Sergiev Posad : la Laure de Saint Serge

J'ai déjà visité une laure à Saint Petersbourg, celle d'Alexandre Nevsky. On m'avait expliqué que cela désignait un monastère de grande importance mais j'ai lu depuis une autre définition : un ensemble où les moines vivent en ermite en semaine et se réunissent le dimanche. Je ne sais pas si les deux sont valables.

Celle-ci est, paraît-il, la plus célèbre de toute la Russie. Elle constitue une des étapes de l'anneau d'or, ce groupe de magnifiques sites anciens autour de Moscou (Vladimir et Souzdal en sont deux étapes réputées) et elle est consacrée à Saint Serge, le patron de la Russie.

Saint Serge de Radonezh

Après avoir vu le tableau de Nesterov à la Galerie Tretyakov, je me suis un peu documenté. Barthelemy naquit à Rostov dans une famille opulente, mais il était en retard dans ses apprentissages. Un jour, il vit un moine qui lui assura qu'il n'aurait plus de difficultés, c'est ce que représente Nesterov ; l'ermite promit à ses parents qu'il "serait la demeure de la Trinité".

Il partit à Radonezh, un village traversé en venant en train, convainquit son frère Etienne de l'aider à construire une cabane. A vingt-quatre ans, il édifia une chapelle qu'il consacra pour la première fois à la Trinité et devint moine sous le nom de Serge. Nous y sommes ! Le nom de Serge de Radonezh s'explique !

Il vécut d'abord en ermite, entouré d'animaux, puis établit une communauté sur la demande du Patriarche de Constantinople. Peu à peu cela devint un monastère lettré et influent. Le prince Donskoy vint lui demander sa bénédiction avant de partir à la bataille de Kulikovo, et il y fut victorieux ! A partir de cet instant, sa renommée fut établie à l'échelle de l'empire. Série d'événements prodigieux, hostie miraculeuse, etc.
Il mourut en 1392 mais ses reliques furent l'objet de miracles. C'est un saint thaumaturge, prié pour obtenir la guérison.

La laure est donc tout à la fois un monument historique, un lieu artistique car elle renferme notamment des peintures d'Andrey Rublev, le plus grand peintre d'icônes, un monastère à la base de la religion orthodoxe russe et un lieu de pèlerinage. Rien que ça !

Un monastère clos

Comme tous ceux que j'ai visités en Russie, l'enceinte du monastère n'est pas que symbolique mais réellement défensive. Ici, on aperçoit une première, en briques rouges.

La Laure de Saint Serge

La principale est bien plus imposante, avec des tours massives d'où le regard porte loin.

En outre, les murailles assurent un vrai système défensif.

La porte

La porte est précédé d'un porche peint en ce vert pastel qu'on trouve souvent à Moscou.

Décor stuqué de rigueur !

Après les scènes religieuses de rigueur, on a représenté des épisodes de la vie de Saint Serge. Puisque j'ai résumé, ce sera facile à suivre !

Les deux frères construisent la cabane.

Comme Saint François d'Assise, Saint Serge attire les oiseaux ; il bénit le prince Dmitry Donskoy avant la bataille.

Miracle pendant la messe.

J'hésite. Construction du monastère, peut-être. Il semble déjà vivre dans l'ermitage. A droite, durs travaux quotidiens.

Tous les blogs que j'ai lus parlent d'une foule inimaginable et de queues phénoménales. Je dois dire qu'en avril, c'est plutôt tranquille. Beaucoup de gens viennent chercher de l'eau à la source de Serge, moines et popes ne manquent pas, mais rien de commun. En outre, je visite un mardi, c'est peut-être davantage bondé le week-end.

La Cathédrale de la Dormition

Erigée sur l'ordre d'Ivan IV (le Terrible), elle remplaça l'église de bois d'origine. Elle subit peu de changement ensuite, sinon le remplacement des sphères par des bulbes.

A l'extérieur, quelques fresques colorées animent les tympans.

C'est l'heure du selfie !

A gauche de l'entrée, le tombeau d'un tsar célèbre, Boris Godunov. Je le connais évidemment surtout avec le magnifique opéra de Moussorgski, une de mes œuvres favorites.

Une pierre tombale travaillée, mais je ne parviens pas à déchiffrer ces inscriptions-là.

L'intérieur est une splendeur. La totalité des surfaces est recouverte de fresques, comme dans les merveilleuses églises du Kremlin.

La grande iconostase mêle des icônes de différentes périodes, mais la Dormition, la Trinité et l'Annonciation datent du XVIe siècle.

Un peu partout, on retrouve l'épisode de la Dormition.

La partie la plus large montre Saint Michel avec sa trompette, devant des moines. J'ai l'impression que le Paradis est en haut et l'Enfer en bas, mais ici les damnés semblent plutôt dans les eaux que dans les flammes.

Même les portes sont superbes.

En été, c'est à cette fontaine que les gens viennent chercher l'eau de la source.

La chapelle de l'Assomption sur le puits

Dans les périodes plus fraîches, c'est cette chapelle du XVIIe siècle qui est utilisée.

Je fais comme tout le monde, je remplis mon thermos. L'eau me paraît extrêmement fraîche !

La décoration a logiquement retenu des scènes en rapport avec l'eau puisée, comme ce Christ avec la Samaritaine.

Le clocher

Le clocher est une structure de 88 m de hauteur, qui abritait autrefois cinquante cloches ; il n'en reste que la moitié, le reste ayant été fondu dans les années 1930, période troublée pour les monastères.

Curieux mélange de classicisme et de baroque !

Trois chapelles

Des travaux sont en cours dans cette zone-là. L'église de gauche, avec un clocher en chatior,  recevait des malades et a été nommée "hôpital". Celle du centre, dite de l'icône de Smolensk, renferme seulement une copie de ladite icône.

Palais de la Tsarine, église trapeznaya

C'est un peu plus compliqué. On a construit à l'intérieur du monastère un édifice civil pour permettre à la famille du tsar de venir prier en toute quiétude. J'ai vu la même chose à Klosterneuburg, à côté de Vienne.

Ce qui est moins clair, c'est que tout l'étage est occupé par un réfectoire qui fait en même temps église, ce qui est baptisé trapeznaya, sans aucun rapport ni avec la voltige ni avec la forme géométrique !

Des fausses pointes de diamants sont peintes sur les façades.

L'intérieur est typique du baroque XVIIe . Dans la première salle, quelques salles racontent l'histoire d'Adam et Eve, vite chassés du paradis.

La trapeznaya proprement dite s'avère une salle avec une voute en demi-cylindre, généreusement fresquée.

L'appel des disciples ou le sermon sur la barque ?

Je dirais bien que ces peintures-là ont été réalisées deux cents ans après… Mais je me trompe peut-être.

Un doute. Entrée messianique à Jérusalem ? Mais sur un cheval ? Retour du fils prodigue ?
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La chapelle Nikon

Toujours sans rapport avec les appareils photo japonais, cette élégante chapelle honore un disciple de Serge, Saint Nikon de Radonezh. Il fut abbé de la laure au début du XVe siècle.

L'extérieur est extrêmement sombre et c'est bien dommage car les fresques m'éblouissent par leur qualité de ligne. Mais pour les photos, c'est mission impossible.

Cette église est, ce jour-ci, la plus vénérée. La piété russe est extrêmement fervente. Quelle que soit l'heure où j'entre dans une église, je vois toujours des gens de tous âges venir prier. Et faire de multiples signes de croix, en commençant par l'extérieur de l'église.

Les restes du saint seraient sous ce grand baldaquin argenté. Ils font l'objet d'une vénération encore plus importante.

L'église du Saint Esprit

Même si elle tenait porte close, j'ai beaucoup aimé cette église à l'extérieur épuré. Ce serait une des toutes premières à avoir été construite en briques.

Les murs restent blancs, mais on s'est autorisé une très délicate frise décorative.

On la retrouve même sous cet imposant bulbe.

L'église de l'Apparition de la Vierge aux Apôtres

Egalement fermée, cette petite église porte aussi le nom de Mikheievskaïa car elle protège les reliques de Mikhei, un autre disciple de Saint Serge.

 

Presque tout un côté du monastère est occupé par un séminaire, l'Académie Théologique de Moscou. C'est un piège ! "Où est située l'Académie Théologique de Moscou?..."

L'église de la Nativité de Saint Jean Baptiste

On voit tout de suite que cette église, surmontant le porche, diffère des autres. En fait, elle fut financée par Stroganov, un marchand prospère de Moscou (lui servait-on du bœuf ?) et il importa le style depuis la capitale, nommé le baroque moscovite. On retrouve aussi les fausses pointes de diamant.

Sœur Veronika, une très serviable nonne, m'a ouvert l'église pour que je puisse jeter rapidement un coup d'œil, car elle est en travaux. A mon tour de vous en faire profiter !

Le magasin (enfin, un des magasins, car les marchands du temple ne manquent pas ici) propose, outre céramiques et médailles, tout le nécessaire pour monter son église : soutane, icônes, lutrins…

C'est un site religieux absolument magnifique, cela vaut bien une excursion depuis Moscou !