Vienne : Simon Boccanegra (Wiener Staatsoper)

Me voici de retour au Staatsoper pour un opéra, autrefois assez rare, mais que je vois maintenant aussi souvent que Traviata ou Rigoletto. Cette saison, j'en ai trois au programme.

Une production de Peter Stein

Cette production figure au répertoire de la maison depuis vingt ans et fut, à l'origine, conçue pour le Festival de Salzburg. Elle est bien connue par les retransmissions et les DVD. Très sobre, fonctionnelle avec ses panneaux coulissants et ses effets de rideau, elle ne craint pas de laisser la scène nue.

J'ai toujours trouvé que c'était une bonne idée de laisser en pleine lumière, à l'arrière-plan, le cercueil de Maria pendant que Simon était porté en triomphe, montrant bien la tempête de pensées contradictoires du personnage principal.

La scène du Conseil est aussi particulièrement efficace, ainsi que celle du poison basée sur un ingénieux dispositif lumineux.

Mais c'est une production que j'ai souvent vue ici et force est de constater que la précision de la direction d'acteurs s'est largement élimée au fur et à mesure des reprises. C'est le problème des productions de répertoire, où je ne suis pas certain qu'on prenne vraiment le temps de retravailler les personnages avec leurs interprètes.

Belle distribution

L'Ensemble fournit, comme toujours, une partie de la distribution : Fiona Jopson en servante, Lukhanyo Moyake en Capitano ; Dan Paul Dumitrescu, noble basse de la maison, entendu un nombre incalculable de fois, me semble avoir la voix un peu fermée ce soir pour son Pietro.

L'infatigable Clemens Unterreiner enchaîne les prises de rôle, et je l'entends pour la troisième fois en six jours après Die Frau ohne Schatten et A Midsummer night's dream. Il se lance dans Paolo avec beaucoup d'aplomb et de passion, déploie son baryton avec ampleur et réussit la scène de la malédiction en faisant percevoir l'effroi attendu. Un rôle marquant dans sa carrière, à n'en pas douter.

Je retrouve Fabio Sartori en Gabriele Adorno, entendu dans ce rôle à Barcelona en 2016, et je trouve que la voix a pris de l'ampleur en gardant son séduisant registre aigu. Un beau ténor à l'italienne.

Le Fiesco de Ferruccio Furlanetto est un classique, et je considère comme un privilège de l'avoir autant entendu ! Voix large et sombre, legato impeccable, dignité et présence, il reste un magnifique interprète après quarante-cinq ans de carrière. Son Lacerato spirito demeure un grand moment de chant verdien.

Après sa valeureuse Norma toulousaine, c'est un challenge pour Marina Rebeka de se plonger dans la vocalité d'Amelia, et j'avoue m'être demandé comment elle allait se tirer de ce pas-là. Inquiétudes infondées. Elle représente pour moi l'idéal d'Amelia : fraîcheur de la voix conjuguée au poids du rôle, avec la maîtrise de tous les registres pour affronter la partition. Beauté du timbre partout, maîtrise de la ligne, c'est absolument impeccable.

Et autre excellente surprise avec Simone Piazzola. J'avais apprécié son Germont, moins son Renato, et Boccanegra reste un des rôles les plus exigeants du répertoire verdien.

J'ai été extrêmement sensible au soin apporté à chanter le rôle, en respectant avant tout dynamique, variété des couleurs, qualité de la ligne. Et je l'ai trouvé, de bout en bout, expressif et émouvant, laissant toujours deviner les fêlures derrière l'autorité. Du vrai beau travail. Et il avait un gant à relever, j'avais d'excellents souvenirs de Thomas Hampson et de Dmitry Hvorostovsky dans cette production !

Le maestro Carignani semble heureusement remis de ses blessures de l'an dernier et dirige avec le métier qu'on lui connaît, alliant largeur du geste et précision. Les forces de la maison sont toujours au rendez-vous, un magnifique orchestre frémissant et un choeur aussi puissant que précis.

Clemens Unterreiner

Ferruccio Furlanetto

avec Simon Piazzola

avec Fabio Sartori

avec Marina Rebeka

Marina Rebeka, bis !