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jeudi 19 août 2021

Mystra : églises médiévales (3)

 

Fin de la visite de Mystra, décidément un site extrêmement riche, avec des merveilles pour récompenser le visiteur endurant !

 


L'ancienne fontaine publique avait un décor très élaboré, on voit un reste d'arcature en marbre.

L'église Saint Christophe (Aghios Christophoros)

Eglise réduite aux dimensions d'une chapelle, semblable à une petite maison.

 

L'église Saint Georges (Aghios Gheorgos)

 

Celle-ci, consacrée à Saint Georges, un des personnages historiques vénérés dans les religions orthodoxe et catholique, n'est guère plus vaste et absolument délicieuse.

 

Un petit bijou grâce à la fantaisie de la décoration en briques.


J'adore ce zigzag, un peu irrégulier, pas vraiment conforme aux règles de l'art, et qui suffit à embellir la fenêtre.


Une importante porte fortifiée dans la forêt protège le Peribleptos.

Le Peribleptos



Le nom peu courant signifie "célébrée" et semble bien un nom féminin, déjà porté par un ensemble de Constantinople. 

 

Il désigne un monastère édifié, à nouveau, par le despote Manuel Cantacuzène, au cours du XIVe siècle.

Il est semi-troglodytique, en ce sens qu'il utilise le renfoncement naturel de la falaise comme mur de l'église.


C'était un des monastères les plus riches de Mystra, financé par des familles nobles qui s'y sont fait représenter, et qui jouissait de larges ressources propres grâce à des propriétés terriennes étendues.


Cela lui a permis d'être très richement décoré, avec des fresques de haute qualité. Il paraît que cet ensemble constitue un jalon essentiel dans l'art byzantin. Je ne sais pas en quoi, hélas. Je me contente d'essayer d'identifier les représentations et les replacer avec mes maigres connaissances.

La fresque de la coupole est déjà superbe, avec un Christ Pantocrator expressif.

La Vierge flotte dans les airs, grâce à l'intervention angélique.


Une scène de dormition, apparemment. Le motif en croix sur les étoles revient souvent dans les icônes de saint sans que j'aie pu savoir si c'était un quelconque attribut.

La Nativité se décrit dans une caverne fendue qui semble reprendre le monastère où je me trouve. Assistent à la scène non des bergers ou des rois mas des anges, répartis de part et d'autre. Il y a ici un sens de la spatialisation de la scène qu'on voit bien rarement dans l'art byzantin.

Le Christ est attaché par deux marlous. J'avais envisagé une Flagellation mais j'opte plutôt pour une Mise en croix.

J'ai quelques doutes. J'ai vu une représentation des Adieux du Christ à la Vierge qui pourrait correspondre, mais j'ignore si cela existe dans l'art byzantin. Une Descente de croix serait plus vraisemblable, mais je n'ai pas totalement l'impression que le Christ ait les yeux fermés.

Je ne me risque à rien, c'est vraiment trop difficile à détailler.

L'entrée messianique à Jerusalem, sur l'âne obligé. L'artiste a exploité au maximum le contraste pour qu'on ne rate pas le baudet, tout en misant sur le mouvement. Il a évité tant qu'il pouvait de figer ses personnages, c'est un beau travail associé à des coloris très frais.

A droite, la Cène montre une étonnante création en trois dimensions, bien loin du canon byzantin. Les deux passages, des prémisses de la Passion, s'harmonisent par la palette.

Troupe de saints militaires, bien individualisés.  L'artiste a vraiment soigné les détails de chacun.



Beaucoup de demeures attendent encore une restauration. Celle-ci semble en bon état.

L'architecte connaissait un seul plan, la maison à deux étages, une pièce par niveau. Celui du bas servait de réserve et de magasin, celui du haut pour l'habitation. Les conditions de vie - de survie parfois - étaient plus importantes que l'intimité, mot dont le sens était peut-être totalement inconnu.





Le monastère de la Pantanassa


Fondé en 1428, ce monastère a particulièrement bien résisté au temps et il a gardé fière allure.


Des nonnes l'occupent toujours et entretiennent un petit jardin autour des allées et de leurs cellules. Comme je les comprends !


Leur petit jardin de bonsaï (même un olivier) me fait immédiatement penser aux temples d'Asie du Sud-Est, Chine, Viet-Nam ou Japon, où on en voit très régulièrement.

Un narthex à colonnes fait également office de galerie. Le plan reprend celui de l'Hodeghetria, grand succès architectural de Mystra, en l'actualisant. Le clocher, par exemple, serait d'influence franque.

L'intérieur offre le riche ensemble de fresques attendu.

Le cycle ne m'est pas vraiment clair. Je suppose une vie du Christ qui commencerait, en haut à gauche, par une union de Joseph et de Marie. Au-dessous, la scène à gauche suggère une mise en croix mais elle est horizontale, et le personnage principal se retrouve au milieu tête en bas. A droite, la Crucifixion correspond davantage à la représentation canonique. 

Les images comportent bien des inscriptions, mais je ne déchiffre rien.

Apparemment deux saints ont déjà été décapités, et le troisième attend son tour.

La Visitation au centre, la Crucifixion en bas à gauche. Au milieu, j'envisagerai bien le coup d'épée et l'éponge avec le Longin et le Stephaton, les soldats romains chargés de vérifier le décès du crucifié. Mais la scène suivante, où le saint est mis à cuire dans le chaudron, renouvelle mes interrogations.

Vierge à l'enfant au milieu de sages saints byzantins. La représentation joue sur les bleus et les rouges pour créer un effet de masse.


Sur le mur du fond, une foule de saints brandissent des croix et exhibent une image sainte circulaire.



Le modèle d'iconostase imite la façade d'un temple, avec colonnes et fronton triangulaire. Deux grandes icônes en métal repoussé encadrent la partie dégagée.

Je me demande si la scène en haut à gauche ne serait pas une Fuite en Egypte, avec cette colonne exotique. L'autre scène courante avec quadrupède, c'est l'Entrée messianique à Jérusalem, mais elle comprend obligatoirement un âne et ici la monture a l'allure d'un fier destrier.

Ouf, Vierge à l'Enfant et trio d'anges, enfin des valeurs sûres.

La Vierge est au milieu, devant une construction à rideaux qui signale généralement un temple. A droite, un personnage aux mains couvertes reçoit un bébé auréolé... Je pense à une Présentation du Christ au temple, mais compte tenu du nombre de personnages, j'opterai davantage pour la Circoncision. Très bel ensemble de couleurs médiévales et mise en espace réussie. Ca me rappelle la peinture siennoise. Je pense que les nouveautés artistiques devaient circuler généreusement dans toute l'Europe.

Enfin une scène bien claire ! C'est le lit sur le dos qui m'a mis sur la voie. Il s'agit de la Guérison du Paralytique, où, selon l'évangile de Jean, Jésus lui dit : "Lève-toi, prends ton lit et marche."

La représentation de la demeure, à l'arrière-plan, est bien différente de ce qu'on voit à Mystra. Si certaines étaient ainsi parées de marbre, il n'en reste rien.


A droite une Nativité lumineuse. Le corps de la Vierge en escalier me paraît systématiquement lié à cette scène.

Scènes classiques, Vierge à l'Enfant puis Christ Pantocrator dans le cercle, image de perfection et d'infini, que portent des anges raffinés. Encore une superbe peinture, qui joue sur les contrastes.

Jésus, au centre (enfin je vois nettement le nimbe crucifère) enseigne à une foule de disciples, peut-être les apôtres. Ce qui attire mon œil est le bâtiment à l'arrière, qui rappelle très fortement le Palais des Despotes de Mystra, à une centaine de mètres.


Dans ce miracle de guérison, le peintre s'est soucié de construire différemment l'espace. Si la règle impose plutôt de laisser les édifices à l'arrière, comme une toile peinte de théâtre, ici les colonnes avancent au premier plan et construisent un espace en volume. 





L'Entrée messianique à Jérusalem est l'occasion d'une peinture complexe, décrite en plusieurs plans. Au fond, la forteresse rose renvoie à nos représentations médiévales d'urbanisme, comme chez Lorenzetti. Le paysage se manifeste avec une volonté de réalisme : formations rocheuses courantes mais aussi arbres, beaucoup plus rares. 

A droite, les fortifications où épient les guetteur correspondent à la proposition concensuelle de Jérusalem. Mais le peintre ne se limite pas à une bande de murailles et se lance dans une audacieuse vision sur plusieurs plans pour réellement proposer sa version de la grande cité orientale. Au premier plan, on ne peut manquer l'église qui symbolise sans doute l'ensemble de Mystra. 

La scène centrale frappe par le mouvement et l'expressivité des attitudes. Outre les deux groupes soudés (mais dont les membres sont individualisés avec soin), un personnage se détache en étendant un tapis devant l'âne. 
Un vrai chef-d'œuvre. 


Impossible d'identifier les deux scènes du haut. En bas, Constantin et sa maman Hélène sont figurés de part et d'autre de la Croix, représentation canonique évidemment très valorisée dans l'art byzantin. 


Depuis que j'ai suivi les conférences du Louvre, diffusées sur internet, sur la représentation de l'architecture dans la peinture médiévale, je suis plus attentif à cet élément et ici je remarque la variété des constructions. On ne se contente pas d'une image symbolique de la ville mais on s'applique à peindre des édifices différents, sans doute identifiables (du moins à l'époque). Il me semble reconnaître la Sainte Sophie de Mystra ici. 

Un beau portrait de Saint avec un livre nous est également offert. 


La Résurrection de Lazare semble avoir la faveur des artistes byzantins. Le défunt a été emmailloté comme une momie et demeure dans son sarcophage dont le couvercle a été déposé. Un très beau Christ montre le pouvoir du geste. 

Je suis sensible à ces manifestations de chagrin, autour de Lazare, peintes avec justesse. Et l'idée d'utiliser la pointe de la voussure pour coincer une tour, en haut à gauche, me plaît beaucoup. C'est une excellente exploitation du cadre comme élément structurant. 

Admirable église dont la richesse récompense de la fatigue. On ne s'arrête pas de monter et de descendre, à Mystra, que j'arpente depuis des heures ! 






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