Opération métro pour me rendre dans le sud de Moscou, dans un domaine autrefois à l'écart quand il appartenait aux princes Donskoy mais maintenant inclus dans l'agglomération. Cela reste un poumon vert de plus de cent hectares, avec de vrais coins sauvages, très prisé des promeneurs même en semaine.
Plusieurs édifices y ont été construits, ou reconstruits comme c'est le cas de celui-ci. Il ne restait plus que les fondations du palais de bois, résidence des tsars, mais le gouvernement prit la décision de le recréer en utilisant les documents d'époque et en utilisant autant que possible des techniques anciennes. Pour le mobilier et les œuvres exposées, on a puisé dans les réserves des musées.
C'est donc du faux, entièrement, mais extrêmement bien fait. Et j'avoue que, si j'étais un peu circonspect avant ma visite, je me suis vraiment régalé au cours de celle-ci.
L'extérieur
J'arrive par l'arrière et je crois, de loin, aux toits d'un village. C'est en faisant le tour que je découvrirai la spectaculaire façade principale.
Dans le parc, une caisse pour chaque bâtiment ; c'est plutôt onéreux quand on additionne tout ! Ici, 600 RUB (400 + 200), billet acquis au kiosque métallique que l'on aperçoit sur la photo.
Le palais original fut construit en 1667, tout en bois selon l'habitude de l'époque.
Alexei Mikhailovich était le tsar qui commanda la construction. Parmi sa descendance, Pierre I, autrement dit Pierre le Grand, était né au Kremlin mais il grandit dans ce palais. Il y était, paraît-il, très attaché et y revenait fréquemment lorsqu'il résidait à Moscou.
Le palais reprend un élément courant dans l'architecture russe, l'escalier extérieur qu'on voit souvent dans les demeures préservées, comme le Palais des Boyards Romanov à Kitai-Gorod.
On note immédiatement la variété des toitures : le type chatior rappelle le clocher pyramidal inventé depuis peu mais le bulbe s'avère ici un mastodonte un peu écrasé.
Quant à cette forme qui rappelle un peu une feuille ou un cœur inversé, c'est un élément fréquent dans l'architecture ancienne russe. Portes et monastères en comprennent souvent.
Les plafonds décorés sont également un élément traditionnel, et ce n'est qu'un exemple modeste par rapport à ce qui m'attend à l'intérieur !
Le hall d'entrée
C'est ici qu'on s'équipe avec les mêmes chaussons en plastique que ceux distribués au Japon, ceux qui s'enfilent par-dessus les chaussures. Il ne s'agit pas d'abîmer le plancher !
Entre la boutique, le portique électronique, difficile de faire une photo correcte. Je me contente de cette porte multicolore. Les icônes au-dessus donnent le ton. On affiche sa foi, et sans doute on montre le lien étroit avec l'église. En fait, il s'agissait surtout d'une lutte d'influence, et Pierre le Grand eut bien du mal à la plier à sa volonté.
Le grand hall
C'était ici que les visiteurs étaient accueillis par le stolnik, l'équivalent d'un majordome, qui les faisait attendre. Cela jouait donc aussi le rôle d'une antichambre.
La décoration est fastueuse. Comme dans les églises où les fresques couvrent toutes les surfaces disponibles, ici tout est peint, les bois sont dorés à l'instar d'une iconostase. Je me prends à comparer avec Versailles, à peu près de la même époque. Ici, les volumes sont beaucoup plus réduits, mais l'impression de faste est pareillement recherchée.
Et, de même qu'à Versailles (et dans la plupart des châteaux de l'époque), les pièces sont disposées en enfilade.
Le goût européen avait pénétré ici : tapisseries, meubles, objets, révèlent l'importance des liens commerciaux.
En général, l'argenterie est allemande.
Les villes ont leur spécialité : chopes et pots proviennent de Nuremberg.
Mais c'est à Augsburg qu'on ciselait ces lourds plats ovales en argent.
La stolovaya
La stolovaya, c'est la salle à manger. C'est le tsar Fédor Alexeïevich qui la fit construire en 1681 pour y recevoir les hôtes étrangers et y célébrer les fêtes religieuses.
Il s'agissait d'en mettre pleine la vue, c'est-à-dire d'en rajouter une couche après les salles précédentes. Tapis orientaux et broderies étaient largement employés.
Le tsar recevait sous un dais, histoire qu'on ne puisse pas se tromper de personnage. Je plaisante, mais il ne faut pas oublier qu'avant l'époque de la photo, les visages n'étaient connus qu'à travers la monnaie, les médailles, les gravures dès qu'il y en eut. Des reproductions parfois très infidèles à l'original !
Il était très important de pouvoir identifier le souverain dès qu'on entrait dans la pièce pour ne pas commettre d'impair.
Le poêle en briques recouvert de carreaux émaillés, c'est le grand luxe de l'époque. Souvent le carrelage était importé (Delft tira un grand profit de ce principe-là).
En tout cas, la lutte contre le froid est constante dans ces régions rudes avec une absence totale d'isolation. Heureusement, ici, on pouvait compter sur les qualités d'isolation du bois.
Au somptueux plafond étincelle le soleil (sans rapport avec Versailles, cette fois) au centre du zodiaque.
Un film présente la réalisation de quelques recettes de l'époque. La tourte, le grand succès du Top Chef du moment !
La dumnaya
Si la stolovaya était destinée aux hôtes étrangers, c'est dans cette pièce que le tsar recevait son personnel.
C'est également là que se réunissait la Douma, l'assemblée des boyards, qui suivait le tsar dans ses déplacements.
Les boyards prenaient place sur les bancs contre les murs alors que le tsar avait droit à un fauteuil.
La prestolnaya
Une vraie salle du trône, cette fois. Des gravures y montrent le tsar en conversation avec ses confidents, entouré de gardes tout de blanc vêtus.
Il paraît que les lions d'origine étaient des automates capables de bouger et de pousser des hurlements. Je ne suis guère étonné car je sais que cette époque adorait le prodige de ces automatismes, mais plus dubitatif devant la présence de ces coûteux appareils pour un entourage de familiers, qu'il n'était pas forcément besoin d'impressionner.
Au plafond, des scènes identifiées par les légendes : Salomon présente son livre.
L'union du Christ et de l'église orthodoxe (rien que ça !).
Le jugement de Salomon au-dessus de la porte. Si Salomon est si présent, c'est entre autres que son palais servit de référence pour l'édification de celui-ci.
Le sacrifice du roi David.
La reine de Saba faisant offrande à... Salomon, eh oui !
Les carreaux retrouvés pendant les fouilles des fondations servirent pour la fabrication de leurs équivalents modernes.
Le bureau du tsar Alexeï
On se sent soudain en Europe occidentale avec ce mobilier plus proche de nos châteaux.
D'ailleurs, le cabinet témoigne de la mode de ces petits meubles facilement transportables.
C'était dans cette pièce que le tsar passait le plus clair de son temps, avec une montagne de paperasserie. Les lunettes permettaient déjà de résoudre des problèmes de vue !
La chambre à coucher
La chambre était toujours un lieu hautement protégé. Le postelnichy, un serviteur particulier, s'occupait uniquement de sa gestion, du linge et du service des gardes qui veillaient sur la protection du souverain pendant son sommeil.
La krestovaya
Cette pièce de la Croix était en fait un oratoire, directement attenant à la chambre.
La salle de classe
Ce n'est pas dans ce cadre-là que je fais cours ! C'était évidemment une salle pour les enfants du tsar et leur professeur privé.
Le livre de lecture de l'époque, pour apprendre les lettres. C'était une sérieuse innovation, car jusque-là, on s'était contenté d'apprendre à lire avec des Bibles. Pas d'inquiétude pour autant, l'apprentissage des textes religieux représentait une large partie de l'enseignement.
Le bureau de Fedo Alexeïevich
Le neuvième enfant du tsar Alexeï fut soudainement poussé vers le trône à la mort inopinée de son frère, Alexeï Alexeïevich.
Il opéra d'importantes réformes fiscales et judiciaires mais était aussi un artiste qui écrivait des poèmes, composait de la musique, était reconnu comme un expert en architecture. Un humaniste.
Le bureau de Pierre le Grand
Pierre le Grand est partout à Kolomenskoye où on a déplacé deux des cabanes qu'il a habitées loin de Moscou !
Pierre I fit entrer de force son pays dans la modernité en lui imposant de se conformer au modèle européen. Un bourreau de travail qui n'hésita pas à aller espionner les procédés de fabrication en se faisant charpentier en Hollande (c'est le sujet de Zar und Zimmermann, vu à Vienne en octobre). C'était aussi un homme implacable, sans pitié devant son entourage qui n'approuvait pas ses vues, dont sa sœur, sa femme et son fils.
Le milnya
Il faut descendre au niveau inférieur pour voir ce beau sauna avec un énorme baquet, procédé toujours très en vigueur en Russie. Les gens ont souvent dans leur datcha un banya et plusieurs bâtiments officiels fonctionnent à plein temps à Moscou.
Pour activer la circulation sanguine, il convient de se fouetter avc des branchages.
Le trésor de la tsarine
Aujourd'hui on parlerait aussi de dressing, car c'était ici qu'une gouvernante particulière se chargeait du linge et des bijoux de la tsarine.
La prestolnaya
Une salle du trône, tout pareil que pour le tsar. C'est que la tsarine s'occupait de la partie féminine du royaume. Pas toutes les femmes, hein ! Mais les dames de la noblesse venaient s'adresser à elle pour leurs problèmes judiciaires
Autour du motif central, quatre médaillons présentent des allégories des saisons.
La chambre étincelante
Comme toute jeune fille de bonne famille, la tsarine devait s'y connaître en travaux d'aiguille. Elle brodait des tissus religieux destinés aux chapelles royales, pas des torchons !
La chambre de la tsarine Sofia Alexeievna
Et ce sera ma dernière photo, car suite à un problème de carte mémoire, je ne peux pas récupérer les autres. Si je parviens à un miracle, je tâcherai d'améliorer cet article...
Unbelievable splendour. Every traveler in Moscow should pay a visit!
RépondreSupprimerThanks, you made a great post, even if you think unfinished.
Thank you, dearest Annie, I appreciate your warm thoughts!
SupprimerMerci de votre article très intéressant et très complet. Nous ne savions pas di nous visiterions ou non ce palais et votre article nous a convaincus.
RépondreSupprimerFélicitations pour votre magnifique blog, très riche et très bien fait.
J. C. et N.
Merci beaucoup J. C. et N.! Votre commentaire me fait très plaisir.
SupprimerC'est magnifique ! Bravo pour cet excellent article !
RépondreSupprimerJe reviens tout juste d'Inde, j'ai une tonne d'articles en retard ! Je vais tous les lire mais je ne te promets pas de commenter !
Françoise
Ce n'est pas grave Françoise, je sais que tu es une lectrice fidèle !
SupprimerJ'espère que tu t'es régalée en Inde. J'y retournerais volontiers.
Gros bisous.
Amazing palace Thank you for your outstanding post!
RépondreSupprimerThanks, dear Anonymous!
SupprimerQuel extraordinaire palais ! Comment se fait-il que cette merveille ne soit pas plus connue ?
RépondreSupprimerC'est une question que je me suis également posée. C'est vrai qu'il ne s'agit que d'une reconstitution, mais suffisamment impressionnante pour mériter une visite !
SupprimerMême si vous pensez qu'il est incomplet c'est déjà un article très riche et détaillé sur un site peu connu. Cela fait envie !
RépondreSupprimerMerci.
Merci à vous, cher / chère Anonyme!
SupprimerOn se croirait devant un palais de conte de fées. Ces bulbes et ces toits pyramidaux à plusieurs niveaux apportent une fantaisie très harmonieuse. L’intérieur est fastueux : décors, couleurs, meubles en font un palais enchanteur digne du Tsar. Seul le bureau est plus austère, dévolu au travail et au silence.
RépondreSupprimerMerci de nous promener dans ce magnifique décor. C’est un excellent article qui nous permet d’apprendre beaucoup. Les magnifiques photos qui le documentent en font un véritable régal.
Bises. Mam.
Un endroit un peu magique, façon palais de contes de fée. C'est étonnant que ce ne soit pas davantage célèbre !
SupprimerMerci beaucoup pour ce commentaire affectueux et exhaustif.
C'est en faisant quelques recherches sur Internet que je suis tombée sur ce magnifique article, riche de superbes photos et de commentaires instructifs.
RépondreSupprimerRemarquable. Votre blog a un très beau design et semble très riche. Bravo pour votre travail.
Lina
Merci beaucoup, Lina, j'apprécie votre chaleureux commentaire !
SupprimerC'est extraordinaire. Comment se fait-il qu'on ne parle jamais de cette splendeur ?
RépondreSupprimerJe me suis régalée avec ton article !
Pour les photos perdues, bienvenue au club. J'ai une carte bien remplie en Afrique qui refuse de recracher ses fichiers. Je n'ai pas trop le temps mais les deux logiciels que j'ai essayé n'ont rien donné.
Bises
Michèle
Je n'ai pas retenté depuis un moment. Je garde la carte au frais sans y toucher… Mais ce n'est pas la première fois que ça m'arrive. J'ai perdu cinq cents photos de Roumanie, mais j'ai presque tout récupéré du Tibet. Je ne désespère pas donc. Et comme toi, je n'ai pas trop le temps actuellement.
SupprimerGrand merci en tout cas !
Bisous.
Je ne savais pas que tu étais allé au Tibet ! il n'y a rien sur le blog !
SupprimerMichèle
Normal, c'est bien avant que je ne le commence… Un voyage de 2005 !
SupprimerJ'ai visité ce palais et je trouve votre travail remarquable. Dommage pour la carte mémoire saturée car il y avait d'autres merveilles.En tous les cas un grand merci.
RépondreSupprimerUn grand merci à vous pour ce chaleureux commentaire !
SupprimerTrès riche, très passionnant article sur un palais de contes de fée !
RépondreSupprimerFélicitations. Un grand merci !
Rachid
Merci beaucoup, Rachid, pour ce chaleureux commentaire !
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