombre, merci pour cette visite tranquille) mais pas le jardin en plein air !
Rome, La Farnesina : le jardin |
Rome, La Farnesina : le jardin |
Les plantes paraissent souffrir, comme dans toute la ville, de la sècheresse estivale.
Cependant on peut se promener dans le jardin de l'entrée actuelle en suivant un itinéraire établi, sans croisement. Il offre surtout une jolie collection d'une trentaine de variétés d'agrumes, dont certains plutôt rares comme la main de Bouddha.
Rome, La Farnesina : les agrumes |
Rome, La Farnesina : les agrumes |
Et d'ailleurs, certains portent déjà leurs fruits !
Dernière image de la villa. J'y suis retourné avec un infini plaisir et je me suis vraiment régalé à détailler toutes ses splendeurs peintes. D'ailleurs, les recherches ne sont pas terminées, il faudra que je règle ce problème du Parnasse qui me résiste...
Je ne saurais trop conseiller cette visite dans un séjour à Rome, c'est réellement une des plus belles villas Renaissance qu'on puisse voir, et les restaurations attentives lui ont rendu sa magnificence !
Bravo pour votre exceptionnelle série d'articles sur la Farnesina. Sans équivalent sur le Web et largement mieux que le fascicule en vente.
RépondreSupprimerPassionnant.
A recommander largement !
Bravo pour ce travail remarquable.
Mathis
Merci beaucoup, Mathis, pour ce chaleureux commentaire !
SupprimerTrès belle série d'articles. Bravo, quel travail.
RépondreSupprimerLéonard ou pas, j'adore ce portrait !
Françoise
Merci beaucoup Françoise !
SupprimerMerci pour ces articles approfondis sur la Farnesina. JJe pense qu'on ne trouve pas d'équivalent sur le Web, et c'est le seul site où j'ai pu trouver le détail des fresques.
RépondreSupprimerSi vous êtes toujours à Rome, pourriez-vous faire un article sur la Pinacothèque du Vatican ? On trouve très peu de renseignements hormis quelques peintures phares ?
D' avance merci.
L'article sur le Vatican est prévu, mais je ne sais pas quand j'aurai le temps de le rédiger. J'ai un réel retard !
SupprimerMerci beaucoup pour votre commentaire chaleureux.
Merci beaucoup pour vos photos et vos commentaires qui m'ont replongée dans ma visite très récente de cette si belle villa.
RépondreSupprimer