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samedi 11 janvier 2020

Prague : Monastère de Strahov, le musée de peinture


Décidément, avec le billet du monastère de Strahov, on en a pour son argent. Je conclus ma visite avec le musée et sa prestigieuse collection de tableaux.


Le monastère détenait une des plus importantes collections de tableaux en Bohème. Pendant la période communiste, celle-ci fut dispersée, mais elle est revenue dans les murs ensuite. Seule une faible partie est exposée, comme toujours.

Environ quatre siècles de peinture sont couverts, avec, comme toujours, un lot de découvertes. Tout n'est pas inoubliable mais j'ai vu ici de fort bonnes choses !

Maître de la Madone de Vyšší Brod, Sainte Barbe, XVe siècle

 Un des plus jolis tableaux de la collection, consacré à Sainte Barbe/Barbara, très priée en Bohème ; je rappelle la fabuleuse église Saint Barbe de Kutna Hora !

Anonyme, La Madone de Strahov, XIVe siècle

Même si le cartel vante la perfection des lignes qui s'entrelacent, j'ai plus de mal à apprécier cette Vierge à l'Enfant !

Anonyme de Westphalie, Crucifixion, XVe siècle

Un beau travail de draperie qui sent l'héritage du gothique, mais le panneau révèle aussi l'influence de la peinture flamande.

Maître de l'autel de Saint Georges, L'Incrédulité de Saint Thomas /
Sainte Marie-Madeleine
, XVe siècle

Ma photo est un peu floue ; dommage avec ces deux beaux panneaux.

Anonyme de Salzburg, La Mort de Marie, XVe siècle

Impossible de parler ici de Dormition ! Le lit est vide, Marie en train de s'agenouiller... Dans la tradition des pays de l'Est, elle meurt alors qu'elle est en prière.

Anonyme de Bohème, Sainte Ursule / Sainte Dorothée, XVe siècle

Sainte Dorothée, une des quatre Vierges Capitales à partir du XIVe siècle, est souvent accompagnée d'autres vierges martyres, comme Sainte Ursule de Cologne. Cette dernière s'identifie avec les flèches et la couronne, la première avec le panier de roses.

Anonyme, La Madone de Jihlava, 1360

 De la même provenance que l'expressif crucifix exposé dans la salle du trésor, une belle Vierge au visage large et au demi-sourire énigmatique.

Anonyme de Nürnberg, La Vierge au croissant / Saint Jean-Baptiste, XVIe siècle

Deux panneaux d'un retable, dans le style de Süss von Kulmbach, un élève de Dürer. La Vierge sur le croissant de lune figure aussi sur la façade de la basilique.

Wolf Huber et atelier, L'Adoration des Mages, vers 1520

 Huber, un autre élève de Dürer, est un excellent peintre. Le panneau est un peu inégal (médiocre visage de la Vierge) mais le roi mage qui nous regarde est plus réussi.

Wolf Huber et atelier, L'Adoration des Bergers, vers 1520

Maître du Panneau de Čáslav, L'Arrestation du Christ, c. 1530

Un panneau très soigné, avec couleur et mouvement, où on sent l'influence de la Passion de Dürer, une série de gravures largement diffusée.

Maître de l'Arche de Štětí, Retable, 1526

Ce retable sculpté et peint fut un des grands projets du moment. A gauche Saint Venceslas, le saint patron des Tchèques et à droite Saint Guy (avec son coq), à qui est consacrée la cathédrale de Prague. Au centre, la Vierge à l'enfant est entourée des saints Pierre et Paul.

Anonyme, Sainte Barbe /
Sainte Marie-Madeleine
, c. 1470

Sainte Barbe avec sa tour, Sainte Marie-Madeleine avec son pot d'onguent.

Anonyme, Sainte Barbe (détail), c. 1470

L'originalité de ces deux panneaux réside dans l'insertion de pierres précieuses (des grenats vraisemblablement) dans le bois. On mesure le soin du détail dans le plissé et les plis du cou.

Maître d'Anvers, Le Portement de Croix, c. 1510

Belle qualité de peinture : construction, lumière, expressions. Le peintre a réussi un magnifique visage de Christ.

Maître de l'Autel de Strahov, La Visitation, c. 1510

La Visitation est ici devenue un trio, une rareté dans l'iconographie.

Maître de l'Autel de Strahov, La Nativité, c. 1510

Une certaine naïveté dans ce panneau où figure Joseph, un peu en retrait.

Maître de l'Autel de Strahov, La Fuite en Égypte, c. 1510

Ces trois peintures sont l'oeuvre d'un Allemand resté anonyme, qui travailla aussi à la chapelle de Saint Venceslas dans la cathédrale. La naïveté n'est pas absente dans le dernier.

Maître de Frankfurt, L'Apparition du Christ ressuscité à Marie, c. 1510

Si la scène n'est pas mentionnée dans les Évangiles,  la tradition chrétienne l'a établie depuis longtemps. Cela dit, c'est à cette époque qu'elle commence à se développer, notamment sous l'influence d'Ignace de Loyola. Je pense cependant qu'il n'y a aucun rapport entre ce tableau minutieusement peint et le fondateur de la Compagnie de Jésus.

Pieter Coecke van Aelst, L'Adoration des Mages, c. 1530

Pieter Coecke van Aelst fut un des grands peintres du moment, même s'il est un peu oublié aujourd'hui. C'était un artiste doué dans de nombreux domaines, sculpture, gravure, édition, et sa Cène obtint un succès incroyable à l'époque (et fut maintes fois copiée). Malheureusement, beaucoup de ses peintures furent détruites par les Calvinistes et c'est très rare de pouvoir admirer ses tableaux qui combinent influences nordiques et italiennes.

Bartholomaeus Spranger, Sainte Ursule / La Résurrection / Sainte Elisabeth, c. 1580

Encore un Flamand qui séjourna en Italie ; il travailla pour Maximilien à Vienne avant de devenir le peintre officiel de la cour de Prague.

Bartholomaeus Spranger, La Résurrection, c. 1580

Avant tout considéré comme maniériste, c'est cependant un des peintres qui préparent le baroque. Le Christ s'envolant dans le ciel jaune, ici, n'est pas si loin d'un Luca Giordano, par exemple.

Jan Mostaert, Portrait d'homme, c. 1530

Le peintre de Haarlem est représenté ici par un excellent portrait. La forme blanchâtre à droite me laisse perplexe ; le panneau n'aurait-il pas été découpé ?

Anonyme néerlandais, L'Adoration des Mages, c. 1550

Suiveur de Jérôme Bosch, L'Extraction de la pierre de folie, c. 1580

 Le thème du charlatan a plusieurs fois été traité par Bosch, qui a réalisé aussi un fameux tableau, L'Escamoteur, où il présente le bonneteau. La qualité picturale de celui-ci n'est pas parfaite, mais il n'en reste pas moins savoureux.

Christoph Schwarz & Hans von Aachen, Le Portement de Croix, c. 1590

Cette huile sur cuivre fut commandée à Schwarz à Munich, mais terminée par von Aachen, un des peintres de la cour, à Prague. Bonne peinture par plans, avec un réel soin pour créer l'espace.

Josef Heintz, L'Adoration des bergers, c. 1590

Je ne connais pas du tout ce Josef Heintz, encore un des peintres de la cour. Le travail sur la lumière est assez original.

Dirk de Quade Ravesteyn, Allégorie du règne de Rudolph II, 1603

Lui, je le connais, mais j'ignorais qu'il avait également été peintre de la cour de Prague. Un de plus. Le tableau suit un programme précis : Cérès (l'abondance), la Justice et la Paix sont devenues copines durant le règne de l'empereur ainsi fêté. Cette toile serait le seul tableau signé par Ravesteyn.

Frans Francken le Jeune, Saint Jacques pourfendeur de Maures, c. 1620

Un des fameux peintres d'Anvers, dans une dynastie de peintres active durant cinq générations. Peintre efficace, connu pour son raffinement, ici à la tâche pour raconter une mêlée bien agitée.

Luca Cambiaso, Le Jugement de Pâris, c. 1570

Cambiaso, un maniériste génois, fut surtout connu comme le peintre officiel de Philippe II à la cour d'Espagne (oui, celui de Don Carlos) et il peignit un Paradis à la voûte de l'église de l'Escurial. Sa peinture singulière se reconnaît au fort clair-obscur sur lequel se détachent des personnages souvent un peu grisâtres. C'est le fondateur du luminisme, où les chandelles fournissent l'éclairage d'une scène, appelé à un succès foudroyant.

Att. Cornelis de Baellieur, L'Arrestation du Christ, c. 1650

Je connais Cornelis de Baellieur pour son tableau du Louvre où on voit un riche couple faire son choix dans une galerie d'art. Rien de commun avec cette Arrestation du Christ peu banale.

J'ai souvent été confronté des trognes dans cette scène mais ici, ça dépasse tout ce que j'ai vu !

Att. Cornelis de Baellieur, L'Arrestation du Christ, c. 1650

La seule référence qui me vienne en tête est le cartoon, les comics, ou la bande dessinée, mais alors tendance satirique. Le regard furieux de l'homme à la lance vaut son pesant de moutarde, cependant celui qui écarquille les yeux, bouche bée, est sans équivalent !

Suiveur de Van Dyck, Deux études de visage, XVIe-XVIIIe siècles

Suiveur ou maître,  un double portrait très bien exécuté.

Gerrit Dou, La Servante de Rembrandt, c. 1630

 Gerrit Dou, un des excellents élèves de Rembrandt, peignit ce portrait dans l'atelier du maître. Rien n'est à jeter dans l'oeuvre de ce remarquable artiste, spécialiste du petit format, et surtout pas ses remarquables portraits. Certains furent pris pour des tableaux de Rembrandt pendant longtemps.

Anonyme d'Anvers, Métamorphoses d'Ovide, c. 1650

Pour le Narcisse, deuxième à droite en partant du haut, je préfère nettement la version du Caravage. Mais on peut jouer à identifier les autres...

Alexander Adriaenssen, Nature morte, 1647

Un peintre d'Anvers de plus, connu pour ses natures mortes, toujours dans des teintes brun argenté. Le genre de la table mise, qui révèle l'opulence des riches marchands anversois, était alors en plein essor. Il peint ici (remarquablement) un citron, alors fruit exotique rare dans ces contrées.

Justus van Bentum, La Leçon de chant, c. 1700

Peintre de Leyde comme Dou, van Bentum peignit beaucoup de ces tableaux de genre. Ces deux-là illustrent bien le luminisme que j'évoquais précédemment. Le caravagisme et ses différentes tendances s'était bien diffusé dans l'Europe du Nord.

L'humour ne manque pas chez lui. Avez-vous vu le chanteur, en haut à gauche ?

Justus van Bentum, La Lecture du Talmud, c. 1700

Assez rare témoignage d'une scène dans la communauté juive des Pays-Bas, avec peut-être aussi des expressions un tantinet caricaturales...

Johann Karl Loth, Job, c. 1670

Johann Karl Loth, ça ne me disait rien du tout. J'ai fini par me rendre compte que c'était en fait Carlo Lotti, le "Bavarois vénitien", représenté dans plusieurs églises de la Cité des Doges. Un très beau Job en clair-obscur, presque caravagesque ; j'apprécie particulièrement son expression, plus retenue qu'à l'accoutumée.

Anonyme de Lucca, La Mort de Sophonisbe, c. 1650

Le baroque qui exacerbe l'expression des sentiments. Sophonisbe la Carthaginoise préféra se suicider que de devoir s'humilier au triomphe de Scipion. Ce personnage plut beaucoup durant le XVIIe siècle et devint l'héroïne de moultes tragédies, notamment de Corneille. Un siècle après, Voltaire la portait encore sur scène. Il me semble aussi que la Sophonisbe de Mairet est la première tragédie à présenter la fameuse règle des trois unités.

Michael Wenzel Halbax, Deux Apôtres, c. 1690

Ce n'est que la deuxième fois que je vois des tableaux de ce peintre autrichien, qui me semble s'acquitter fort bien de ses tâches ; le clair-obscur est magnifique.



Atelier de Balthasar Denner, Deux Anciens, c. 1740

Denner, un peintre hambourgeois, jouissait d'une réputation telle qu'il était accablé de commandes. Dans son atelier, il paraît qu'il ne mettait même pas la main à toutes les toiles...

Franz Xaver Karl Palko, Saint Pierre / Saint Paul, c. 1760

Un des grands peintres polonais du XVIIIe siècle, formé à Venise et à Vienne, que je ne m'attendais pas du tout à trouver ici. Ce qui m'intéresse dans ces deux toiles, c'est sa recherche de variété : deux portraits très différenciés (expression, position, composition), et des types éloignés du modèle habituel de l'apôtre.

Johan Wenzl Bergl, Les Mages devant Hérode, c. 1760


Jakub Antonin Pink, Le Martyre de Sainte Barbe, c. 1723

Si par hasard j'ai déjà vu des œuvres de ce peintre, je les ai complètement oubliées... Ce Martyre de Sainte Barbe n'a pas dû compter beaucoup pour la réputation de l'artiste, à moins qu'il l'ait vendue à une communauté de myopes...

Jakub Antonin Pink, Série de saints, 1731

Plus réussie, cette série inattendue de portraits de saints fameux, réalisée sur de grands coquillages nacrés... Un support assez rare, particulièrement dans la peinture religieuse.

Jakub Antonin Pink, Saint Jean-Baptiste, 1731

Jan Vojtěch Angermayer, Nature morte, 1738

C'est le même coup que précédemment : je ne connaissais pas  Jan Vojtěch Angermayer, mais Johann Adalbert Angermeyer, oui ! Mon œil a été attiré ici par le melon cantaloup, alors que c'étaient généralement les melons jaunes et verts qu'on peignait jusque là.

Anonyme de Prague, Jésus et la Samaritaine, c. 1780

Je ne garantis pas que mes photos puissent correctement montrer ces deux tableaux, deux dioramas, où les différents plans sont peints sur des plaques de verre.

Anonyme de Prague, Jésus et la Samaritaine, c. 1780 (détail)

Anonyme de Prague, Le Sermon sur la Montagne, c. 1780

Anonyme de Prague, Le Sermon sur la Montagne, c. 1780 (détail)

Si on scrute attentivement, on remarque les ombres entre les plaques.

František Xaver Procházka, Paysage nocturne / Ruines d'un tombeau, 1808-1809

 Les débuts du romantisme : clair de lune (ou sombre de lune, c'est selon), nature, tombeau, ruines, atmosphère dramatique... Tout le répertoire est déjà là !

4 commentaires:

  1. Magnificent paintings,the major part is from unknown painters. A good overview of art history. Thanks for your accurate texts!
    Annie

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  2. Bien peu de peintres connus et pourtant une collection intéressante qui multiplie les découvertes.

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    Réponses
    1. Ce ne sont pas vraiment les stars habituelles qui sont présentées ici... Merci beaucoup pour votre commentaire !

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